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DE

LITTÉRATURE

PAR

FÉLIX HÉMON

=

PROFESSEUR BE RHETORIQUE AU LYCÉE LOUIS-LE-GRA NA

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LIBRAIRIE CH. DELAGRAVE

15, RUE SOUFFLOT, 15

1900

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BUFFON

(1707-1788)

I

Le Jardin

Coup d'œil sur la vie et l'œuvre de Buffon.
du roi. Les principaux collaborateurs.

tient presque

La vie de Buffon, inséparable de son œuvre, tout entière en deux dates: 1739, date de sa nomination comme intendant au Jardin du roi; 1749, date de la publication des premiers volumes de l'Histoire naturelle, qui se continue pendant quarante ans ensuite.

Georges-Louis Leclerc, fils d'un conseiller au parlement de Bourgogne, qui prit le nom de Buffon d'une terre échue- par héritage à sa famille, naquit à Montbard le 7 septembre 1707. Il fit à Dijon, chez les jésuites, des études qui paraissent avoir manqué d'éclat. « Esprit lent et épais, intelligence d'une valeur latente et enveloppée, il ne promettait alors qu'un écolier vulgaire1», sauf en mathématiques. Au collège il eut pour condisciples l'abbé Leblanc et le président de Brosses, qui restèrent ses amis. Bientôt après, il se lia avec un jeune Anglais, le duc de Kington, qui voyageait avec un précepteur allemand nommé Hinckman, et qui séjourna quelque temps à Dijon. Il les accompagna dans leurs voyages en Suisse et en Italie, de 1730 à 1732, et, en 1738, il passa trois mois près d'eux à Londres.

C'est, dit-on, de l'Allemand Hinckman qu'il prit le goût de l'histoire naturelle. Mais on ne s'explique pas fort bien comment, dès 1733, à vingt-six ans, il peut se faire élire membre adjoint de l'Académie des sciences, car ses traductions de la Statique des végétaux, de Hales, et du Traité des fluxions, de

1. Th. Foisset, le Président de Brosses.

C. de Litt. -- BUFFON.

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Newton, sont de 1735 et 1740. A peine s'était-il fait connaître par des mémoires sans grande importance, qui ne lui assignaient pas une spécialité bien distincte il inclinait plutôt alors vers les sciences pures, et c'est dans la section de mécanique qu'il fut admis, ce qui ne l'empêcha pas de passer plus tard dans la section de botanique. Soudain, en 1739, la mort prématurée de Dufay, intendant du Jardin du roi, lui ouvrit l'avenir. On croit que Dufay lui-même le désigna pour son successeur. En tout cas, croyant se connaitre en plantes et entendre « les bâtiments1», il demanda et obtint sa situation. Dès lors, sa vie est fixée : les trois premiers volumes de l'Histoire naturelle (Théorie de la terre, Histoire naturelle de l'homme) pa

raissent en 1749.

Le Jardin du roi a eu la fortune de réunir, aux premières pages de son histoire, deux grands noms Richelieu qui le créa (1626), Buffon qui l'organisa ou plutôt le créa de nouveau. Mais, s'il doit beaucoup à Buffon, Buffon ne lui doit pas moins. Avant de recueillir la succession de Dufay, il hésitait, passait d'une étude à l'autre, mêlant le plaisir au travail, inconscient peut-être de son génie, à coup sûr incertain de la route qu'il devait suivre. Dès qu'il prend possession de cette paisible retraite, le Jardin devient son « fils aîné ». Il travaille à en classer les collections; il les complète au moyen des présents personnels qu'on lui adresse bientôt de tous les points du monde. Pour l'enrichir, il fait appel à la générosité des uns, il flatte la vanité des autres. Partout il a des correspondants, dont il stimule l'activité par l'unique appât de la gloire. Les souverains eux-mêmes ambitionnent l'honneur de voir leurs noms cités avec éloges dans l'Histoire naturelle. Il fait des emprunts, comble des catacombes, parlemente dix ans avec les moines de Saint-Victor pour agrandir le Jardin, qui étouffe dans ses limites trop étroites. C'est là que Buffon a vécu, c'est-à-dire travaillé cinquante ans de sa vie, entouré de ces savants d'élite qu'il désigna toujours avec une sûreté impartiale de jugement, Daubenton, Lamarck, Fourcroy, Lacépède.

C'est de là que partirent les 15 volumes des Quadrupèdes (1749-1767), les 9 volumes des Oiseaux (1770-1783), les 5 volumes des Minéraux (1783-1788), enfin les 7 volumes du Supplément (1774-1789), dont un contient les Époques de la nature (1778); en tout, 36 volumes. Cet infatigable labeur ne fut inter

1. Lettre à Hellot, 23 juillet 1739.

rompu que deux fois en 1769, lors de la maladie et de la mort de la comtesse de Buffon, et en 1771, lorsque Buffon tomba luimême malade. Ses principaux collaborateurs furent Daubenton pour les Quadrupèdes, Guéneau de Montbeillard et l'abbé Bexon pour les Oiseaux, Faujas de Saint-Fond pour les Miné

raux.

Louis Daubenton (1716-1799), qui devait mourir président du sénat de l'empire, était fils d'un médecin de Montbard, où luimême exerça quelque temps la médecine. Son illustre compatriote le fit venir à Paris en 1742 et lui confia, dans l'Histoire naturelle, la partie de description anatomique. Son œuvre, plus modeste et technique, avait donc son existence propre, parallèle au développement de l'œuvre de Buffon. Mais les connaisseurs ne tardèrent pas à en apprécier la précision scientifique et la nouveauté, et Daubenton, conscient de son mérite, ne tarda pas à se lasser d'un rôle subalterne. Cependant, la rupture entre Buffon et Daubenton ne fut complète qu'après la publication d'une édition de 1774, d'où les planches de Daubenton avaient été exclues. Buffon fut très sensible à l'ingratitude d'un collaborateur qui lui devait tout; mais il ne s'en plaignit jamais.

Privé du concours de ce vrai savant, obligé de ménager ses forces, Buffon dut s'adresser à un collaborateur qui était son compatriote aussi et son ami, mais qui n'était pas assez préparé à cette besogne: Philibert Guéneau de Montbeillard, né à Semur (1720-1785), était avocat et littérateur. Les descriptions pompeuses qu'il inséra dans les Oiseaux ont fait grand tort au renom de Buffon, à qui on les a souvent attribuées. Sa collaboration n'est rendue publique qu'à partir de 1771. Indépendant de caractère, et bientôt lassé, il se retira en 1777.

Avant la retraite de Guéneau, l'abbé Gabriel Bexon, de Remiremont (1748-1784), avait été associé au travail des Oiseaux. Traité d'abord par Buffon avec une réserve un peu défiante, il finit, grâce à sa ténacité laborieuse, par s'élever au rang de collaborateur et d'ami. Ses descriptions d'oiseaux valent mieux que celles de Guéneau, peut-être parce que Buffon les revisa de plus près. Une des nombreuses lettres que lui adressa Buffon (27 juillet 1777) suffit à caractériser la façon dont il dirigeait le travail de ses collaborateurs :

Je suis très satisfait, Monsieur, et même plus que content, car on ne peut se plaindre que du trop de travail qu'a dù vous couter la composition des

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