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Mr. le Gouverneur a besoin de quelque information sommaire, de quelques dépositions par serment, luy qui n'en administre point, s'il veut bien demander les avis de la Justice, et les appeller à la recherche et lecture de quelques papiers et évidences qu'il feroit saisir, je n'estime pas que la Justice et tous les Officiers qui en dépendent, se peussent légitimement dispenser de luy prester la main. Mais si dans ce ministère il arrive des cas difficiles et de haute nature, dont il faille juger judiciairement, comme contraindre des témoins, décider des exemptions qu'ils pourroyent prétendre, et des reproches qu'on pourroit alléguer contre eux; voilà, ce me semble, des points qui touchent le principal, et des incidents qui ne sont pas de guère moindre importance. Les informateurs et les témoins sont les premiers Juges, et ce seroit à la Cour Royale une grande imprudence, une vexation à la partie et un grief à des témoins, d'estre forcez à déposer par provision, lors que venant devant le Souverain, le procédé ne seroit pas trouvé juste. II résulte de tout ce que j'ai dit ci-dessus, que comme la bonne intelligence doit toûjours régner entre le Gouverneur et la Justice, le Gouverneur peut bien demander des avis pour se disculper en quelque sorte, sans que pour cela ni les opinans soyent responsables de leurs opinions, ni luy-même tenu de s'y conformer, pour ce qui le regarde en particulier dans les fonctions de sa charge; comme au reste cette bonne intelligenee ne va pas jusqu'à des complaisances téméraires, et à fermer les yeux sur des injustices

évidentes. Enfin, posé qu'en des rencontres de grand péril et d'absolue nécessité, le Souverain n'examine pas toujours si les subalternes ne sont point sortis hors de leur sphère, il ne s'ensuit pas que ce soit une loy pour d'autres occasions, où l'on peut attendre de la part des Gouverneurs et de la Justice de particulières marques de modération, de déférence et de respect. Pour ce qui est particulièrement de l'hypothèse présente, il est aisé de voir que, sous correction, Mr. le Lt. Gouverneur ne voulant pas paroistre souffrir la correspondance de St. Malo, eust esté bien aise que la Cour Royale fust devenue son garand, en faisant ce qu'il dit pouvoir faire luy-même, mais qu'il ne vouloit toutefois pas exécuter.

SI LES HOMMES DE VEUE DOIVENT FAIRE LEUR RAPPORT EN PUBLIC.

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Le Vieux Coûtumier, au Chapitre de Veüe, dit que quand les Jureurs se sont conseillez, ils doibvent revenir devant le Bailly en l'Assise, et s'ils sont tous à un accord, la réponse doibt estre faicte par l'un d'yceulx," ab quocumque eorum responsio sua est proferenda. Il ne marque point si c'est en particulier, ou en public, ou séparément, qu'ils doivent répondre; et la Glose ne dit rien là-dessus. Mais en matière crimi

4.

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lectu isir, je non simul

nelle, le même Coûtumier, au Chapitre de Suite de Meurdre, dit que "le Bailly doibt prendre secrètement les Jureurs devant quatre Chevaliers, et demander à chacun par soy ce qu'il sçait de la vie à cil qui est accusé et de ses faicts, et ce qu'il en croit." Sur quoy le Rouillé dit, Testes debent sigillatim examinari, 'et promiscue. 11 cite le C. Venerab. de

Testib, qui dit sigu latim, et la L. Nium. C. eod., qui se sert de ces He hearatim, et ità intrare ad Judicis secretum. Il n'y a guère d'apparence que du temps du Vieux Coûtumier on er un usast autrement pour le rapport des hommes d'Enqueste en Civil, qu'il conste qu'on en usoit en criminel. es Le Style de Procéder de la Coûtume de Normandie,t Terrien, me direz-vous, témoignent le contraire ; il faut, selon eux, examiner les hommes en public. e répons que ce qu'ils disent ne lève point ma conject cienne métode d'examiner des Enquestes en secret, aussi bien en matière civile qu'en fait de crime. Car le Style de Procéder et Terrien dérogent du Coûtumier en beaucoup d'autres choses. faut qu'ils rapportent, comme fait le Coûtumper, que

1°.

