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trophes. L'explosion n'aurait pu se faire ailleurs, dans un désert, par exemple, ou sous le bassin des mers, ou à cent pas de la ville. Les habitants ne pouvaient être avertis, par de légères secousses préliminaires, de se mettre à l'abri par la fuite? Toute raison humaine non sophistiquée se révoltera contre de pareilles conséquences.

LE COMTE.

Sens doute, et je crois que le bon sens universel a incontestablement raison lorsqu'il s'en tien à l'étymologie dont lui-même est l'auteur. Les fléaux sont destinés à nous battre; et nous somme battus parce que nous le méritons. Nous pouvions sans doute ne pas le mériter, et même après l'avoir mérité, nous pouvons obtenir grâce. C'est là, ce me semble, le résultat de tout ce qu'on peut dire de sensé sur ce point; et c'est encore un des cas assez nombreux où la philosophie, après de longs et pénibles détours, vient enfin se délasser dans la croyance universelle. Vous sentez donc assez, M. le chevalier, combien je suis contraire à votre comparaison des nuits et des jours (1). Le

(1) Voy. pag. 63.

cours des astres n'est pas un mal : c'est, au contraire une règle constante et un bien qui appartient à tout le genre humain; mais le mal qui n'est qu'un châtiment, comment pourrait-il être nécessaire? L'innocence pouvait le prévenir; la prière peut l'écarter : toujours j'en reviendrai à ce grand principe. Remarquez à ce sujet un étrange sophisme de l'impiété, ou, si vous voulez, de l'ignorance; car je ne demande pas mieux que de voir celle-ci à la place de l'autre. Parce que la toute-puissante bonté sait employer un mal pour en exterminer un autre, on croit que le mal est une portion intégrante du tout. Rappelons-nous ce qu'a dit la sage antiquité : Que Mercure (qui est la raison ) a la puissance d'arracher les nerfs de Typhon pour en faire les cordes de la lyre divine (2). Mais si Typhon n'existait pas, ce tour de force merveilleux serait inutile. Nos prières n'étant donc qu'un effort de l'être intelligent contre l'action de Typhon, l'utilité et même la nécessité s'en trouvent philosophiquement dé

montrées.

(2) Cette allégorie sublime appartient aux Egyptiens. (Plut. de Is. et Os., LIII, LIV.)

LE SÉNATEUR.

Ce mot de Typhon qui fut dans l'antiquité l'emblème de tout mal, et spécialement de tout fléau temporel, me rappelle une idée qui m'a souvent occupé et dont je veux vous faire part. Aujourd'hui cependant je vous fais grâce de ma métaphysique, car il faut que je vous quitte pour aller voir le grand feu d'artifice qu'on tire ce soir sur la route de Péterhoff, et qui doit représenter une explosion du Vésuve. C'est un spectacle typhonien, comme vous voyez, mais tout-à-fait

innocent.

LE COMTE.

Je n'en voudrais pas répondre pour les moucherons et pour les nombreux oiseaux qui nichent dans les bocages voisins, pas même pour quelque téméraire de l'espèce humaine, qui pourrait fort bien y laisser la vie ou quelques membres tout en disant Niebosse (1)! Je ne sais comment il arrive

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(1) N'ayez pas peur ! Expression familière au Russe, le plus hardi et le plus entrepreuant des hommes, et qu'il ne manque surtout jamais de prononcer lorsqu'il affronte les dangers les plus terribles et les plus évidents.

que les hommes ne se rassemblent jamais sans s'exposer. Allez cependant, mon cher ami, et ne manquez pas de revenir demain, la tête pleine d'idées volcaniques.

FIN DU QUATRIÈME ENTRETIEN.

NOTES DU QUATRIÈME ENTRETIEN.

N° I.

(Page 231. De nous rendre semblables à Dieu. )

Il faut même remarquer que la philosophie ancienne avait préludé à ce précepte. Pythagore disait : IMITEZ DIEU. Platon, qui devait tant de choses à cet ancien sage, a dit : Que l'homme juste est celui qui s'est rendu semblable à Dieu autant que notre nature le permet. (Polit. X, opp. T.) et réciproquement, que rien ne ressemble plus à Dieu que l'homme juste. (In Theat. opp., tom. II, p. 122.) Plutarque ajoute que l'homme ne peut jouir de Dieu d'une manière plus délicieuse qu'en se rendant, autant qu'il le peut, semblable à lui par l'imitation des perfections divines. (De será Num. vind., 1. IV.)

II.

(Page 231. La ressemblance n'ayant rien de commun avec l'égalité.) La ressemblance qui existe entre l'homme et son Créateur est celle de l'image au modèle. Sicut ab exemplari, non secundùm æqualitatem. (S. Thomas, Summa Theol., I. part., 93, art. I. ) Voyez sur cette ressemblance, Noel Alex., (Hist. eccles., Vet. Test. cet. mund., I, art. 7, Prop. u.) Si quelqu'un nous fait dire qu' un homme ressemble à son portrait, l'absurdité est toute à lui: car c'est le contraire que nous disons.

III.

(Page 233. L'homme ne règne sur la terre que parce qu'il est semblable à Dieu.

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