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Oui, je le fuis en tout. J'avoue avec horreur
Que ma rivale enfin mérite fon bonheur.

(à Atide.)

J'admire en périffant jufqu'à ton amour même: C'est à moi de mourir, puifque c'eft toi qu'on aime. (à Ramire & à Atide.)

Hé bien, foyez unis: hé bien, foyez heureux,
Aux dépens de ma vie, aux dépens de mes feux.
Eloignez-vous, fuyez, dérobez à ma vue

Ce fpectacle effrayant d'un bonheur qui me tue.
Votre joie eft horrible, & je ne puis la voir:
Fuyez, craignez encor Zulime au désespoir.
Mon Père, ayez pitié du moment qui me refte;
Sauvez mes yeux mourans d'un fpectacle funefte.
(elle tombe fur fa confidente.)

A TID E.

Nos deux cœurs font à vous.

RAMIRE.

Vivez fans nous haïr.

ZULIM E.

Moi te haïr, cruel! ah! laiffe-moi mourir ;

Va, laiffe-moi.

BENASSAR.

Ma fille, objet funefte & tendre,

Mérite enfin les pleurs que tu nous fais répandre.

ZULIM E.

Mon Père, par pitié, n'approchez point de moi.
J'abjure un lâche amour; il triompha de moi:

Théâtre. Tom. III.

F

82 ZULIME. ACTE CINQUIEME.

Hélas! vous n'aurez plus de reproche à me faire.

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ZULIM E.

A la fin j'ai rempli mon devoir.

Je l'aurais dû plutôt.... Pardonnez à Zulime.... Souvenez-vous de moi; mais oubliez mon crime.

Fin du cinquième & dernier acle.

DE ZULI ME.

Edition de 1741.

ACTE PREMIER.

SCENE PREMIER E.

ZULI M E.

Je l'outrage & je l'aime, il eft affez vengé.
Je ne demande point le pardon de mon crime:
Puiffe-t-il oublier jusqu'au nom de Zulime!
Mo H A D I R.

Noble & cher rejeton des héros & des rois,
Quel ordre impofez-vous à ma tremblante voix !
Faudra-t-il rapporter des réponfes fi dures?
D'un cœur défespéré déchirer les bleffures?
Irai-je empoifonner fes chagrins paternels?
ZULIME.

Epargne, épargne-moi ces reproches cruels :
Je ne m'en fais que trop. Coupable, mais fincère,
Ma douleur eft égale aux douleurs de mon père.

Mo HADI R.

Et vous l'abandonnez !

ZULIM E.
Que dis-tu ?

MOHAD I R.

Ses foldats,
?

Par vous-même féduits, ont donc guidé vos pas
Nos captifs efpagnols, ce prix de fon courage,
Dont jadis la victoire avait fait fon partage,
Ces trefors des héros, vous les lui raviffez!
Vous l'aimez? vous, Madame! & vous le trahiffez!

Preffé de tous côtés dans ces troubles funcftes,
Qui de fon faible Eat ont déchiré les reftes,
Redoutant à la fois, & les Européans,
Et les divifions des triftes Mufulmans,
Opprimé de l'Egypte & craignant la Caftille,
Faut-il qu'il ait encore à combattre fa fille?
ZULIM E.

Me préferve le ciel de m'armer contre lui!
Μο HADIR.

De fa trifte vieilleffe, unique & cher appui,
Pourquoi donc fuyez-vous le père le plus tendre,
Qui pour vous de fon trône était prêt à defcendre;
Qui, vous laiffant le choix de tant de fouverains,
De fon fceptre avec joie allait orner vos mains?
Hélas! fi la vertu, fi la gloire vous guide...
Mais il n'appartient point à ma bouche timide
D'ofer d'un tel reproche affliger vos appas :
Mes confeils autrefois ne vous révoltaient pas;
Cette voix d'un vieillard, qui fauva votre enfance,
Flattait de votre cœur la docile indulgence;
Et Benaffar encore efpérait aujourd'hui

Que mes foins plus heureux pourraient vous rendre à lui.
Ah! Princefle, ordonnez, que faut-il que j'annonce?
ZULI M E.

Portez-lui mes foupirs & mes pleurs pour réponse.
Mon deftin que je hais me force à l'outrager;
Mes remords font affreux, mais je ne puis changer.
Pars; adieu, ç'en eft fait.

MOHADI R.

Hélas! je vais peut-être

Porter les derniers coups au fein qui vous fit naître.

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AH! je fuccombe, Atide, & ce cœur défolé

Cède aux tourmens honteux dont il eft accablé.
Tu fais ce que j'ai fait & ce que je redoute;
Tu vois ce que Ramire & mon penchant me coûte.

L'amour, qui me conduit fur ces funeftes bords,
Ne m'a fait jufqu'ici fentir que des remords.
Je ne me cache point ma honte & mon parjure;
J'outrage mes aïeux, j'offenfe la nature:
Mais Ramire expirait, & vous alliez périr ;
Quoi qu'il en ait coûté, j'ai dû vous secourir.
Le fier Egyptien, dont l'orgueil téméraire
Domine infolemment dans l'Etat de mon père;
Sur Ramire & fur vous était prêt à venger
Nos foldats, qu'à Valence on venait d'égorger.
Des nations, dit-on, tel eft le droit horrible.
La vengeance parlait, mon père, en vain fenfible,
Laiffait ployer bientôt fa faible autorité
Sous le poids malheureux de ce droit détefté.
Les autels & les lois demandaient votre vie :
Vous favez fi la mienne à la vôtre eft unie!
L'amitié dont mon cœur au vôtre était lie,
L'amour plus fort que tout, plus grand que l'amitié,
Votre danger, ma crainte, hélas! fi l'on m'accuse,
Voilà tous mes forfaits, mais voilà mon excufe.
Si j'ai trahi mon père & quitté fes Etats,
Ciel qui me connaiffez, ne m'en puniffez pas !
A T I D E.

Mais Ramire en eft digne, il pourra déformais
Payer d'un digne prix vos auguftes bienfaits.
Son deftin chez les fiens l'appelle au rang fuprême;
Et puifque vous l'aimez...

ZULIM E.

Tu ne l'ignorais pas

Atide, fi je l'aime!
t'ai-je jamais caché

Les fecrets de ce cœur que lui feul a touché?
Je corrigeai le fort qui te fit ma captive;
Tu fais fi j'enhardis ton amitié craintive;
Si, fuyant de mon rang la dure austérité,

Ma tendreffe entre nous remit l'égalité.

Nos cœurs fe confondaient; tu vis naître en mon ame Les traits mal démêlés de ma fecrète flamme.

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