Yure sur l'an

e

Tant s'en

accord, ntraire

questes

la réponse des Jureurs, s'ils sont tous d'un doit estre faite par l'un d'eux, ils posent au co que les Jureurs doivent estre examinez. 2°. Le Style de Procéder ne parle point du tout des End Criminelles, et Terrien n'en parle que comme Coûtume abolie, et dans le récit qu'il en fait il sous silence la formalité d'entendre les Jureu et sigillatim, comme le Coûtumier latin sen

י

d'une

passe

Voilà donc une grande altération. 3°. L'Arrest du 5e Juillet 1510, qu'on trouve dans Terrien, comme un appel de ce que des témoins d'Enqueste n'auroyent pas esté secrètement examinez, quoy que séparément, n'auroit point esté receu, fait voir, ce me semble, qu'on avoit encore alors quelque pratique d'examiner en secret des Enquestes Civiles. Un homme auroit-il esté téméraire, que d'appeller sans aucun fondement ? Qui sçait même si le Style de Procéder, qui veut que l'examen se fasse en public, n'auroit point esté formé sur cet Arrest de 1510; étant certain que le Style est fait postérieurement à l'érection de la Cour du Parlement de Rouen, qui n'est que de l'an 1499. Voyez Terrien, au commencement de son Livre XV., et le Titre du Style de Procéder rapporté dans le Rouillé. Au surplus, que signifie pour Jersey tout ce que peut contenir ce Style, composé plus de trois cents ans après notre séparation de la Normandie ? On dit que Terrien est un bon Auteur, et j'en conviens; il peut estre suivi sur des matières douteuses ou problématiques; mais il est absurde de le citer icy comme une Loy. Une telle citation n'est bonne que pour l'Isle voisine, où, pour s'épargner la peine et la difficulté de faire un Corps de Droit, on s'est avisé de recourir à cet Auteur, sous quelques exceptions. Par exemple, s'il falloit que Terrien fust notre règle, est-ce que parce qu'il rapporte qu'une Veüe peut estre termée à Vespres, et pour une Rente, et que les Hommes de Veüe doivent estre convenus par un Sergent, non par les parties, il faudroit abruptement à l'ouverture de ce VOL. I. A. 2.

Livre, comme on a osé le prétendre ces derniers jours, détruire une Pratique constamment opposée. Le Style de Procéder qu'on auroit encore plus de prétexte de prendre pour guide, dit que les évidences doivent estre leües aux Jureurs par un homme neutre; est-ce que nos réformateurs ne se chargeroyent point qu'on ne les leur confiast plus, comme de coûtume? Remontons plus haut. Le Vieux Coûtumier, qui approche le plus du temps de notre séparation, dit que les Hommes de Veüe, après le serment qu'ils font, doivent dire: "Ainsi m'aide Dieu, et les Saints." Cela fait voir l'absurdité que c'est, de vouloir préférer ces Auteurs à l'usage du Païs, surtout quand il est aussi constant et notoire, qu'est celuy d'examiner des Hommes de Veüe secretò et sigillatim, aussi bien en affaires civiles qu'en affaires criminelles.

On objecte, 1°. Qu'en Angleterre toutes les Juries en Civil et en Crime, disent par la bouche de l'un d'eux, leur sentiment en public. Guilty or not guilty; For the Plaintiff or for the Defendant. Mais qu'à Jersey ce n'est que la Justice qui le déclare. Elle seule en est le dépositaire secret; elle peut, en examinant les hommes, les tourner comme il luy plaist, et c'est donner trop de pouvoir aux Juges. On répond que les Juries d'Angleterre sont fort différentes des nostres. Elles n'ont pas la liberté de discorder, et ne doivent pas estre séparément examinées, comme cela s'est toûjours fait dans l'Isle. Elles ne jugent que sur de fortes présomptions, appuyées d'ordinaire de quelque témoin de certain. Elles sont positives, et n'ont

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