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s'accorde avec son coeur, comment sa manière de concevoir influe sur sa manière de sentir.

Dans l'homme nous analyserons l'écrivain, le critique d'art, le romancier. Nous jugerons ses personnages, ses amas de notes et, par conséquent, l'espèce de public qu'il lui faut.

En étudiant son style nous découvrirons les qualités et les lacunes de son cœur et de son esprit. Nous chercherons surtout à déterminer quels étaient son principal moteur, son grand ressort, son idée fixe?

Pour apprécier sa valeur littéraire nous remonterons à son organisation physique. Nous demanderons à ses notes de voyage, à ses romans et à ses lettres comment il voyait les objets; quelle impression ils faisaient sur son âme; pourquoi et comment il décrit la nature; quel est son rêve d'artiste, son microcosme?

L'imagination est-elle sa faculté dominante? ou n'est-ce pas plutôt la réflexion et la logique ? Quel est son degré d'imagination? à quoi s'applique spontanément son enthousiasme? quels sont ses maîtres, ses disciples, ses ennemis? Aime-t-il l'Art plus que la vie du monde, et les livres plus que les hommes ?.........

S'il était, comme nous le croyons, un libre disciple d'Helvétius, de Cabanis et de Montesquieu, revu par Destutt de Tracy, nous lui appliquerons leur méthode.

Il est un des premiers qui aient introduit la physiologie dans la critique, il a toujours cherché l'influence du tempérament sur les œuvres, et cette analyse pénétrante il ne l'appliquait pas seulement à la critique d'art, mais bien à toutes les émotions de la vie morale et principalement à l'amour. - Il analysait tout expliquant physiologiquement les causes de telle ambition, de telle ruse, de telle sottise ou de telle haine, etc.

Aussi se plaît-on en le lisant, à voir jouer devant soi les ressorts de toutes les passions. On aime à voir construire et démonter, sous ses yeux, de puissants caractères. On prend un intérêt moral et scientifique à ces fines dissections, à cette anatomie de l'âme où il est passé maître, et l'on apprend, en réfléchissant sur son œuvre, la physiologie du cœur.

Pour lui-même, Stendhal tenait registre fidèle de ses sentiments et de ses pensées. Il écrivait tous les jours quelques lignes sur ce qu'il avait vu ou senti; mais il était trop ami du XVIIIe siècle, trop enclin à la réflexion et à l'analyse pour se contenter de noter exactement et sans commentaires les sensations de sa vie. Il y revient, et c'est là son art; il y songe, il les examine, il les retourne, il les explique par les circonstances; il en dit le temps, l'occasion et la

cause.

Dans le monde et dans le cabinet, Stendhal est un observateur qui expérimente et raisonne. Il est

sceptique à tout ce qui n'est pas démontrable; incrédule, indévot, épicurien spirituel de la famille de Montaigne, il dirait volontiers, avec lui de la vie : Je la veux vivre mollement, pour la jouir au double des autres. » Il est aussi matérialiste, positif, facilement ému, égoïste aimable et sans hypocrisie, pratiquant, comme l'auteur, cette autre maxime de Montaigne « On doit se prêter à autrui et ne se » donner qu'à soi-même. »

CHAPITRE PREMIER.

APERÇU GÉNÉRAL SUR LE CARACTÈRE ET L'ŒUVRE

DE STENDHAL.

I.

Pourquoi certains critiques sont-ils si sévères à Stendhal ?

Traits

distinctifs de son caractère.

Sa préoccupation du bonheur.

Beaucoup de soi-disant critiques qui ont le plus maltraité Henri Beyle, semblent craindre de lui ressembler, parce qu'en général on le distingue plus qu'on ne l'estime et qu'on tient à paraître meilleur que lui tout en le sentant supérieur à soi en bien des points. On croit avoir l'âme plus grande, le cœur moins sec, et c'est peut-être uniquement parce qu'on a l'esprit moins pénétrant.

H. Beyle-Stendhal avait trop de monde et trop d'expérience pour être jamais dupe; il avait trop d'observations précises, prises sur le fait, pour se tromper dans les théories ingénieuses qu'il en tirait. On s'imagine aisément avoir une nature plus généreuse, plus spontanée au dévouement parce que l'on a moins étudié la Vie, moins réfléchi. Mais, au fond,

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