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Plufieurs fe font trouvés qui, d'écharpe changeants (1), Aux dangers, ainfi qu'elle, ont fouvent fait la figue. Le fage dit, felon les gens,

Vive le roi! vive la ligue!

(1) Paroiffant tantôt d'un parti et tantôt d'un autre. C'est une chofe ordinaire que les partis fe diftinguent les uns des autres par des écharpes de différentes couleurs.

MOR

V I. L'Oifeau bleffé d'une flèche.

ORTELLEMENT atteint d'une flèche empennée (1), Un oifeau déploroit fa triste destinée;

Et difoit, en fouffrant un furcroit de douleur:
Faut-il contribuer à fon propre malheur !

Cruels humains! vous tirez de nos aîles

De quoi faire voler ces machines mortelles !
Mais ne vous mocquez point, engeance fans pitié :
Souvent il vous arrive un fort comme le nôtre.
Des enfans de Japet (2) toujours une moitié
Fournira des armes à l'autre.

(1) Munie de plumes, qui contribuent à la direction et à la rapidité de fon vol.

(2) Si, felon la fable, les hommes font enfans de Japet, on ne voit pas trop bien comment elle a pu attribuer la formation de l'homme à Prométhée, fils de Japet. Mais il feroit ridicule de s'arrêter ici à démêler cette fufée.

VII. La Lice et fa compagne.

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NE lice (1) étant fur fon terme Et ne fachant où mettre un fardeau fi preffant, Fait fi bien qu'à la fin fa compagne confent De lui prêter fa hutte, où la lice s'enferme. Au bout de quelque temps fa compagne revient. La lice lui deinande encore une quinzaine :

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Mais pour mon frère l'ours, on ne l'a qu'ébauché ( 1 );
Jamais, s'il me veut croire, il ne fe fera peindre.
L'ours venant là-deffus, on crut qu'il s'alloit plaindre.
Tant s'en faut de fa forme il fe loua très-fort,
Glofa fur l'éléphant, dit qu'on pourroit encor
Ajouter à fa queue, ôter à fes oreilles ;
Que c'étoit une maffe informe et fans beauté.
L'éléphant étant écouté,

Tout fage qu'il étoit, dit des chofes pareilles:
I jugea qu'à fon appétit

Dame baleine étoit trop groffe.

Dame fourmi trouva le ciron (2) trop petit,
Se croyant, pour elle, un coloffe.
Jupin les renvoya, s'étant cenfurés tous,
Du refte, contents d'eux. Mais parmi les plus fous
Notre espèce excella; car tout ce que nous fommes,
Lynx (3) envers nos pareils, et taupes (4) envers nous,
Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes:
On fe voit d'un autre ceil qu'on ne voit fon prochain.
Le fabricateur fouverain

Nous créa befaciers tous de même manière,
Tant ceux du temps paffé que du temps d'aujourd'hui.
Il fit pour nos défauts la poche de derrière,
Et celle de devant pour les défauts d'autrui.

(1) Très-imparfaitement formé.

(2) Très-petit animal, qu'on ne peut voir que pur le moyen d'un microscope.

(3) Animal aux, yeux très-perçants

(4) On croit communément que les taupes n'ont Point d'yeux.

VIII. L'Hirondelle et les petits Oiseaux»

UNE hirondelle en fes voyages

Avoit beaucoup appris. Quiconque a beaucoup via
Peut avoir beaucoup retenu.

Celle-ci prévoyoit jufqu'aux moindres orages,
Et, devant qu'ils fuflent éclos,

Les annonçoit aux matelots.

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Il arriva qu'au temps que la chanvre (1) fe feme, Elle vit un manant en couvrir maints fillons (2 ).. Ceci ne me plaît pas, dit-elle aux oifillons :

Je vous plains, car pour moi, dans ce péril extrême,
Je faurai m'éloigner, ou vivre en quelque coin.
Voyez-vous cette main qui par les airs chemine?
Un jour viendra, qui n'eft pas loin,

Que ce qu'elle répand fera votre ruine.
De-là naîtront engins à vous envelopper.
Et lacets pour vous attraper,
Enfin maince et mainte machine
Qui caufera dans la faifon
Votre mort ou votre prifon :
Gare la cage ou le chaudron!
C'est pourquoi, leur dit l'hirondelle,
Mangez ce grain; et croyez-moi.
Les oifeaux fe moquèrent d'elle:
Ils trouvoient aux champs trop de quoi.

