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au même degré et de la même manière. Dans le minéral, la vie, se composant de forces isolées qui rapprochent, sans les unir, les molécules qu'elles animent, est moins avancée que dans le végétal ici, plus près de l'unité, sans être encore une, elle se concentre en quelques points, ébauche l'organisme, mais ne l'achève pas. Dans l'animal et dans l'homme, elle a sa plus grande perfection, parce qu'elle s'y trouve indivisible, simple, unicentrale, et qu'elle y jouit ainsi, au plus haut point, de l'unité.

La puissance vitale, répandue dans la nature, ne se borne pas à vivifier chaque être en particulier, mais elle établit entre eux les plus intimes et les plus constans rapports; elle les meut, pour ainsi dire, dans une sphère immense, où les unissent, de toutes parts, de manifestes harmonies ou de mystérieuses correspondances. Il n'en est pas un qui aille solitaire et abandonné, et qui ne trouve à tous les points de son existence d'innombrables liens qui l'attachent et le retiennent à l'ordre général. Il n'en est aucuns qui un jour ou l'autre échappent au tout qui les renferme, pour se mettre en dehors et vivre à part; et quelle que soit la rapidité des révolutions qui les entraînent, ils restent toujours dans le système auquel ils appartiennent; de là les innombrables influences qu'ils ne cessent d'exercer les uns sur les autres ; de là cette combinaison d'actions ordonnées dans une fin commune; de là cette vie universelle dont la vie de chaque être n'est qu'une dépendance et un développement particulier. C'est pourquoi l'homme n'est pas seulement un individu, mais un membre de ce vaste organisme dont l'univers est plein; c'est pourquoi le médecin ne doit pas seulement l'étudier en lui-même, mais

dans ses rapports avec les différens règnes de la nature, avec l'eau, l'air, les climats, les saisons, en un mot, avec tous les phénomènes au sein desquels il est placé ; c'est pourquoi, lorsqu'il veut lui conserver ou lui rendre la santé, il doit le traiter comme une partie de la nature, on pourrait dire comme une fonction de ce vaste corps, dans lequel, ainsi que dans le nôtre, tous les mouvemens sont sympathiques.

Mais comment la puissance vitale agit-elle successivement sur tous les germes que le principe des choses a déposés dans l'univers? sous quelle forme paraît-elle lorsqu'elle produit l'animation, cette espèce de création nouvelle qui vient continuer et finir une primitive création? n'est-ce pas sous celle du feu? le feu n'est-il pas l'excitant nécessaire de tout corps animé? où voit-on la vie sans la chaleur? la vie n'est qu'une chaleur infuse, un calidum innatum, espèce de foyer ardent qui, rayonnant dans une sphère plus ou moins étendue, met en fusion et organise les molécules qu'il absorbe, ou du moins les juxtapporte et les joint par cohésion.

De là l'expression du poète :

Igneus est ollis vigor et celestis origo
Seminibus.

Quoi qu'il en soit, la vie n'a pas plus tôt pénétré dans une créature, qu'aussitôt elle devient expansive, attractive; qu'elle s'élance au dehors, y saisit les élémens qui lui conviennent, les attire dans son sein, et les convertit en sa propre substance : c'est une force qui fait graviter vers elle, comme vers un centre,

toutes les parties qu'elle peut s'assimiler: c'est une force centralisante. Dans tous les êtres organisés réside une force pareille; le minéral lui-même a la sienne, faible et latente, il est vrai, mais néanmoins active et efficace.

Or, s'il arrivait dans certains êtres que cette force se développât sans obstacle et sans mesure, elle aurait bientôt envahi toutes les existences individuelles qui ne pourraient lui résister: bientôt toute la nature ne présenterait plus que le spectacle des forts détruisant les faibles, se détruisant entre eux, tant qu'enfin un seul survivrait, vaste abîme où tout viendrait s'engloutir sans retour. Ainsi disparaîtrait de la face du monde cette variété si harmonieuse et si belle, qui témoigne si clairement d'une providence conservatrice et sage; mais partout la réaction égale l'action, la résistance se proportionne à l'attaque, et cette lutte continuelle d'efforts et de contre-efforts n'est qu'un jeu de puissances qui se balancent avec harmonie.

