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Non, non, les combats d'Olympie
Jamais n'occuperont ma voix;
Ma lyre, long-temps assoupie,
Résonne pour d'autres exploits.
A mes accords l'aigle sensible
Quitte le trône inaccessible

Où siége le roi de l'éther ;

Et la foudre même charmée,
Par mes nouveaux chants désarmée,
S'endort aux pieds de Jupiter.

Rivaux de Tyrthée ou d'Apelle,
Eternisons ce noble jour;
Venez, la France nous appelle,
Thémis nous ouvre son séjour.
Sous ses voûtes indépendantes,
L'éloquence, aux lèvres ardentes,
Déjà s'empare d'un grand nom;
Et, cédant au Dieu qui l'inspire,
De l'Olympe promet l'empire
A l'astre de Napoléon.

Mais la trompette au loin résonne.
Vers ces portiques immortels
Quel amant chéri de Bellone
S'avancé aux acceus paternels?
Sous la palme dont elle est ceinte,
Sa tête conserve l'empreinte
Du glaive inhumain des combats;
Il vient, la France l'accompagne;
Les drapeaux qu'agitait l'Espagne
Marchent captifs devant ses pas.

3

LES EMBELLISSEMENS DE PARIS,

RÉSULTAT

DES VICTOIRES DES FRANÇAIS.

Pièce qui a remporté le prix décerné par la classe de la langue et de la littérature française de l'Institut, dans sa séance du 10 avril 1811.

QUAND l'heureux Amphion, placé par la victoire
Au trône de Cadmus qu'ennoblissait sa gloire',
Posant le bouclier, le glaive des combats,
Agrandit les remparts défendus par son bras;
On dit que du héros reconnaissant l'empire,
Les pierres s'élevaient aux accords de sa lyre.
Tels furent les récits dont Thèbes autrefois
Honora les bienfaits du plus grands de ses rois;
Bienfaits environnés d'héroïques prestiges.
Français ! voici le temps d'expliquer ces prodiges.
Chez un peuple guerrier, sur la terre de Mars,
Cette lyre divine élevant les remparts,
A des chants belliqueux mêlant son harmonie,
C'est l'accord du pouvoir, des arts et du génie.

Amphion ne fut couronné roi de Thèbes qu'après avoir vaincu de'nombreux ennemis. D'autres princes, avant lui, avaient régné dans cette ville, fondée par Cadmus; mais Amphion fut le premier qui l'entoura de remparts et lui donna des monumens publics.

J'en atteste vos murs et ces hardis travaux,
Ces arcs triomphateurs, ces temples des héros,
Qui des grands souvenirs nobles dépositaires,
Diront à nos neveux la gloire de leurs pères.

Tandis que de nos tours dominant la hauteur,
Le bronze des vaincus prend les traits du vainqueur ';
Quand le marbre s'anime au flambeau de l'histoire;
Quand sous le char d'airain que guide la victoire,
La porte triomphale, au sein de nos remparts,
Joint sa pompe guerrière à la pompe des arts:
Vous tous qui, mutilés et chargés d'un long âge,
Cedez avec lenteur au temps qui vous outrage,
Edifices pompeux des François, des Henris,
Affermissez vos murs, rejetez vos débris,
Et, d'un luxe nouveau déployant la richesse,
Recommencez le cours d'une longue jeunesse.
Toi surtout qui vieillis avant d'être achevé,
Monument que dix Rois n'avaient

pas

élevé,

Répare ces lenteurs d'une imparfaite gloire,
Qui, même en l'honorant, accusait leur mémoire.
Napoléon a dit à ce Louvre orgueilleux :

Sois le palais des Rois et l'Olympe des Dieux. »
Soudain, avec cent bras, la grue obéissante
Elève sur ces murs la poutre frémissante;
La pierre, qui gémit sous l'acier des marteaux,
En socles s'arrondit, se courbe en chapiteaux ;
Le monument s'achève, et sa pompe nouvelle
Pare sans la cacher sa vieillesse immortelle.

