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AVANT-PROPOS

Jean Vauquelin de la Fresnaye et son œuvre sont peu connus. Sainte-Beuve avait fait une place à Vauquelin dans son Tableau de la Poésie française au seizième siècle, mais sans ramener immédiatement sur lui l'attention des lettrés. Saint-Marc Girardin l'avait passé sous silence.

Cependant, peu à peu, on est venu à s'occuper de lui. Des érudits lui ont consacré des monographies intéressantes. Si M. Nisard ne l'a pas admis dans son Histoire de la Littérature française, M. Egger, au cours de ses leçons sur l'Hellénisme en France, a parlé de lui avec éloge, M. Lenient l'a associé à Mathurin Regnier et cité comme « un de ces ouvriers laborieux de la première heure que d'autres plus heureux ou plus brillants viennent bientôt éclipser (1) ; » et M. Julien Travers a donné de tout ce qu'il a retrouvé

(1) La Satire en France ou la littérature militante au XVIe siècle. Paris, 1877, in-12, vol. I, p. 135.

de lui une magnifique édition. Enfin, il a pénétré dans les principales anthologies classiques.

Le moment est peut-être propice pour le bien juger. Il ne s'agit pas d'instruire en sa faveur un procès en réhabilitation, ni de se prendre pour lui d'une aveugle tendresse et de le mettre sur un piédestal, mais de le lire sans parti pris, de chercher ce qu'il a été et de le dire simplement. Il indique lui-même le ton à prendre, la ligne à suivre, et les réserves nécessaires quand il dit à Robert Garnier :

Tu te trompes, Garnier, mes vers ne sont plus tels
Qu'un jour ils puissent estre en la France immortels,
Ils sentent la chiquane, ils sentent le mesnage :

On ne compose ainsi maintenant en cet age,

En quelque art que ce soit il faut un homme entier :

Qui deux en entreprend ne fait bien un métier. (Sat., p. 243.)

On verra si le magistrat et le père de famille ont fait en Vauquelin un si grand tort au poète qui, loin de mourir jeune, vécut toujours, et d'une vie active et féconde. Les Satyres françoises sont, à ce point de vue, très précieuses. Là, au témoignage de Vauquelin lui-même, se trouvent les traits épars de sa physionomie :

Pourtant j'aimeroy mieux qu'on sceust que, pour aimer
Mes amis, je voudroy mes vers faire imprimer,
Et pour servir aux miens d'un peu de souvenance

De moy, qui dans mes vers laisseray ma semblance.

(Sat., p. 246.)

Laisser quelque chose de soi après sa mort, n'être oublié ni de ses amis ni de ses enfants, vivre dans la mémoire des lettrés, il n'est pas d'ambition plus légitime. Vauquelin, non-seulement, n'est pas indigne de cette gloire discrète, mais mérite davantage :

Ainsi va s'eslevant

Le renom des humains: qnelquefois des la vie,
Et quelquefois apres la mort en est suivie.
Et les Muses tousjours laisseront renommez
Tous ceux qu'elles auront cheris et bien aimez.

(Art. P., II, 894-898.)

Puisse-t-on redire ces vers après avoir parcouru cette étude qui s'inspire le plus souvent des idées et de la méthode de Sainte-Beuve : « La vraie critique, telle que je me la définis, consiste plus que jamais à étudier chaque être, c'est-à-dire chaque auteur, chaque talent, selon les conditions de sa nature, à en faire une vive et fidèle description, à charge toutefois de le classer ensuite et de le mettre à sa place dans l'histoire de l'art (1). »

Voir à

(1) Causeries du Lundi, XII, Art. sur Saint-Amant. l'Appendice I, la liste des ouvrages de Jean Vauquelin de la Fresnaye.

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