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Parmi des tourbillons de flamme et de fumée,

O douleur ! quel spectacle à mes yeux vient s'offrir? Le bataillon sacré, seul devant une armée,

S'arrête pour mourir,

C'est en vain que, surpris d'une vertu sí rare,
Les vainqueurs dans leurs mains retiennent le trépas;
Fier de le conquérir, il y court,
s'en empare:
LA GARDE, avait-il dit, MEURT ET NE SE REND PAS.

On dit qu'en les voyant couchés sur la poussière,
D'un respect douloureux frappé par tant d'exploits,
L'ennemi, l'œil fixé sur leur face guerrière,
Les regarda sans peur pour la première fois.

Les voilà ces héros si long-temps invincibles!
Ils menacent encor les vainqueurs étonnés !
Glacés par le trépas, que leurs yeux sont terribles!
Que de hauts faits écrits sur leurs fronts sillonnés !
Ils ont bravé les feux du soleil d'Italie,

De la Castille ils ont franchi les monts;
Et le Nord les a vus marcher sur les glaçons
Dont l'éternel rempart protège la Russie.
Ils avaient tout dompté........... Le destin des combats
Leur devait, après tant de gloire,

Ce qu'aux Français naguère il ne refusait pas :
Le bonheur de mourir dans un jour de victoire.

Ah! ne les pleurons pas ! sur leurs fronts triomphans
La palme de l'honneur n'a pas été flétrie;
Pleurons sur nous, Français, pleurons sur la patrie:
L'orgueil et l'intérêt divisent ses enfans.

Quel siècle en trahisons fut jamais plus fertile ?

L'amour du bien commun de tous les cœurs s'exile:
La timide amitié n'a plus d'épanchemens;
On s'évite, on se craint; la foi n'a plus d'asile,
Et s'enfuit d'épouvante au bruit de nos sermens.
O vertige fatal! déplorables querelles
Qui livrent nos foyers au fer de l'étranger!
Le glaive étincelant dans nos mains infidèles,
Ensanglante le sein qu'il devrait protéger.

L'ennemi cependant renverse les murailles
De nos forts et de nos cités;

La foudre tonne encore, au mépris des traités.
L'incendie et les funérailles

Epouvantent encor nos hameaux dévastés;
D'avides proconsuls dévorent nos provinces ;
Et, sous l'écharpe blanche, ou sous les trois couleurs,
Les Français, disputant pour le choix de leurs princes,
Détrônent des drapeaux et proscrivent des fleurs.
Des soldats de la Germanie

J'ai vu les coursiers vagabonds

Dans nos jardins pompeux errer sur les gasons,
Parmi ces demi-dieux qu'enfanta le génie.
J'ai vu des bataillons, des tentes et des chars,
Et l'appareil d'un camp dans le temple des arts.
Faut-il, muets témoins, dévorer tant d'outrages?
Faut-il que le Français, l'olivier dans la main,
Reste insensible et froid comme ces Dieux d'airain
Dont ils insultent les images?

Nous devons tous nos maux à ces divisions

Que nourrit notre intolérance.

Il est temps d'immoler au bonheur de la France
Cet orgueil ombrageux de nos opinions.

Etouffons le flambeau des guerres intestines.
Soldats, le ciel prononce, il relève les lis:
Adoptez les couleurs du héros de Bovines,
En donnant une larme aux drapeaux d'Austerlitz.

France, réveille-toi ! qu'un courroux unanime
Enfante des guerriers autour du souverain !
Divisés, désarmés, le vainqueur nous opprime;
Présentons-lui la paix, les armes à la main.

Et vous, peuples si fiers du trépas de nos braves,
Vous, les témoins de notre deuil,

Ne croyez pas, dans votre orgueil,
Que, pour être vaincus, les Français soient esclaves.
Gardez-vous d'irriter nos vengeurs à venir:
Peut-être que le Ciel, lassé de nous punir,
Seconderait notre courage;

Et qu'un autre Germanicus

Irait demander compte aux Germains d'un autre âge

De la défaite de Varus.

M. CASIMIR DELAVIGNE,

PLUS DE POLITIQUE.

JUILLET 1815.

Arr: Ce jour-là sons son ombrage...

MA mie, ô vous que j'adore!
Mais qui vous plaignez toujours
Que mon pays ait encore
Trop de part à mes amours;
Si la politique ennuie,

Même en frondant les abus:

Rassurez-vous, ma mie,
Je n'en parlerai plus.

Près de vous, j'en ai mémoire,
Donnaut prise à mes rivaux,
Des arts, enfans de la gloire,
Je racontais les travaux.
A notre France agrandie,
Ils prodiguaient leurs tributs;
Rassurez-vous, ma mie,
Je n'en parlerai plus.

Moi, peureux dont on se raille,
Après d'amoureux combats
J'osais vous parler bataille,

Et chanter nos fiers soldats.

Par eux la terre asservie

Voyait tous ses Rois vaincus.
Rassurez-vous, ma mie,
Je n'en parlerai plus.

Sans me lasser de vos chaînes,
J'invoquais la liberté;

Du nom de Rome et d'Athènes,
J'effrayais votre gaîté.
Quoiqu'au fond je me défie
De nos modernes Titus,
Rassurez-vous, ma mie,
Je n'en parlerai plus.

Oui, ma mie, il faut vous croire,
Faisons-nous d'obscurs loisirs.
Sans plus songer à la gloire,
Dormons au sein des plaisirs,
Sous une ligue ennemie,
Les Français sont abattus.
Rassurez-vous, ma mie,
Je n'en parlerai plus.

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M. P. J. DE BERANGER.

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