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Ainsi parlait cette vierge adorée,

Et plus d'un Roi répétait ses discours.
Comme au printemps la terre était parée,
L'automne en fleurs rappelait les amours.
Pour l'étranger, coulez, bons vins de France!
De la frontière il reprend le chemin.
Peuples! formons une sainte alliance,
Et donnons-nous la main.

M. P. J. DE Beranger.

f

ÉPITRE

A M. LE COMTE DE GOUVION SAINT-CYR,

SUR L'ARMÉE.

ENFIN, brave Saint-Cyr, tu nous rends une armée;
La France désormais, sans en être alarmée,
Peut voir l'Europe entière entourer ses confins;
Le sort de ma patrie est dans ses propres mains.
Ce n'est pas qu'effrayé de quelques bruits sinistres,
J'accuse sans raison les rois et leurs ministres;

Ils ont juré la paix, et j'en crois leurs sermens;

Mais on voit dans les cours de plus grands changemens:

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La mort dispose aussi de ces maîtres du monde;

Et l'histoire de l'homme, en trahisons féconde,
Apprend aux nations qu'un peuple désarmé
Par ses rivaux jaloux est toujours opprimé.
Accomplis donc les vœux et l'espoir de la France,
Assure son repos et son indépendance;

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Qu'au dehors, au dedans, prêts à nous protéger,
Nos bataillons encor soient craints de l'étranger.
Que de nos saintes lois respectant l'harmonie,
Redoutés des partis et de la tyrannie,

Dignes d'un peuple libre, ils soutiennent le poids
Du grand nom qu'a la France ont acquis ses exploits.
Repousse de leurs rangs ces soldats mercenaires,
Qu'aux fanges des cités, à d'infâmes repaires,
Disputait autrefois, l'or et le glaive en main,
Le commerce honteux d'un grossier spadassin;
Coutume des vieux temps, par nos mœurs condamné,
Qu'a vu louer encore la tribune étonnée,
Et qui, déshonorant le prince et le guerrier,
Du plus saint des devoirs faisait un vil métier.
Du jour où, renversant d'injustes priviléges,
Où, rompant d'Andely les traités sacriléges,
L'héritier des Bourbons, au trône remonté,
Sous le dais avec lui plaça la liberté ;
Du jour où des Capets il couronna l'ouvrage,
Et de nos droits à tous fit un égal partage,

Nos devoirs sont communs : tout Français est soldat;
Quand l'état le protège, il doit servir l'Etat.

Loin d'un métier si noble un intérêt sordide!
La gloire en est le prix, l'honneur en est le guide;
Et si d'un tel honneur on osait s'affranchir,
La loi qui nous appelle a droit de nous punir.

En vain, pour condamner cette loi tutélaire,
Rappelle-t-on ces jours de gloire et de misère,
Où les ordres d'un maître, au sénat apportés,
Pour repeupler les camps dépeuplaient les cités.
L'abus d'un droit auguste en proscrit-il l'usage?
L'homme a-t-il à son Dieu refusé son hommage,

Le jour, qu'au nom de Dieu, des prêtres criminels
Aux flammes des bûchers ont livré les mortels?
Robespierre et Marat font-ils à ma patrie
Haïr la liberté, que souilla leur furie?

Dès qu'un ambitieux a du sceptre abusé,
Faut-il qu'aux mains des Rois le sceptre soit brisé?
Et, ne distinguant rien, ni fautes, ni prodiges,
Doit-on de tout un règne effacer les vestiges?
Contre les seuls abus sachons nous prémunir;
Des erreurs du passé préservons l'avenir.
Non, je ne verrai plus, dans leurs jeunes années
Les générations comme un champ moissonnées;
Mais j'ai vu trop long-temps nos bataillons déserts
A la patrie en deuil rappeler nos revers.
Dans l'âge où de ses fils l'heureuse adolescence
Montre en eux la vigueur unie à la vaillance,
Où de nobles désirs le cœur sollicité,

Au nom de la patrie a déjà palpité;

Que par la voix du sort sa voix se fasse entendre,
Et nomme ceux d'entre eux qui la doivent défendre;
Ce tribut, qu'elle impose au printemps de leurs jours,
De leurs travaux à peine interrompra le cours;
Et si les jeux de Mars plaisent à leur jeune âge,
Si la gloire des camps enflamme leur courage,
A leur ambition les chemins sont ouverts;

Mars n'a plus de lauriers qui ne leur soient offerts.
Leurs dangers sont communs, leurs destins doivent l'être,
Et, sans leur demander quel sang les a fait naître,
La main, qui de l'état dispense les bienfaits,
Récompense le zèle et compte les hauts faits.
La faveur et l'intrigue, à nos armes fatales,
Du mérite modeste orgueilleuses rivales,

Ne le soumettront plus au pouvoir usurpé
D'un colonel imberbe au collège échappé.

Nos guerriers t'ont béni, quand ta mâle éloquence,
De ces pestes de cour foudroyant la puissance,
A montré leurs efforts luttant contre les lois,
Et leur avidité fatiguant tous les Rois.

Eh! que de Rois encor eût trompé leur adresse!
Que de malheurs encor eût causés leur souplesse,
Si l'auteur d'un bienfait trop long-temps envié,
Au peuple qui l'obtient ne l'avait confié;
Et, pour mieux déjouer leurs nouveaux artifices,
N'eût du pouvoir royal enchaîné les caprices!

On dit qu'il a trahi les droits des potentats;
Que, donnant des liens à qui n'en souffre pas,
De ces droits immortels, simple dépositaire,
En faveur de son peuple il n'a pu les distraire.
Ma muse s'en étonne, et, sans examiner
Ni d'où viennent ces droits, ni qui peut les donner,
Des défenseurs du trône, adoptant la doctrine,
Laisse au pouvoir des Rois sa plus haute origine.
Si du ciel dans leurs mains le sceptre est descendu,
Si Dieu leur a transmis un pouvoir absolu,
Que veulent ces appuis de la grandeur suprême?
Qu'ils soient devant un Roi comme devant Dieu même.
Est-ce en lui résistant qu'on sert la royauté?
Qu'ils aillent à ses lois plier leur volonté,

Et, quoi que veuille enfin sa haine ou sa clémence,
Le front dans la poussière, adorer en silence.
Mais si Dieu, pour nous seuls créant les souverains,
A borné le pouvoir qu'il a mis dans leurs mains ;
Si, las de commander à des troupeaux d'esclaves,
Les Rois, se soumettant à d'utiles entraves,

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