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meure insensible, je n'entreprendrai point de le forcer; mais au moins sois complaisante aux civilités qu'on te rend, et ne m'oblige point à faire les excuses de ta froideur. Traite ces princes avec l'estime que tu leur dois, reçois avec reconnoissance les témoignages de leur zèle, et viens voir cette course où leur adresse va paroître. THÉOCLE, à la Princesse. Tout le monde va faire des efforts pour remporter le prix de cette course. Mais, à vous dire vrai, j'ai peu d'ardeur pour la victoire, puisque ce n'est pas votre cœur qu'on y doit disputer.

ARISTOMÈNE. Pour moi, madame, vous êtes le seul prix que je me propose partout. C'est vous que je crois disputer dans ces combats d'adresse, et je n'aspire maintenant à remporter l'honneur de cette course, que pour obtenir un degré de gloire qui m'approche de votre cœur.

EURYALE.

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Pour moi, madame, je n'y vais point du tout avec cette pensée. Comme j'ai fait toute ma vie profession de ne rien aimer, tous les soins que je prends ne vont point où tendent les autres. Je n'ai aucune prétention sur votre cœur, et le seul honneur de la course est tout l'avantage où j'aspire.

SCENE V. LA PRINCESSE, AGLANTE, CYNTHIE,

LA PRINCESSE.

PHILIS, MORON.

D'où sort cette fierté où l'on ne s'attendoit point? Princesses, que dites-vous de ce jeune prince? Avez-vous remarqué de quel ton il l'a pris?

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porter!

LA PRINCESSE.

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Ah! quelle brave botte il vient là de lui

Ne trouvez-vous pas qu'il y auroit plaisir d'a

baisser son orgueil, et de soumettre un peu ce cœur qui tranche tant du brave?

CYNTHIE.

Comme vous êtes accoutumée à ne jamais recevoir que des hommages et des adorations de tout le monde, un compliment pareil au sien doit vous surprendre, à la vérité.

LA PRINCESSE.

Je vous avoue que cela m'a donné de l'émotion, et que je souhaiterois fort de trouver les moyens de châtier cette hauteur. Je n'avois pas beaucoup d'envie de me trouver à cette course; mais j'y veux aller exprès, et employer toute chose pour lui donner de l'amour.

CYNTHIE.

-

Prenez garde, madame. L'entreprise est périlleuse et, lorsqu'on veut donner de l'amour, on court risque d'en recevoir. LA PRINCESSE. Ah! n'appréhendez rien, je vous prie. Allons, je vous réponds de moi.

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MORON.

PHILIS.

MORON.

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Philis, demeure ici.

Non. Laisse-moi suivre les autres.

-Ah! cruelle! si c'étoit Tircis qui t'en priât, tu demeurerois bien vite.

PHILIS. ―

- Cela se pourroit faire, et je demeure d'accord que je trouve bien mieux mon compte avec l'un qu'avec l'autre; car il me divertit avec sa voix, et toi, tu m'étourdis de ton caquet. Lorsque tu chanteras aussi bien que lui, je te promets de t'écouter.

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MOROŃ, retenant Philis. — Je ne te laisserai point aller....

PHILIS.

MORON.

Ah! que de façons!

Je ne te demande qu'un moment à être avec toi. PHILIS. Hé bien! oui, j'y demeurerai, pourvu que tu me promettes une chose.

MORON.Et quelle?

PHILIS. De ne me parler point du tout.

MORON. Hé! Philis.

PHILIS.

MORON.

PHILIS.

A moins que de cela, je ne demeurerai point avec toi. - Veux-tu me ?...

- Laisse-moi aller.

MORON. - Hé bien! oui, demeure. Je ne te dirai mot.

PHILIS. Prends-y bien garde, au moins; car, à la moindre parole, je prends la fuite.

MORON. Soit. (Après avoir fait une scène de gestes ) Ah! Philis!... Hé!...

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Elle s'enfuit, et je ne saurois l'attraper. Voilà ce que c'est. Si je savois chanter, j'en ferois bien mieux mes affaires. La plupart des femmes aujourd'hui se laissent prendre par les oreilles; elles sont cause que tout le monde se mêle de musique, et l'on ne réussit auprès d'elles que par les petites chansons et les petits vers qu'on leur fait entendre. Il faut que j'apprenne à chanter pour faire comme les autres. Bon, voici justement mon homme.

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LE SATYRE chante. La, la, la.

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MORON. Ah! Satyre, mon ami, tu sais bien ce que tu m'as promis, il y a longtemps. Apprends-moi à chanter, je te prie.

LE SATYRE. - Je le veux. Mais auparavant, écoute une chanson que je viens de faire.

MORON,

bas, à part.

Il est si accoutumé à chanter, qu'il ne sauroit parler d'autre façon. (Haut.) Allons, chante, j'écoute. LE SATYRE chante.Je portois....

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MORON. Une chanson. dis-tu?

LE SATYRE. - Je port....

MORON. Une chanson à chanter?

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Je portois dans une cage
Deux moineaux que j'avois pris,
Lorsque la jeune Chloris
Fit, dans un sombre bocage,
Briller à mes yeux surpris,

Les fleurs de son beau visage.

Helas! dis-je aux moineaux, en recevant les coups
De ses yeux si savans à faire des conquêtes,
Consolez-vous, pauvres petites bêtes,

Celui qui vous a pris est bien plus pris que vous.

