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errante, qu'il finit enfin dans la retraite, où il acquit des vertus que fon grand courage n'avait pu connaître dans les agitations de fa fortune.

Quelques confeillers qui avaient le plus abufé de leur ministère payèrent leurs démarches par l'exil; les autres fe renfermèrent dans les bornes de la magiftrature, et quelques-uns s'attachèrent à leur devoir par une gratification annuelle de cinq cents écus, que Fouquet procureur général et furintendant des finances, leur fit donner fous main. (g)

Le prince de Condé cependant, abandonné en France de prefque tous fes partifans, et mal fecouru des Espagnols, continuait fur les frontières de la Champagne une guerre malheureufe. Il reftait encore des factions dans Bordeaux, mais elles furent bientôt apaisées.

revient.Mars

1653.

Ce calme du royaume était l'effet du banniffe- Le cardinal ment du cardinal Mazarin; cependant à peine fut-il chaffé par le cri général des Français, et par une déclaration du roi, que le roi le fit revenir. Il fut étonné de rentrer dans Paris, tout-puiffant et tranquille. Louis XIV le reçut comme un père, et le peuple comme un maître. On lui fit un feftin à l'hôtel-de-ville, au milieu des acclamations des citoyens : il jeta de l'argent à la populace; mais on dit que dans la joie d'un fi heureux changement, il marqua du mépris pour l'inconftance, ou plutôt pour la folie des Parifiens. Les officiers du parlement, après avoir mis fa tête à prix comme celle d'un voleur public, briguèrent prefque tous l'honneur de venir lui demander fa protection; et ce même (g) Mémoires de Gourville.

27 mars 1653.

parlement, peu de temps après, condamna par contumace le prince de Condé à perdre la vie, changement ordinaire dans de pareils temps, et d'autant plus humiliant que l'on condamnait par des arrêts celui dont on avait fi long-temps partagé les fautes.

On vit le cardinal, qui preffait cette condamnation de Condé, marier au prince de Conti, fon frère, l'une de fes nièces : preuve que le pouvoir de ce miniftre allait être fans bornes.

Le roi réunit les parlemens de Paris et de Pontoife; il défendit les affemblées des chambres. Le parlement voulut remontrer, on mit en prifon un confeiller, on en exila quelques autres; le parlement fe tut: tout était déjà changé.

CHAPITRE VI.

Etat de la France jufqu'à la mort du cardinal
Mazarin, en 1 6 6 ṛ,

PENDANT que l'Etat avait été ainfi déchiré au

dedans, il avait été attaqué et affaibli au dehors. Tout le fruit des batailles de Rocroi, de Lens et de Norlingue fut perdu. La place importante de Dunkerque fut reprise par les Espagnols, ils chafsèrent 1651. les Français de Barcelone; ils reprirent Cafal en Italie.

Cependant, malgré les tumultes d'une guerre civile, et le poids d'une guerre étrangère, le cardinal Mazarin avait été affez habile et affez heureux pour

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Munfter, en

1648.

conclure cette célèbre paix de Veftphalie, pár laquelle Paix de l'empereur et l'Empire vendirent au roi et à la couronne de France la fouveraineté de l'Alface, pour trois millions de livres payables à l'archiduc, c'est-à-dire, pour environ fix millions d'aujourd'hui. Par ce traité, devenu pour l'avenir la base de tous les traités, un nouvel électorat fut crée pour la maison de Bavière. Les droits de tous les princes et des villes impériales, les priviléges des moindres gentilshommes allemands furent confirmés. Le pouvoir de l'empereur fut reftreint dans des bornes étroites, et les Français joints aux Suédois devinrent les légiflateurs de l'Empire. Cette gloire de la France était due au moins en partie aux armes de la Suède. GustaveAdolphe avait commencé d'ébranler l'Empire. Ses généraux avaient encore pouffé affez loin leurs conquêtes fous le gouvernement de fa fille Christine. Son général Vrangel était prêt à entrer en Autriche. Le comte de Kanigsmarck était maître de la moitié de la ville de Prague, et affiégeait l'autre, lorfque cette paix fut conclue. Pour accabler ainfi l'empereur, il n'en coûta guère à la France qu'environ un million par an donné aux Suédois.

