EVACUATION DU TERRITOIRE FRANÇAIS,
QUAND des montagnes des Pyrène, Par nos phalanges renversé
Comme un rocher que l'onde entraîne, Tombait l'Espagnol courroucé; Quand les deux aigles alliées, D'un même coup humiliées, S'enfuyaient loin de nos remparts, que d'un effort héroïque
Les conquérans de la Belgique Ecrasaient les fiers léopards:
Un cri de deuil et d'épouvante Ebranle les mers et le ciel, Et de la Tamise tremblante Retentit jusques au Texel : Alors la Muse de la Seine Sur les murs de Valencienne Monta, ceinte de trois couleurs, Et, touchant sa lyre savante, Eleva sa voix éclatante,
Et chanta l'hymne des vainqueurs.
Quel pouvoir unit et rassemble
Cette foule de nations?
Quel Dieu les fit marcher ensemble Oubliant leurs dissensions? Vienne et Berlin, cités vénales, Joignant leurs enseignes royales, De rivales deviennent sœurs; Et le Batave tributaire Dément sa haine héréditaire Pour ses antiques oppresseurs.
Je vois l'Anglais, je vois l'Ibère, Rangés sous le même étendart. Out-ils en vain juré la guerre Sur les rochers de Gibraltar? Où donc est la vieille balance Qui tenait dans la défiance Tant de rivaux, tant d'ennemis ? Qui donc a rompu l'équilibre? Un peuple a dit : « Je serai libre ; » Et tous les trônes sont amis.
Mais de ces hordes étrangères Qu'ont produit les débordemens? Elles ont franchi nos frontières Pour y laisser leurs ossemens. Tout ce colosse de puissance N'est plus qu'une ruine immense, Objet d'insulte et de mépris. Ce faisceau de sceptres sans gloire, Frappé des mains de la victoire, Se brise et tombe en longs débris.
Vous fuyez, ô troupe superbe!
Vous fuyez, et votre fierté
Promettait de cacher sous l'herbe
Le temple de la Liberté. : Ligue impuissante et mercenaire ! Une dépouille imaginaire Trompe les vœux de votre orgueil; Et, de ce char de la vengeance Qui devait rouler sur la France, Vous descendez dans le cercueil.
Vos espérances mensongères Vous partageaient nos régions, Et vos plus puissantes barrières Sont en proie à nos légions!" Les monts qui bordent l'Ibérie, Les boulevarts de l'Hespérie S'abaissent devant nos destins; Leurs défenseurs demandent grâce, Et déjà la foudre menace
L'héritage des Palatins.
Le Rhin s'est troublé dans ses ondes
A l'aspect de nos armemens; Du sein de ses grottes profondes, Il poussa des gémissemens;
Le bruit de sa voix éplorée
Vint frapper l'orgueilleuse Sprée, Et le Danube usurpateur Racontant Cologne soumise, Et Bruxelles deux fois conquise Par un pouvoir libérateur.
Des Français immortel génie, Songe, parmi tant de lauriers, Que la hideuse tyrannie S'est assise dans tes foyers. Elle eut pour mère l'ignorance;
Ces deux monstres ont sur la France Epanché leur plus noir poison: Guéris ses maux, taris ses larmes, Et joins au succès de nos armes Le triomphe de la raison.
Que la sagesse protectrice De la paisible Egalité Soit la seule dominatrice Des enfans de la Liberté; Que l'anarchique turbulence Et la sanguinaire démence S'anéantissent à sa voix;
Que sa main ferme et vénérable Elève un monument durable Qui n'ait pour base que les lois.
L'EXPÉDITION D'ANGLETERRE,
TEL qu'un pic élancé des cavernes profondes, Dont l'éternel sommet soutient le poids des ondes, Au bruit des flots grondans se dresse dans les airs, Monte, grandit, étend l'orgueil de ses rivages Et debout sur les eaux, le front ceint de nuages, Voit mourir à ses pieds le vain courroux des mers; Tel l'Hercule français, géant dès sa naissance, Sur les rois conjurés déployant sa puissance, S'élève triomphant des plus fiers potentats. Leur empire en débris agrandit son domaine, Et de tant d'ennemis que soulevait leur haine, Les torrens dissipés s'écoulent sous ses pas.
O terre des guerriers! ô France! ô ma patrie! Des bouches de l'Escaut aux rives de l'Istrie Le fer de tes enfans a promené l'effroi : Leur courage a vaincu les plus mâles courages, Et les trônes, minés par le fleuve des âges, Sur leurs vieux fondemens chancellent devant toi.
Mais quand du haut des cieux renversé, sur la terre L'aigle altier des Césars, dans sa tremblante serre, Voit fumer le tonnerre étouffé par nos mains: Quel dernier ennemi, dans la fuite commune, Seul d'Achille vainqueur défiant la fortune, Ose, nouvel Hector, balancer nos destins?
« PreviousContinue » |