Da quartier-général à Strasbourg, le 3 messidor an v. J'ai reçu, mon cher général, vos lettres des 17 et 27 thermidor. Je ne vous dissimule pas que nous sommes profondément affligés des divisions qui règnent entre le corps législatif et le directoire. Indépendamment des suites funestes qu'elles peuvent avoir, par une levée de boucliers qui amègerait nécessairement la guerre civile, elles entravent tout, Les services viennent de manquer à l'armée, et nous venons d'être contraints, pour ne pas manquer à la fois de solde et de vivres, d'avoir recours au moyen extrème des réquisitions; tout inconstitutionnel qu'il est, nul doute qu'il ne soit préférable à une insurrection générale, et elle deviendrait inévitable. Le rapport du citoyen Tronçon du Coudray est parfaitement écrit et dans de très-bons principes. Je ne me permettrai pas de prononcer sur le fond de la question, connaissant assez peu l'affaire de Toulon; mais je pense comme lui que ceux qui ont pu livrer à l'ennemi l'entrée de leur pays, ne s'en laveront jamais aux yeux des gens honnêtes. Je ne sais ce que deviennent les négociations. J'attends à tout moment des nouvelles de l'Italie. Un prince allemand, officier-général dans l'armée autrichienne, sort de chez moi, et est convenu que nous étions la dupe des Anglais, qui seuls faisaient traîner les négociations en longueur. Il n'a pu également disconvenir que, si nous avions été aussi bons négociateurs que bons militaires, il y a long-temps que la paix serait faite. Adieu, mon cher général, recevez, etc. MOREAU. |