Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

ZULIM F.

Ah! je renais, Atide, & mon ame est en proie
A tout l'emportement de l'excès de ma joie.

Pardonne à des foupçons indignement conçus,

Ils font évanouis, ils ne renaîtront plus.

J'ai douté, j'en rougis; je craignais, & l'on m'aime! Ah! Prince!....

SCENE III.

ZULIME, ATIDE, RAMIRE, IDAMORE.

IDA MORE à Ramire.

J'A

AI parlé, Seigneur, comme vous-même; J'ai peint de votre cœur les juftes fentimens; Zulime en eft bien digne; achevez, il eft temps. Preffons l'heureux inftant de notre délivrance;

Rien ne nous retient plus: je cours, je vous dévance.

( il fort. )

RAMIR E.

Nous voici parvenus à ce moment fatal,

Où d'un départ trop lent on donne le fignal.

Bénaflar de ces lieux n'eft point encor le maître;

Pour peu que nous tardions, Madame, il pourrait l'être.
Vous voulez de l'Afrique abandonner les bords;
Venez, ne craignez point ses impuissans efforts.
ZULIM E.

Moi craindre! ah c'eft pour vous que j'ai connu la crainte.
Croyez-moi; je commande encor dans cette enceinte;
La porte de la mer ne s'ouvre qu'à ma voix.
Sauvez ma gloire, au moins, pour la dernière fois.

Apprenons à l'Espagne, à l'Afrique jalouse,
Que je fuis mon devoir en partant votre époufe..

RAMIR E.

C'eft braver votre père, & le désespérer;
Pour le falut des miens, je ne puis différer....

Ramire!

ZULIM E.

RAM MIRE.

Si le ciel me rend mon héritage,

Valence eft à vos pieds.

[blocks in formation]

De ce péril foyez moins occupée :

Il en eft un plus grand. Ciel! ferais-je trompée ?

Ah, Ramire!

RAMIR E.

Attendez qu'au fein de fes Etats

L'infortuné Ramire ait pu guider vos pas.

ZULIM E.

Qu'entends-je? Quel difcours à tous les trois funefle!
Ramire! attendais-tu, qu'immolant tout le refte,
Perfide à ma patrie, à mon père, à mon roi,
Je n'euffe en ces climats d'autre maître que toi?
Sur ces rochers déferts, ingrat, m'as-tu conduite,
Pour traîner en Europe une efclave à ta fuite?

RAMIR E.

Je vous y mène en reine; & mon peuple à genoux Avec fon fouverain fléchira devant vous.

A TIDE.

Croyez que vos bienfaits...

ZULIM E.

Ah! c'en est trop, Atide:

C'est trop vous efforcer d'excufer un perfide;
Le voile eft déchiré : je vois mon fort affreux.
Quel père j'offenfais ! & pour qui? malheureux,
Des plus facrés devoirs la barrière eft franchie :
Mais il refte un retour à ma vertu trahie;
;
Je revole à mon père : il a plaint mes erreurs ;
Il eft fenfible, il m'aime; il vengera mes pleurs :
Et de fa main du moins il faudra que j'obtienne,
Dirai-je, hélas! ta mort? non, ingrat, mais la mienne.
Tu l'as voulu, j'y cours.

[blocks in formation]

Madame, écoutez-vous ce défespoir mortel?

C'eft votre ouvrage, hélas! que vous allez détruire.
Vous vous perdez! Eh quoi, vous balancez, Ramire!
ZULIM E.

Madame, épargnez-vous ces tranfports empreffés;
Son filence & vos pleurs m'en ont appris affez.
Je vois fur mon malheur ce qu'il faut que je penfe,
Et je n'ai pas befoin de tant de confidence,

Ni des fecours honteux d'une telle pitié.

J'ai prodigué pour vous la plus tendre amitié;

Vous m'en payez le prix, je vais le reconnaître.
Sortez, rentrez aux fers où vous avez dû naître;
Efclaves, redoutez mes ordres abfolus;

A mes yeux indignés ne vous présentez plus :
Laiffez-moi.

RAMIRE.

Non, Madame, & je perdrai la vie,

Avant d'être témoin de tant d'ignominie.
Vous ne flétrirez point cet objet malheureux,
Ce cœur digne de vous, comme vous généreux.
Si vous le connaiffiez, fi vous saviez....

ZULIM E.

Parjure,

Ta fureur à ce point infulte à mon injure!
Tu m'outrages pour elle! Ah! vil couple d'ingrats!
Du fruit de mes douleurs vous ne jouirez pas;
Vous expîrez tous deux mes feux illégitimes:
Tremblez, ce jour affreux fera le jour des crimes.
Je n'en ai commis qu'un, ce fut de vous fervir,
Ce fut de vous fauver; je cours vous en punir...
Tu me braves encore; & tu préfumes, traître,
Que des lieux où je fuis tu t'es rendu le maître,
Ainfi que tu l'étais de mes vœux égarés:
Tu te trompes, barbare..... A moi, Gardes, courez,
Suivez-moi tous, ouvrez aux foldats de mon père:
Que mon fang fatisfaffe à fa jufte colère;

Qu'il efface ma honte, & que mes yeux mourans
Contemplent deux ingrats à mes pieds expirans.

Théâtre. Tom. III.

D

SCENE I V.

AT IDE,

RAMIR E.

RAMIR E.

AH! fuyez fa vengeance, Atide, & que je meure.

A TIDE.

Non, je veux qu'à fes pieds vous vous jetiez fur l'heure;
Ramire, il faut me perdre, & vous justifier,
Laiffer périr Atide, & même l'oublier.

RAMIR E.

Vous!

A TIDE.

Vos jours, vos devoirs, votre reconnaiffance, Avec ce trifte hymen n'entrent point en balance. Nos liens font facrés, & je les brife tous:

Mon cœur vous idolâtre.... & je renonce à vous.

Vous, Atide!

RAMIR E.

A TIDE.

Il le faut; partez fous ces aufpices:

Ma rivale aura fait de moindres facrifices.
Mes mains auront brifé de plus puiffans liens ;
Et mes derniers bienfaits font au-deffus des fiens.

RAMIR E.

Vos bienfaits font affreux! l'idée en eft un crime. O chère & tendre époufe! ô cœur trop magnanime! Il faut périr ensemble, il faut qu'un noble effort Affure la retraite, ou nous mène à la mort.

« PreviousContinue »