Auffi la Suède obtint par ces traités de plus grands avantages que la France; elle eut la Pomeranie, beaucoup de places, et de l'argent. Elle força l'empereur de faire paffer entre les mains des luthériens des bénéfices qui appartenaient aux catholiques romains. Rome cria à l'impiété, et dit que la caufe de DIEU était trahie. Les proteftans fe vantèrent qu'ils avaient fanctifié l'ouvrage de la paix, en dépouillant des papiftes. L'intérêt feul fit parler tout le monde.

1653.

Etat de la France.

L'Espagne n'entra point dans cette paix, et avec affez de raison; car, voyant la France plongée dans les guerres civiles, le ministère espagnol espéra profiter des divifions de la France. Les troupes allemandes licenciées devinrent aux Efpagnols un nouveau fecours. L'empereur depuis la paix de Munfter fit passer en Flandre, en quatre ans de temps, près de trente mille hommes. C'était une violation manifefte des traités; mais ils ne font prefque jamais exécutés autrement.

Les miniftres de Madrid eurent, dans le commencement de ces négociations de Veftphalie, l'adresse de faire une paix particulière avec la Hollande. La monarchie efpagnole fut enfin trop heureufe de n'avoir plus pour ennemis, et de reconnaître pour fouverains, ceux qu'elle avait traités fi long-temps de rebelles indignes de pardon. Ces républicains augmentèrent leurs richesses, et affermirent leur grandeur et leur tranquillité en traitant avec l'Espagne, fans rompre avec la France.

Ils étaient fi puiffans que dans une guerre qu'ils eurent quelque temps après avec l'Angleterre, ils mirent en mer cent vaiffeaux de ligne; et la victoire demeura fouvent indécife entre Black, l'amiral anglais, et Tromp, l'amiral de Hollande, qui étaient tous deux fur mer ce que les Condé et les Turenne étaient fur terre. La France n'avait pas en ce temps dix vaiffeaux de cinquante pièces de canon qu'elle pût mettre en mer; fa marine s'anéantiffait de jour en jour.

Louis XIV fe trouva donc, en 1653, maître absolu d'un royaume encore ébranlé des fecouffes qu'il avait reçues; rempli de défordres en tout genre d'administration, mais plein de ressources; n'ayant

tête des Espa

aucun allié, excepté la Savoie, pour faire une guerre offenfive, et n'ayant plus d'ennemis étrangers que l'Espagne, qui était alors en plus mauvais état que la France. Tous les Français, qui avaient fait la Le prince de guerre civile, étaient foumis, hors le prince de Condé Condé a la et quelques-uns de fes partisans, dont un ou deux lui gnols contre étaient demeurés fidèles par amitié et par grandeur la France. d'ame, comme le comte de Coligni, et Bouteville; et les autres, parce que la cour ne voulut pas les acheter affez chèrement.

Condé, devenu général des armées espagnoles, ne put relever un parti qu'il avait affaibli lui-même par la deftruction de leur infanterie aux journées de Rocroi et de Lens. Il combattait avec des troupes nouvelles, dont il n'était pas le maître, contre les vieux régimens français qui avaient appris à vaincre fous lui, et qui étaient commandés par Turenne.

Condé,

Le fort de Turenne et de Condé fut d'être toujours Turenne vainqueurs quand ils combattirent enfemble à la oppole à tête des Français, et d'être battus quand ils commandèrent les Espagnols.

25 août

Turenne avait à peine sauvé les débris de l'armée d'Espagne à la bataille de Réthel, lorfque de général du roi de France, il s'était fait le lieutenant d'un général espagnol : le prince de Condé eut le même fort devant Arras. L'archiduc et lui affiégeaient cette ville. Turenne les affiégea dans leur camp, et força leurs lignes; les troupes de l'archiduc furent mifes en fuite. Condé avec deux régimens de français et victorieux. de lorrains foutint feul les efforts de l'armée de Turenne; et tandis que l'archiduc fuyait, il battit le maréchal d'Hocquincourt, il repouffa le maréchal de

Turenne

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