Oui, ne l'effacez point, respectez ses débris.:
Les nobles souvenirs errent sous ces lambris;

Ex are capto. Inscription de la colonne élevée sur la place Vendôme.

Ici, Colbert, Villars, et Tourville et Turenne
Illustraient de Louis la grandeur souveraine:
Ici de Montausier la généreuse voix

Instruisait aux vertus l'héritier de nos rois :
Ici viennent s'unir leurs augustes images

A ces marbres chargés de vingt siècles d'hommages,'
A ces Dieux, de la Grèce immortels habitans,
Qui protégeaient ses lois, guidaient ses combattans,
Se couronnaient de fleurs aux jours de ses conquêtes,
Partageaient ses plaisirs, ses travaux et ses fêtes.
Hélas! ils ont aussi partagé ses revers!

La Grèce, qui de Rome avait reçu des fers,
A vu, dans leur exil, ces familles divines
Aborder en tremblant le Dieu des sept collines,
Son aigle inexorable et son sénat de Rois,
Conquís après mille ans par de nouveaux exploits.
Ces illustres bannis que le droit de la guerre
A deux fois réservés aux vainqueurs de la terre,
Oat trouvé dans nos murs, pour fixer leurs destins,
Et l'olivier d'Athène et l'aigle des Romains.
Le Capitole même, où n'est plus la victoire,
A vu passer comme eux du parti de la gloire
Ses héros, ses grands Dieux, ses pénates mortels':
Sans changer de patrie ils ont changé d'autels.
La Rome des Césars n'est plus au bord du Tibre;
Rome de Léon Dix, et Florence encor libre,
Des chefs-d'œuvre d'un siecle ennobli par les arts
Ont payé nos succès, enrichi nos remparts.

・ On sait que les anciens distinguaient les grands Dieux, magni Di¡, Da immortales, les Dieux citoyens, Dú indigetes; les Dieux particuliers des familles, que chacun était libre de choisir à sa fantaisie, pénates, etc.; tous divisés en deux classes principales, Dii majores, Dit munores,

Le crayon d'Ausonie et les pinceaux belgiques'
Décorent ce palais, séjour des Dieux antiques,
Et la main des Lebrun, sur les peuples vaincus
Y fait régner encor les rois qui ne sont plus.
O pouvoir du génie et des veilles savantes!
Des marbres immortels et des toiles vivantes
Dans ce temple des arts rapprochent tous les lieux,
Les siècles, les talens, les héros et les Dieux.

Tels, si vous parcourez le jardin qui rassemble
Ces végétaux lointains surpris de vivre ensemble,
Dans cet espace étroit s'offriront à vos yeux
Ce dattier dont Memphis adora les aïeux,
Cet arbre qui nourrit l'Indien des deux mondes
Et lui verse un lait pur de ses grappes fécondes,
La flèche du palmiste et ses chapiteaux verts,
Le coton blanchissant qui mûrit dans les airs,
Les cèdres parfumés, et la palme inodore,

Qui s'abandonne aux vents dans les champs de l'aurore,
Exilés, aujourd'hui citoyens dans nos bois.

Ainsi de tous les arts conquis par vos exploits,
Ont fleuri dans nos murs les palmes immortelles :
Le génie enflammné par d'éclatans modèles,
Illustrant le ciseau, le crayon, le burin,

D'une héroïque ardeur fait palpiter l'airain;
Donne au marbre les traits et la voix de l'histoire;
Transporte sur la toile, où se peint la victoire,
Le choc des légions...que verra l'avenir :

Ou, fier d'éterniser un plus doux souvenir,

• On a voulu exprimer dans ce vers ce qui distingue le plus éminemment l'école italienne et l'école flamande, dont l'une est célèbre surtout par la perfection du dessin, l'autre, par la beauté du coloris.

* Bas-relief du Louvre, par M. Moette.

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