(Moron demande au Satyre une chanson plus passionnée, et le prie de lui dire celle qu'il lui avoit ouï chanter quelques jours auparavant.)

MORON.

-

LE SATYRE chante.

Dans vos chants si doux
Chantez à ma belle,

Oiseaux, chantez tous

Ma peine mortelle.

Mais si la cruelle

Se met en courroux

Au récit fidèle

Des maux que je sens pour elle,
Oiseaux, taisez-vous.

Ah! qu'elle est belle ! Apprends-la-moi.
LE PATYRE La, la, la, la.

MORON.La, la, la, la.

9

-on

ne

LE SATYRE.Fa, fa, fa, fa.

MORON. Fat, toi-même.

ENTRÉE DE BALLET. Le Satyre en colère menace Moron, et plusieurs Satyres dansent une entrée plaisante.

ACTE TROISIÈME.

= prie aupa.

SCENE I. LA PRINCESSE, AGLANTE, CYNTHIE, PHILIS.

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CYNTHIE. Il est vrai, madame, que ce jeune prince a fait voir une adresse non commune, et que l'air dont il a paru a été quelque chose de surprenant. Il sort vainqueur de cette course. Mais je doute fort qu'il en sorte avec le même cœur qu'il y a porté; car enfin vous lui avez tiré des traits dont il est difficile de se défendre; et, sans parler de tout le reste, la grâce de votre danse et la douceur de votre voix ont eu des charmes aujourd'hui à toucher les plus insensibles.

LA PRINCESSE. Le voici qui s'entretient avec Moron; nous saurons un peu de qui il lui parle. Ne rompons point encore leur entretien, et prenons cette route pour revenir à leur rencontre.

SCENE II. EURYALE, ARBATE, MORON.

EURYALE. Ah! Moron, je te l'avoue, j'ai été enchanté; et jamais tant de charmes n'ont frappé tout ensemble mes yeux et mes oreilles! Elle est adorable en tout temps, il est vrai; mais ce moment l'a emporté sur tous les autres, et des grâces nouvelles ont redoublé l'éclat de ses beautés. Jamais son visage ne s'est paré de lus vives couleurs, ni ses yeux ne se sont armés de traits plus vifs et plus perçans. La douceur de sa voix voulu se faire paroître dans un air tout charmant qu'elle a daigné chanter; et les sons merveilleux qu'elle formoit passoient jusqu'au fond de mon âme, et tenoient tous mes sens dans un ravissement à ne pouvoir en revenir. Elle a fait éclater ensuite une disposition toute divine, et ses pieds amoureux sur l'émail d'un tendre gazon traçoient d'aimables caractères qui m'enlevoient hors de moi-même, et m'atta

1. Disposition se prenait alors dans le sens d'agilité. Nous avons conservé l'adjectif dispos.

MORON.

choient par des noeuds invincibles aux doux et justes mouvemers dont tout son corps suivoit les mouvemens de l'harmonie. Enfin, jamais âme n'a eu de plus puissantes émotions que la mienne; et j'ai pensé plus de vingt fois oublier ma résolution, pour me jeter à ses pieds et lui faire un aveu sincère de l'ardeur que je sens pour elle. Donnez-vous-en bien de garde, seigneur, si vous m'en voulez croire. Vous avez trouvé la meilleure invention du monde, et je me trompe fort si elle ne vous réussit. Les femmes sont des animaux d'un naturel bizarre; nous les gâtons par nos douceurs; et je crois tout de bon que nous les verrions nous courir, sans tous ces respects et ces soumissions où les hommes les acoquinent.

ARBATE. de sa suite.

MORON.

Seigneur, voici la princesse qui s'est un peu éloignée

- Demeurez ferme, au moins, dans le chemin que vous avez pris. Je m'en vais voir ce qu'elle me dira. Cependant promenez-vous ici dans ces petites routes, sans faire aucun semblant d'a voir envie de la joindre; et, si vous l'abordez, demeurez avec elle le moins qu'il vous sera possible.

SCÈNE III. LA PRINCESSE, MORON.

LA PRINCESSE.

d'Ithaque?

MORON.

sons.

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Tu as donc familiarité, Moron, avec le prince

Ah! madame, il y a longtemps que nous nous connois

LA PRINCESSE. — D'où vient qu'il n'est pas venu jusqu'ici, et qu'il a pris cette autre route quand il m'a vue?

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ses pensées.

C'est un homme bizarre, qui ne se plaît qu'à entretenir

LA PRINCESSE.

Étois-tu tantôt au compliment qu'il m'a fait? MORON. Oui, madame, j'y étois; et je l'ai trouvé un peu impertinent, n'en déplaise à Sa Principauté.

LA PRINCESSE.

Pour moi, je le confesse, Moron, cette fuite m'a choquée; et j'ai toutes les envies du monde de l'engager, pour rabattre un peu son orgueil.

MORON.

Ma foi, madame, vous ne feriez pas mal; il le mériteroit bien; mais, à vous dire vrai, je doute fort que vous y puissiez réussir.

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MORON. Comment? C'est le plus orgueilleux petit vilain que vous ayez jamais vu. Il lui semble qu'il n'y a personne au monde qui le mérite, et que la terre n'est pas digne de le porter.

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Mais encore, ne t'a-t-il point parlé de moi?
Lui? Non.

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Il ne t'a rien dit de ma voix et de ma danse?

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