Quand la chenevière (3) fut verte
L'hirondelle leur dit: Arrachez brin à brin
Ce qu'a produit ce maudit grain;
Ou foyez fürs de votre perte.
Prophète de malheur ! babillarde! dit-on,
Le bel emploi que tu nous donnes!
Il nous faudroit mille perfonnes
Pour éplucher tout ce canton,

La chanvre (4) étant tout-à-fait crûe,
L'hirondelle ajouta: Ceci ne va pas bien;
Mauvaise graine eft tôt venue.

Mais puifque jufqu'ici l'on ne m'a crue en rien,
Dès que vous verrez que la terre

Sera couverte (5) et qu'à leurs blés
Les gens n'étant plus occupés

(1) Chenevis, graine qui produit le chanvre, dont on fait la corde et le fil.

(2) Terre élevée entre deux rayons dans un champ labouré.

(3) Champ où croit le chanvre.

(4) Selon le bel ufage, chanvre eft mafculin. La Fontaine a mieux aimé le faire feminin, comme il l'eft encore dans quelques provinces.

(5) C'est-à-dire enfemencée. Le mot couvert, pris dans ce fens-là, eft un terme d'agriculture affez ulité à la cam

Feront aux oifilons la guerre,
Quand reginglettes (6) et réseaux
Attraperont petits oifeaux,

Ne volez plus de place en place,
Demeurez au logis; ou changez de climat,
Imitez le canard, la grue et la bécaffe.
Mais vous n'êtes pas en état

De paffer, comme nous, les déferts et les ondes,
Ni d'aller chercher d'autres mondes:

C'eft pourquoi vous n'avez qu'un parti qui foit fûr;
C'eft de vous renfermer aux trous de quelque mur.
Les oifillons, las de l'entendre,
Se mirent á jafer auffi confufément

Que faifoient les Troyens quand la pauvre Caffandre (7)
Ouvroit la bouche feulement.

Il en prit aux uns comme aux autres.

Maint oifillon fe vit efclave retenu.

Nous n'écoutons d'inftincts que ceux qui font les nôtres

Et ne croyons le mal que quand il eft venu.

pagne, mais qui n'eft pas fort connu dans les grandes villes.

(6) Reginglettes. Sorte de piége pour attraper les oifeaux. Ce mot, ufité dans quelques provinces, eft inconnu à Paris, où les oifeliers difent trébuchet, collet, etc. au lieu de reginglette.

(7) Fille du roi Priam, dont on méprifoit les prophé ties, qui cependant le trouvoient toujours très-véritables.

IX. Le Rat de ville et le Rat des champs.

AUTREFOIS

UTREFOIS le rat de ville

Invita le rat des champs,
D'une façon fort civile,
A des reliefs d'ortolans (1).

Sur un tapis de turquie

(1) Reftes d'oifeaux d'un goût délicat, parmi lefquels l'ortolan paffe pour un des plus friands morceaux.

LA

Le couvert le trouva mis
Je laiffe à penser la vie
Que firent ces deux amis.

Le régal fut fort honnête;
Rien ne manquoit au feftin :
Mais quelqu'un troubla la fête
Pendant qu'ils étoient en train.

A la porte de la falle
Ils entendirent du bruit :
Le rat de ville détale;
Son camarade le fuit.

Le bruit ceffe; on fe retire :
Rats en campagne auflitôt ;
Et le citadin de dire :
Achevons tout notre rôt.

C'eft affez, dit le ruftique:

Demain vous viendrez chez moi.
Ce n'eft pas que je me pique

De tous vos feftins de roi :

Mais rien ne vient m'interrompre ;
Je mange tout-à-loifir.

Adieu donc. Fi du plaifir

Que la crainte peut corrompre!

X. Le Loup et l'Agneau.

A raifon du plus fort eft toujours la meilleure.
Nous l'allons montrer tout-à-l'heure.

Un agneau fe défaltéroit

Dans le courant d'une onde pure,

Un loup furvient à jeun, qui cherchoit aventure, Et que la fain en ces lieux attiroit.

Qai te rend fi hardi de troubler mon breuvage? Dit cet animal plein de rage:

Tu feras châtié de ta témérité.

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