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abandonnait au caprice du maître, qui pouvait les vendre ou les livrer aux plus affreux supplices'.

Les

De l'état des personnes sous la domination des barbares. invasions du ve siècle modifièrent profondément l'état des personnes. Elles divisèrent la population de la Gaule en deux classes, diverses de race, de langue, de lois, de mœurs et d'intérêts. Aux vainqueurs appartenaient les droits politiques et souvent même la propriété exclusive des terres; ils se partageaient en ahrimans ou hommes de guerre, qui conservaient dans l'isolement leur fierté et leur indépendance primitives; en leudes ou compagnons du chef de guerre; enfin, en lites, dont la condition se rapprochait de celle des esclaves romains. Les vaincus étaient aussi partagés en plusieurs classes; les uns, nommés par les lois barbares convives du roi, étaient presque les égaux des leudes; ils devaient à leur astuce, à leur souplesse, quelquefois à leurs basses complaisances et à leurs. crimes, le rang auquel ils s'élevaient. Tel était cet Arcadius, qui attira dans le piége les fils de Clodomir, pour gagner les bonnes grâces de Childebert et de Clotaire. Á un rang inférieur se plaçaient les colons et les fiscalins; c'était la partie de la population vaincue, qui était attachée à la glèbe ou dans la dépendance du fisc royal. La condition des fiscalins était misérable. Il suffit pour s'en convaincre de se rappeler la conduite de Chilpéric fer à leur égard. Lorsqu'il en

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1. Voy., dans le Dictionnaire, les arieles AFFRANCHISSÉMENT, BAGAUDES, COLONS, CORPORATION, DROIT ROMAIN, MUNICIPES, ROMAINS, VOTES ROMAINES. Ouvrages à consulter: Notitia dignitatum imperiiromani, ed. Bæcking; Code théodosien (Codex theodosianus); (6 vol. in-fol., Lyon, 1665. Cette édition est de J. Godefroy, dont les commentaires sont estimés; Hænel a donné une nouvelle édition supérieure pour la pureté du texte); Sidoine Apollinaire (Paris, 1652, în-4, 2e édition, donnée par Jacq. Sirmond, avec des notes étendues); Salvien, De gubernatione Dei (Paris, 1684, in-8); l'Histoire de la Gaule sous l'administration romaine, par M. Amédée Thierry, 3 vol. in-8; Des changements survenus dans l'empire romain de Diocletien à Constantin, par M. Naudet (Paris, 1817, 2 vol. in-8); Roth, De re municipali Romanorum, Stuttgard, 1801; Savigny, Histoire du droit romain pendant le moyen âge, 3 vol. in-8, dans la traduction française; Raynouard, Histoire du droit municipal en France (2 vol., Paris, 1828); De La Rue, des Sénats des Gaules dans le t. I des Mémoires de l'Académie celtique (Paris, 1807); Essais sur l'histoire de France, par M. Guizot, 1er essai, et Cours d'histoire de la civilisation en France, par le même; Histoire du droit français, par M. La Ferrière, t. I, et l'ouvrage de M. Giraud, intitulé Du droit français au moyen age, 2 vol. in-8. Voy., pour les indications bibliographiques plus complètes, les n XIII et XIV de cette introduction.

voya sa fille en Espagne, où elle devait épouser un roi des Wisigoths, il fit prendre dans Paris un certain nombre de fiscalins, destinés à former le cortège de la princesse franque; plusieurs de ces malheureux préférèrent la mort à l'exil. Enfin, au dernier rang, étaient les esclaves, dont le christianisme adoucit peu à peu la condition. Cette classification des personnes dura autant que la distinction entre les vainqueurs et les vaincus; elle s'effaça au x siècle par suite de la fusion des races; mais il en resta la séparation en nobles et en vilains. La France n'eut plus alors qu'un peuple, mais divisé en classes fondément séparées 1.