En sorte qu'il règne entre tous les principes vivans un perpétuel antagonisme, qui, les opposant heureusement les uns aux autres, maintient entre eux ce parfait équilibre auquel les mondes doivent leur conservation et leur durée.

Telle est la doctrine de M. Virey sur l'action de la puissance vitale dans la nature : prise dans sa généralité, elle satisfait l'esprit; on comprend bien les idées principales qu'elle présente celle d'une force qui, émanant du sein de Dieu, anime tous les êtres, celle des rapports qu'elle établit entre tous ces êtres, celle enfin d'une forme particulière qu'elle revêt pour leur distribuer le mouvement et la vie ; et si, dans les développemens qu'il donne à ces idées, l'auteur ins

pire quelquefois moins de conviction, c'est qu'en ces matières la foi est difficile, et demeure toujours un peu inquiète.

En passant à la partie de son ouvrage qu'il a spécialement consacrée à l'examen de la vie dans l'animal et dans l'homme, M. Virey expose, discute et combat l'opinion de ceux qui la considèrent comme la propriété ou l'effet de l'organisme.

Selon eux, la vie c'est la sensibilité et la contractilité; la sensibilité et la contractilité sont les propriétés, l'une de la pulpe nerveuse, l'autre des tissus musculaires le nerf et la fibre, voilà donc les deux principes de la vie.

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Mais il faut remarquer que ces organes ne sont pas essentiellement sensitifs et contractiles comme ils sont essentiellement pesans, impénétrables et figurés, etc., etc. la vie n'est donc pas en eux une qualité permanente et propre; ils ne la possèdent que comme un accident, une espèce de don adventice qui leur échoit, leur reste ou leur échappe, au gré de circonstances qui ne dépendent pas d'eux; et, s'il en est ainsi, estelle autre chose que la production d'une force qui, d'elle-même active et animée, s'unit et se communique aux organes, y vient vivre, sentir et se mouvoir? et les phénomènes de la vitalité sont-ils autre chose que les actes par lesquels sa présence dans l'animal s'annonce et s'exprime? Que voir dans les nerfs et dans les muscles, sinon des appareils qu'elle pénè– tre, qu'elle empreint de son esprit, qu'elle vivifie de telle sorte qu'ils semblent la vie elle-même, quoiqu'ils n'en soient cependant que les auxiliaires et les alliés, auxiliaires et alliés d'un moment, dont elle se sépare et qu'elle délaisse aussitôt qu'affaiblis par le

temps et la douleur, ils ne peuvent plus lui demeurer unis par aucun lien?

Qu'on ne s'étonne donc pas si, une fois répandue dans le corps, la vie, qui se l'est intimement approprié, qui l'a fait sien, qui se l'est, pour ainsi dire, assimilé, semble lui être identique et même en résulter et en dépendre. Tant qu'elle y reste et qu'elle continue à en rendre les différentes parties sensitives, contractiles, vivantes, on peut aisément se tromper et croire qu'elle lui a été donnée comme une propriété essentielle et permanente : mais quand on la voit s'en retirer peu à peu, et enfin, le quittant pour toujours, lui ôter toutes les qualités qu'elle lui avait prêtées dans l'origine, on revient à une autre pensée, et l'on distingue clairement la force qui est venue un moment animer et développer le germe organique, de ce germe organique qui, après avoir reçu et conservé la vie pendant un temps, s'en trouve enfin dépouillé.

Si l'on ajoutait à ces explications, sur lesquelles M. Virey n'a peut-être pas assez insisté, quelques considérations empruntées à la psychologie humaine; si l'on montrait que, dans l'homme, le moi, essentiellement actif et un, ne saurait, à ce double titre, être la propriété ou l'effet d'un assemblage de molécules qui peut souffrir et transmettre l'action sans jamais la produire, et qui, pût-il la produire, ne lui donnerait pas l'unité qu'il n'a pas ; que ce moi, agissant dans l'organisme, y sentant des forces étrangères, qui souvent lui en disputent la possession et l'usage, n'est ni cet organisme qui ne lui appartient qu'en partie, ni ces forces qui se constituent nonmoi en sa présence; enfin, si l'on observait dans tous ses actes cette ame simple, personnelle sensible, in

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