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quefois encore dans l'énumération de certaines figures, qui ne font pas uniquement confacrées au grand & au pathéti

que.

Les leçons de la Rhétorique ont principalement pour objet les ouvrages férieux, Jes grands difcours, dans lefquels il est queftion de perfuader, d'inftruire ou de toucher, & qui font seuls fucefptibles de ce qu'on appelle proprement éloquence. Pour pouvoir produire tous ces grands effets, il faut commencer par plaire; c'eft le puiffant reffort qui fait mouvoir toute la machine de l'efprit & du cœur humain.

On parvient à plaire par les graces infinuantes d'un exorde modefte, par l'élégance foutenue d'un ftyle vif & plein de pensées, par une variété fage, fur tout par un égard infini pour les bienféances, & par une attention fcrupuleufe à obferver tout ce qui convient aux tems, aux lieux, aux perfonnes, aux conjonctures & aux fituations.

L'Orateur honnête homme ne doit ja mais s'écarter du vrai. Si quelques-uns abusent de leurs talens pour revêtir le menfonge des couleurs de la vérité, c'eft un défordre qui vient de leur propre fonds, & qui ne doit point être imputé à l'éloquence

Je n'examinerai point s'il feroit fort à defirer que les hommes aimaffent la vérité pour elle même, jufqu'au point de fouler aux pieds tous les ornemens dont e le peut être parée : cela pourroit étre ainfi, fitout étoit vérité mathématique, & géométriquement prouvée. Archimede, étant au bain, découvre un moyen phyfique & fûr de connoître la quantité d'argent mélé dans la couronne d'Hieron ; il s'élance du bain tranfporté de joie, il court tout nud à fon laboratoire; criant: Je l'ai trouvé, je l'ai trouvé. Les vérités mathématiques portent avec elles la preuve de leur certitude. D'ailleurs elles font abftraites, peu connues ; elles coûtent à acquérir; elles diftinguent du commun des hommes ceux qui ont pu s'élever jufqu'à elles. Cette certitude d'être parvenu à la vérité, ces difficultés vaincues pour y parvenir, ces diftinctions fi flatteufes pour l'amour-propre, tiennent lieu aux Mathématiciens des plaifirs que l'éloquence feule peut procurer aux autres, en répandant de l'éclat fur des vérités moins lumineufes, & de la nobleffe fur des vérités plus communes.

CHAPITRE II

Desparties de la Rhétorique,

Legs Rhéteurs, tant anciens que mo→

dernes, ont divifé & fubdivifé la Rhéto rique en autant de parties qu'il leur a plu. Pour nous, ufant du même droit, nous la diviferons en quatre parties pour une plus grande commodité.

Premierement, il faut chercher & trouver des raifons propres à convaincre: c'eft l'affaire de l'Invention.

Secondement. Mais ces raifons entaffées les unes fur les autres, accumulées fans difcernement, & jettées au hafard fans choix & fans goût,accableroient plutôt l'efprit qu'elles ne l'inftruiroient: ib faut donc les rédiger dans un certain ordre méthodique, & les difpofer dans les parties d'un difcours jufte & régulier; c'eft ce qu'on nomme la Difpofition.

Troifiemement, il faut exprimer ces raisons avec ornement & avec efprit, leur donner un tour heureux qui frappe & qui furprenne, faire ufage des figures qui naiffent du fonds du fujet, remuer les

paffions, toucher les cœurs ; c'est ce que fait l'Eloquence.

Quatriemement. Enfin, fi l'on veut qu'un beau difcours produife tous ces effets, il faut le prononcer avec grace & avec force; c'est ce que l'on appelle 'Eloquence du gefte & de la voix.

Revenons à l'Invention, qui eft l'art de trouver les raifons convaincantes. Pour nous conformer à l'ufage, & pour avoir quelque chofe à dire fur cette par tie de la Rhétorique, nous fommes obligés de toucher un peu les principaux Lieux Oratoires.

L

CHAPITRE II I,

Des Lieux Oratoires intérieurs.

ES Lieux Oratoires font des efpeces d'Arfenaux qui fourniffent à l'Eloquence les armes dont elle a befoin; ce font des fources publiques dans lefquelles on peut puiter pour chaque fujet les argumens qui lui conviennent Cette méthode a fa commodité : les grands Orateurs dédaignent de s'en fervir; les médiocres ne font pas fâchés de trouver cette reffource

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Les Lieux Oratoires font ou intérieurs, qui naiffent du fond même du fujet, ou extérieurs, qui, fans être abfolument étrangers au fujet, n'y ont qu'un rapport indirect & peu marqué. Les principaux lieux intérieurs, (car nous nous garderons bien de les détailler tous), font la définition, l'énumération des parties, la fimilitude, la différence & les circonftances.

SECTION PREMIERE.

De la Définition.

La définition eft un difcours propre à

A

faire concevoir la chofe telle qu'elle eft; à en donner une idée claire, jufte & diftincte. L'art ici confifte à ne point omettre légèrement des traits effentiels qui caractérisent la chofe qu'on veut définir, & à ne point infifter auffi fur des circonftances inutiles. Voici des exemples.

Définition d'une Armée dans l'Oraifon funebre de M. de Turenne, par M. Fléchier.

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Qu'eft ce qu'une Armée ? C'eft un corps animé d'une infinité de paflions différentes qu'un homme habile fait

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