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Du x au

De l'état des personnes pendant l'époque féodale. XIIIe siècle, le noble, seul propriétaire du sol, avait les droits régaliens; il rendait justice, battait monnaie, percevait l'impôt, faisait la guerre. C'est le régime féodal. Il s'établit peu à peu une hiérarchie entre les grands feudataires. Les ducs, comtes, marquis ou comtes de la frontière, barons, chevaliers bannerets, bacheliers ou chevaliers d'un rang inférieur occupaient les divers degrés de la hiérarchie féodale. Les hommes des classes inférieures, désignées d'une manière générale par le nom de vilains (villani, habitants des

1. Voy., dans le Dictionnaire, les articles AHRIMANS, COLONS, ESCLAVAGE, FISCALINS, FRANCS, GALLO-ROMAINS, LETES (LITES), LEUDES.-Principales sources : les lois des barbares (lois des Francs saliens et ripuaires, des Burgondes, des Wisigoths) dans le recueil de Canciani, Barbarorum leges antiquæ (Venise, 1781, 5 vol. in-fol.), et dans le recueil de Pertz, Monumenta Germaniæ historica, leges, I; Marculfe, Formules, publiées dans le t. IV, p. 465, du Recueil des historiens de France. Consultez, outre les ouvrages de MM. Guizot, La Ferrière, Giraud, cités dans la note précédente, la Théorie des lois politiques de la monarchie française, par Mlle de Lezardière (Paris, 1844, 4 vol. in-8, réimpression d'un ouvrage qui avait paru en 1791); l'Esprit des lois de Montesquieu, liv. XXX et suiv.; l'Ancien gouvernement de la France, par le comte du Buat (4 vol. in-4. La Haye, 1757); de Gourcy, Traité sur cette question : Quel fut l'état des personnes, en France, sous la première et la deuxième race de nos rois? (1 vol. in-8. Paris, 1789); Aug. Thierry, Lettres sur l'histoire de France et Introduction aux récits des temps mérovingiens; Fauriel, Histoire de la Gaule sous la domination des Francs (4 vol. in-8); Eichorn, Histoire de la constitution de l'Allemagne, en allemand ( le tome ler renferme l'histoire des institutions des Francs); Naudet, Mémoire sur l'état des personnes dans la Gaule pendant la période mérovingienne, dans le recueil des Mémoires de l'Académie des inscriptions et belleslettres, t. VIII, p. 401 (Paris, 1827, in-4); Guérard, Prolégomènes du polyptyque de l'abbé Irminon; l'Histoire des institutions mérovingiennes et carlovingiennes, par M. Lehuërou (2 vol., Paris, 1842); les Etudes sur l'histoire et les institutions de l'époque mérovingienne, par M. de Pétigny (3 vol. in-8, Paris, 1842-1845).

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campagnes), ou roturiers (ruptarii, labourant la terre), se divisaient en hommes de poeste (homines potestatis, soumis à la puissance du maitre), et en serfs attachés à la glèbe. Peu à peu, les habitants des villes s'émancipèrent et conquirent la liberté ; les bourgeois formèrent une classe intermédiaire entre les nobles et les serfs. Quelque profonde que fût encore, à cette époque, la distinction entre les vilains et les nobles, il n'y avait plus cependant l'intervalle immense, qui avait longtemps séparé les Francs des Gallo-Romains; on ne voyait plus sur le même sol deux peuples divers de langue, de race et de lois. Enfin, c'est pendant la période féodale que l'esclavage disparaît de la France. Le servage fut maintenu; mais il ne donnait point au maître le droit de vendre ou de faire périr le malheureux attaché à la glèbe '.

De l'état des personnes pendant la période monarchique, du XIIIe au XVIIIe siècle. La France est restée longtemps divisée en trois ordres qui ont eu chacun leur rôle historique. Le premier en puissance, et le plus ancien en datc, était le clergé. Constitué avant la conquête des barbares et investi de priviléges politiques, il exerça sous les Mérovingiens la plus haute influence. Il siégeait alors dans les champs de Mars et dans les conseils des rois mérovingiens et carlovingiens.

