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SEMIRAMIS,

TRAGEDIE.

Représentée pour la première fois le 29 août 1748.

Théâtre. Tom. 111.

X

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SUR

LA TRAGEDIE

ANCIENNE ET MODERNE.

A SON EMINENCE

MONSEIGNEUR

LE CARDINAL QUIRINI, NOBLE VENITIEN, EVÊQUE DE BRESCIA, BIBLIOTHECAIRE DU VATICAN.

MONSEIGNEUR,

Il était digne d'un génie tel que le vôtre, &

d'un homme qui eft à la tête de la plus ancienne bibliothèque du monde, de vous donner tout entier aux lettres. On doit voir de tels princes de l'Eglife fous un pontife qui a éclairé le monde chrétien avant de le gouverner. Mais fi tous les lettrés vous doivent de la reconnaiffance, je vous en dois plus que perfonne, après l'honneur que vous m'avez fait de traduire en fi beaux vers la Henriade & le Poëme de Fontenoy. Les deux héros vertueux que j'ai célébrés

font devenus les vêtres. Vous avez daigné m'embellir, pour rendre encore plus refpectables aux nations les noms de Henri IV & de Louis XV, & pour étendre de plus en plus dans l'Europe le goût des arts.

Parmi les obligations que toutes les nations modernes ont aux Italiens, & furtout aux premiers pontifes & à leurs miniftres, il faut compter la culture des belles - lettres, par qui furent adoucies peu à peu les mœurs féroces & groffières de nos peuples feptentrionaux, & auxquelles nous devons aujourd'hui notre politeffe, nos délices & notre gloire.

C'eft fous le grand Léon X que le théâtre grec renaquit, ainfi que l'éloquence. La Sophonisbe du célèbre prélat Triffino, nonce du pape, eft la première tragédie régulière que l'Europe ait vue après tant de fiècles de barbarie, comme la Calandra du cardinal Bibiena avait été auparavant la première comédie dans l'Italie moderne.

Vous fûtes les premiers qui élevâtes de grands théâtres, & qui donnâtes au monde quelque idée de cette fplendeur de l'ancienne Grèce, qui attirait les nations étrangères à fes folemnités, & qui fut le modèle des peuples en tous les genres.

Si votre nation n'a pas toujours égalé les anciens dans le tragique, ce n'eft pas que votre langue harmonieufe, féconde & flexible, ne foit propre à tous les fujets; mais il y a grande apparence que les progrès que vous avez faits dans la mufique, ont nui enfin à ceux de la véritable tragédie. C'est un talent qui a fait tort à un autre,

Permettez que j'entre avec votre Eminence dans une difcuffion littéraire. Quelques perfonnes, accoutumées au ftyle des épîtres dédicatoires, s'étonneront que je me borne ici à comparer les ufages des Grecs avec les modernes, au lieu de comparer les grands hommes de l'antiquité avec ceux de votre maison ; mais je parle à un favant, à un fage, à celui dont les lumières doivent m'éclairer, & dont j'ai l'honneur d'être le confrère dans la plus ancienne académie de l'Europe, dont les membres s'occupent fouvent de femblables recherches: je parle enfin à celui qui aime mieux me donner des inftructions que de recevoir des éloges.

PREMIERE PARTIE.

Des tragédies grecques imitées par quelques opéra italiens & français.

UN

N célèbre auteur de votre nation dit que depuis les beaux jours d'Athènes, la tragédie errante & abandonnée cherche de contrée en contrée quelqu'un qui lui donne la main, & qui lui rende fes premiers honneurs, mais qu'elle n'a pu le trouver.

S'il entend qu'aucune nation n'a de théâtres, où des chœurs occupent prefque toujours la fcène, & chantent des ftrophes, des épodes & des antiftrophes accompagnées d'une danfe grave; qu'aucune nation ne fait paraître fes acteurs fur des efpèces d'échaffes, le vifage couvert d'un mafque qui exprime la douleur d'un côté & la joie de l'autre ; que la déclamation

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