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A TIDE.

Hélas! Ramire & moi, nous vous devons la vie ;
Vous rendez un héros, un prince à fa patrie;
Le ciel peut-il haïr un foin fi généreux?
Arrachez votre amant à ces bords dangereux.
Ma vie eft peu de chofe & je ne fuis encore
Qu'une efclave tremblante en des lieux que j'abhorre.
Quoique d'affez grands rois mes aïeux foient issus,
Tout ce que vous quittez eft encore au-dessus.
J'étais votre captive, & vous ma protectrice;

Je ne
pouvais prétendre à ce grand facrifice.
Mais Ramire un héros du ciel abandonné,
Lui qui, de Bénaffar efclave infortuné,
A prodigué fon fang pour Bénaffar lui-même ;

Enfin,

, que vous aimez....

ZULIM E.

En me

Atide, fi je l'aime?

C'est toi qui découvris, dans mes efprits troublés,
De mon fecret penchant les traits mal démêlés.
C'eft toi qui les nourris, chère Atide; & peut-être,
parlant de lui c'eft toi qui les fis naître.
C'est toi qui commenças mon téméraire amour;
Ramire a fait le refte en me fauvant le jour.
J'ai cru fuir nos tyrans, & j'ai fuivi Ramire.
J'abandonne
pour lui parens, peuples, empire;
Et frémiffant encor de fes périls paffés,
J'ai craint dans mon amour de n'en point faire assez.
Cependant, loin de moi fe peut-il qu'il s'arrête?
Quoi! Ramire aujourd'hui trop fûr de fa conquête,
Ne prévient point mes pas, ne vient point confoler
Ce cœur trop affervi, que lui feul
peut troubler!

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A TIDE.

Eh! ne voyez-vous pas avec quelle prudence'
De l'envoyé d'un père il fuyait la présence?
ZULI M E.

J'ai tort, je te l'avoue: il a dû s'écarter;
Mais pourquoi fi long-temps?

A TIDE.

A ne vous point flatter,

Tant d'amour, tant de crainte & de délicateffe Conviennent mal, peut-être, au péril qui nous presse; Un moment peut nous perdre, & nous ravir le prix De tant d'heureux travaux par l'amour entrepris, Entre cet Océan, ces rochers & l'armée,

Ce jour, ce même jour peut vous voir enfermée. Trop d'amour vous égare; & les cœurs fi troublés Sur leurs vrais intérêts font toujours aveuglés.

ZULIM E.

Non, fur mes intérêts c'est l'amour qui m'éclaire;
Ramire va preffer ce départ nécessaire :

L'ordre dépend de lui, tout eft entre fes mains;
Souverain de mon ame, il l'eft de mes deftins.
Que fait-il? eft-ce vous, eft-ce moi qu'il évite?

A TIDE.

Le voici..... Ciel! témoin du trouble qui m'agite, Ciel! renferme à jamais dans ce sein malheureux, Le funefte fecret qui nous perdrait tous deux.

SCENE

I I I.

ZULIME, A TIDE, RAMIRE.

RAMIR E.

MADAME, enfin des cieux la clémence suprême

Semble en notre défense agir comme vous-même ;

Et les mers & les vents, fecondant vos bontés,

Vont nous conduire aux bords fi long-temps fouhaités.
Valence, de ma race autrefois l'héritage,

A vos pieds plus qu'aux miens porterà fon hommage.
Madame, Atide & moi, libres par vos fecours,
Nous fommes vos fujets, nous le ferons toujours.
Quoi! vos yeux à ma voix répondent par des larmes !
ZULIM E.

Et pouvez-vous penser que je fois fans alarmes ?
L'amour veut que je parte, il lui faut obéir:
Vous favez qui je quitte, & qui j'ai pu trahir.
J'ai mis entre vos mains ma fortune, ma vie,
Ma gloire encor plus chère, & que je facrifie.
Je dépends de vous seul....Ah, Prince, avant ce jour,
Plus d'un cœur a gémi d'écouter trop d'amour;
Plus d'une amante; hélas ! cruellement féduite,
A pleuré vainement fa faibleffe & fa fuite.

RAMIR E.

Je ne condamne point de fi juftes terreurs.
Vous faites tout pour nous; oui, Madame, & nos cœurs
N'ont, pour vous raffurer dans votre défiance,
Qu'un hommage inutile, & beaucoup d'efpérance.
Efclave auprès de vous, mes yeux à peine ouverts
Ont connu vos grandeurs, ma mifère, & des fers;

Mais j'attefte le dieu qui foutient mon courage,
Et qui donne à fon gré l'empire & l'esclavage,
Que ma reconnaissance & mes engagemens....
ZULIM E.

Pour me prouver vos feux vous faut-il des fermens?
En ai-je demandé, quand cette main tremblante

A détourné la mort à vos regards préfente?

Si mon ame aux frayeurs se peut abandonner,

Je ne crains que mon fort, puis-je vous foupçonner? Ah! les fermens font faits pour un cœur qui peut feindre. Si j'en avais befoin, nous ferions trop à plaindre. (2) RAMIR E.

Que mes jours immolés à votre fureté....

ZULI M E.

Confervez-les, cher Prince, ils m'ont affez coûté.
Peut-être que je fuis trop faible & trop fenfible;
Mais enfin tout m'alarme en ce féjour horrible :
Vous-même, devant moi, trifte, fombre, égaré,
Vous reffentez le trouble où mon cœur eft livré.
A TIDE.

Vous vous faites tous deux une pénible étude
De nourrir vos chagrins & votre inquiétude.
Dérobez-vous, Madame, aux peuples irrités
Qui pourfuivent fur nous l'excès de vos bontés.
Ce palais eft peut-être un rempart inutile;
Le vaiffeau vous attend, Valence eft votre afyle.
Calmez de vos chagrins l'importune douleur;

Vous avez tant de droits fur nous.... & fur fon cœur!
Vous condamnez fans doute une crainte odieufe.

Votre amant vous doit tout ; vous êtes trop heureuse ! ZULIM E.

Je dois l'être, & l'hymen qui va nous engager....

SCENE IV.

ZULIME, ATIDE, RAMIRE, IDAMORE.

IDA MORE.

DANS ce moment, Madame, on vient vous affiéger.

Ciel !

A TIDE.

IDA MORE.

On entend de loin la trompette guerrière;
On voit des tourbillons de flamme, de pouffière;
D'étendards menaçans les champs font inondés.

Le peu
de nos amis dont nos murs font gardés,
Sur ces bords escarpés qu'a formé la nature,
Et qui de ce palais entourent la ftructure,
En défendront l'approche, & feront glorieux
De chercher un trépas honoré par vos yeux.
RAMIR E.

Dans ce malheur preffant je goûte quelque joie.
Hé bien, pour vous fervir le ciel m'ouvre une voie,
De vos peuples unis je brave le courroux ;
J'ai combattu pour eux, je combattrai pour vous.
Pour mériter vos foins je puis tout entreprendre,
Et mon fort en tout temps fera de vous défendre.
ZULIME.

Que dis-tu? contre un père! arrête, épargne-moi.
L'amour n'entraîne-t-il que le crime après foi ?
Tombe fur moi des cieux l'éternelle colère,
Plutôt que mon amant ofe attaquer mon père !
Avant que fes foldats environnent nos tours,
Les flots nous ouvriront un plus jufte fecours.

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