1. Voy., dans le Dictionnaire, les articles BACHÉLE, FÉODALITÉ, Noblesse, SerfS, VASSAUX, etc. - On peut consulter, sur l'organisation féodale en France, les Assises de Jérusalem, publiées par M. Beugnot dans le Recueil des historiens des croisades (2 vol. in-fol.); les Cartulaires de Saint-Père de Chartres et de Notre-Dame de Paris, avec les Prolégomènes de M. Guérard dans la collection des Documents inédits de l'histoire de France; Nouveau coutumier général ou corps des coutumes générales de France (Paris, 1724, 4 vol. in-fol.); Ét. Pasquier, De l'état et condition des personnes de notre France, avec un sommaire discours des servitudes tréfoncières, qui se trouvent en quelques-unes de nos provinces: c'est le chap. v du livre IV des Recherches de la France, Traité des seigneuries, par Ch. Loyseau ( Paris, 1608, in-4); Brussel, Nouvel examen de l'usage général des fiefs pendant les XI, XII, XIIe et XIVe siècles (Paris, 1737, 2 vol. in-4); Salvaing, De l'usage des fiefs et autres droits seigneuriaux (Paris, 1731); Chantereau-Lefèvre, Traité des fiefs, suivant la coutume de France et l'usage des provinces du droit écrit (Paris, 1680, in-4); Peysonnel, Traité de l'hérédité des fiefs (Paris, 1687, in-8); Schiller, Dissertatio de feudis juris francici (Argentorati, 1701, in-4), cum ejus Expositione de paragio et apanagio (Argentorati, 1705, in-4); Recherches sur les lois féodales, sur les anciennes conditions des habitants des villes et des campagnes, leurs possessions et leurs droits, par Doyen (Paris, 1779, 1 vol. in-8); Championnière, De la propriété des eaux courantes, du droit des riverains et de la valeur actuelle des concessions féodales (1 vol. in-8, Paris, 1846).

Supérieur en intelligence et en éducation, il dictait les lois, écrivait les annales et instruisait les peuples. Ses richesses excitaient la jalousie des souverains, et son ascendant moral était seul assez puissant pour mettre un frein à la cupidité et à la violence brutale des barbares. Le clergé conserva cette haute position pendant plusieurs siècles. Un instant opprimé par la féodalité, il ne tarda pas à s'affranchir de ce joug et, tout en conservant une partie des droits féodaux, il forma un ordre distinct de la noblesse. La première place lui appartenait aux états généraux et dans l'assemblée des pairs du royaume. Les hôpitaux et les écoles étaient placés sous sa surveillance. Ses biens immenses étaient exempts des impôts ordinaires. En un mot, il fut à la tête des trois ordres jusqu'au moment où la distinction des classes disparut et où il ne resta que la nation française. Là cesse le rôle politique du clergé. Prépondérant sous les Mérovingiens et les Carlovingiens, il s'allia à la royauté pour combattre l'aristocratie féodale aux xne et XIIIe siècles, et depuis cette époque, jusqu'en 4789, il donna à la France plusieurs ministres éminents, entre autres Suger, G. d'Amboise, Richelieu. En 1789, une partie du clergé, inquiète des progrès du tiers état, s’unit à la noblesse pour lutter contre les classes moyennes; mais la majorité de cet ordre ne se sépara pas, dans l'Assemblée nationale, de ceux qui voulaient donner une constitution à la France'.

1. Voy, dans ce Dictionnaire, les articles ABBAYE, Bénéfices, CarDINAUX, CLERGÉ, CONCILES, CONCORDATS, LIBERTÉS DE L'ÉGLISE GALLICANE, ÉVÊCHÉS, ÉVÊQUES, PRAGMATIQUE-SANCTION, QUATRE PROPOSITIONS, RELIGIEUX, Rites ECCLÉSIASTIQUES, etc.— Ouvrages à consulter: Sirmond, Concilia antiqua Galliæ (Paris, 1627, 3 vol. in-fol., avec un supplément par de La Lande, Paris, 1666, 1 vol. in-fol.); Annales ecclesiastici Francorum, curante Le Cointe (Paris, 1663-1683, 8 vol. in-fol.); Acta Sanctorum a Bollando et cæt. edit. (Anvers et Bruxelles, 1643-1654, 5 vol. in-fol.); Gallia Christiana in provincias ecclesiasticas distributa (Paris, 1715-1786, 13 vol. in-fol.); Acta Sanctorum ordinis S. Benedicti in seculorum classes distributa (Paris, 1668-1702, 9 vol. in fol.). Cet ouvrage est complété par les Annales ordinis S. Benedicti (Paris, 1733-1739, 6 vol. in-fol.); Sacra bibliotheca SS, Patrum (Paris, 1589, 9 vol. in fol.); Magna bibliotheca Patrum (Cologne, 1618-1622, 15 tom. in-fol.); Maxima bibliotheca vet. Patrum (Lyon, 1677, 27 vol. in-fol.); Andr. Gallandii, Biblioth. vet. Patrum (Venise, 1765, 14 vol. in- fol.); Scriptores ordinis prædicatorum recensiti, par Quetif et Echard (Paris, 1719-1721, 2 vol. in-fol.); Histoire des ordres monastiques, par Helyo (Paris, 1714-1721,8 vol. in-4). Voy. Thomassin, Traité des édits et des autres moyens pour maintenir l'unité de l'Église catholique (Paris, 1704, 3 vol.-in-4); du même, Ancienne et nouvelle discipline de l'Église (3 vol. in-fol., Paris, 1678); Fleury, Institu

La noblesse, qui formait le second ordre, tirait son origine de ces leudes et de ces ahrimans francs, avec lesquels s'était peu à peu confondue l'ancienne aristocratie gallo-romaine. Propriétaire du sol, illustrée par les exploits militaires, cantonnée au milieu de ses vassaux et retranchée derrière ses murs crénelés, l'aristocratie féodale exerça pendant longtemps les droits régaliens. La lutte de la royauté contre la féodalité remplit une grande partie de l'histoire de France. Dépouillée des droits de souveraineté, dès le xvo siècle, la noblesse n'en resta pas moins une des classes privilégiées. Habituée à verser son sang sur les champs de bataille, investie des hautes dignités de la couronne, des gouvernements de province, en possession de vastes domaines et d'une puissance fondée sur de glorieux souvenirs, exempte d'impôts, conservant encore de son ancienne souveraineté une juridiction et des droits considérables, la noblesse avait en France une influence immense. Elle la mérita presque toujours par des traditions de valeur, de loyauté, de patriotisme fidèlement transmises de génération en génération. Son luxe encourageait les arts, et on admire encore aujourd'hui les châteaux dont elle couvrit la France 1.

Le tiers état, dernier des trois ordres, ne datait, comme pouvoir politique, que du XIIIe siècle. Il était sorti du mouvement communal qui avait affranchi la bourgeoisie des grandes villes et lui avait assuré un gouvernement indépendant. Mais le tiers état se distingua profondément des communes. Tandis que celles-ci s'isolaient et tendaient à morceler la France en petites républiques, le tiers état se rattacha à la royauté et contribua à l'unité nationale. Appelé en 1302 aux états généraux, et par conséquent à la vie politique, il soutint énergiquement Philippe le Bel. Dans la suite, quoiqu'il ait plus d'une fois lutté contre la royauté, il fut généralement son allié contre les ordres privilégiés. Ce fut dans le tiers état que les rois prirent leurs ministres les plus dévoués. Ce fut le tiers état qui recruta la ma

tion au droit ecclésiastique (Paris, 1687, 2 vol. in-12); du même, Discours sur l'histoire ecclésiastique; Discours sur les libertés de l'église gallicane; Durand de Maillane, Dictionnaire du droit canonique, etc., (Paris, 1761, 2 vol. in-4). Cf. les indicaLions bibliographiques à la fin de l'article sur les RITES ECCLÉSIASTIQUES.

1. Voy., dans le Dictionnaire, les articles CHEVALERIE, FÉODALITÉ, NOBLESSE.Cf. les indications bibliographiques données plus haut, p. v, note, et dans le Dictionnaire à la suite de l'article NOBLES, NOBLESSE.

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