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Il faut ajouter mes plaies aux siennes, et me joindre à lui, et il me sauvera en se sauvant.

Mais il n'en faut pas ajouter à l'avenir 1.

4.

Consolez-vous : ce n'est pas de vous que vous devez l'attendre; mais au contraire en n'attendant rien de vous, que vous devez l'attendre.

5.

JÉSUS-CHRIST était mort', mais vu, sur la croix. Il est mort et caché dans le sépulcre.

JÉSUS-CHRIST n'a été enseveli que par des saints.

JÉSUS-CHRIST n'a fait aucun miracle au sépulcre.

Il n'y a que des saints qui y entrent.

C'est là où JÉSUS-CHRIST prend une nouvelle vie, non sur la croix.
C'est le dernier mystère de la passion et de la rédemption.
JÉSUS-CHRIST n'a point eu où se reposer sur la terre qu'au sépulcre.
Ses ennemis n'ont cessé de le travailler qu'au sépulcre.

6.

Je te parle et te conseille souvent, parce que ton conducteur ne te peut parler, car je ne veux pas que tu manques de conducteur. Et peut-être je le fais à ses prières, et ainsi il te conduit sans que tu le voies. - Tu ne me chercherais pas, si tu ne me possédais"; ne t'inquiète donc pas.

7.

Ne te compare pas aux autres, mais à moi. Si tu ne m'y trouves pas, dans ceux' où tu te compares, tu te compares à un abomi

1 « A l'avenir. Il ne faut pas faire de nouveaux péchés.

2 « Consolez-vous. » 63. - L'attendre. » Le salut, la grâce, Dieu.

3

« Jésus-Christ était mort. » 119. En titre : Sépulcre de Jésus-Christ.

4 Je te parle. » 107. - << Ton conducteur. » C'est-à-dire, ton directeur. Voir plus haut. Pascal est bien loin du mysticisme. Tandis que le mystique, indocile à l'autorité, se flatte d'un commerce intime avec Dieu, et d'une communication de tous les moments, Pascal se laisse conduire habituellement par celui qui a la charge de son âme, et c'est seulement dans le silence de cette voix autorisée, qu'il croit que Dieu se fait entendre lui-même au fond de son cœur. Et il rapporte encore au directeur, en les attribuant à ses prières, les inspirations reçues loin de lui.

5

« Si tu ne me possédais. » On a vu plus haut la même pensée, mieux rendue

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nable. Si tu m'y trouves, compare-t-y'. Mais qu'y compareras-tu? sera-ce toi, ou moi dans toi? Si c'est toi, c'est un abominable. Si c'est moi, tu compares moi à moi. Or je suis Dieu en tout 2.

8.

Il me semble que JÉSUS-CHRIST ne laissa toucher que ses plaies, après sa résurrection: Noli me tangere. Il ne faut nous unir qu'à ses souffrances.

9.

... Il s'est donné à communier comme mortel en la Cène, comme ressuscité aux disciples d'Emmaüs, comme monté au ciel à toute l'Église'.

10.

« Priez', de peur d'entrer en tentation. » Il est dangereux d'être tenté; et ceux qui le sont, c'est parce qu'ils ne prient pas.

Et tu conversus confirma fratres tuos. Mais auparavant, conversus Jesus' respexit Petrum.

Saint Pierre demande permission de frapper Malchus1o, et frappe

1. Compare-t-y. » A eux, ou plutôt à moi en eux. Ce n'est, comme on va voir, qu'une concession apparente,

2 << En tout. » Donc il n'y a jamais lieu à comparaison.

4

« Il me semble. » 225, ainsi que le fragment suivant.

« Noli me tangere.» « Ne me touche pas. » Jean, xx, 47. Ce sont les paroles de Jésus à Marie Magdeleine quand il lui apparaît au sépulcre et qu'elle le salue. Mais il fait toucher ses plaies à Thomas incrédule: ibid., 27.

« Aux disciples d'Emmaus. » Luc, XXIV, 30.

6 A toute l'Eglise. » Dans le saint sacrement. « Priez. 127. Luc, XXII, 46

la Passion.

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- Ce sont encore des réflexions sur le récit de

« Et tu conversus. » Ibid., 32. Il y a dans le texte aliquando conversus : « Plus tard, étant retourné à moi, tu raffermiras tes frères. C'est à Pierre que Jésus parle ainsi.

9 « Conversus Jesus. » Ibid., 61. Conversus Dominus, dans le texte. Pierre vient de renier Jésus pour la troisième fois, et le coq a chanté. « Le Seigneur, s'étant > retourné vers Pierre, le regarda; et Pierre se souvint des paroles que le Sei» gneur lui avait dites..., et étant sorti, il pleura amèrement. » Pascal veut appuyer par ce texte la doctrine de la grâce nécessitante et prévenante: il veut montrer que Pierre ne se tourne vers Jésus qu'après que Jésus s'est tourné vers lui.

10 « De frapper Malchus. » Luc, ibid., 49. Mais Luc dit en général : « Ceux qui >> entouraient Jésus lui dirent: Seigneur, si nous frappions de l'épée? Et l'un d'eux ⚫ ayant frappé un serviteur du prince des prêtres, lui coupa l'oreille droite. Jésus » répondit: Laissez. Et ayant touché l'oreille coupée, il la guérit.» Luc (non plus que Marc et Matthieu) ne nomme ni Pierre ni Malchus. Ces noms se trouvent dans Jean, xvIII, 40. Mais Jean (ni Matthieu ni Marc) n'indique que la permission de frapper ait été demandée. Cette circonstance n'est que dans saint Luc, ainsi que le

devant que d'ouïr la réponse; et JÉSUS-CHRIST répond après1.

11.

JÉSUS-CHRIST n'a pas voulu2 être tué sans les formes de la justice; car il est bien plus ignominieux de mourir par justice que par une sédition injuste.

12.

La fausse justice3 de Pilate ne sert qu'à faire souffrir JésusCHRIST; car il le fait fouetter par sa fausse justice, et puis le tue. Il vaudrait mieux l'avoir tué d'abord. Ainsi les faux justes. Ils font de bonnes œuvres et de méchantes pour plaire au monde, et montrer qu'ils ne sont pas tout à fait à JÉSUS-CHRIST; car ils en ont honte. Et enfin, dans les grandes tentations et occasions, ils le tuent.

miracle de l'oreille guérie. Dans Marc, Jésus ne prend pas même la parole. Il s'exprime au contraire dans Matthieu et Jean d'une manière plus étendue que dans saint Luc, et plus explicite.

1 « Répond après. » Voilà ce qui arrive toutes les fois que l'homme pèche. c'est que la grâce ne l'a pas prévenu, que Dieu l'a laissé agir avant de lui parler. « Jésus-Christ n'a pas voulu. » 97.

2

3 La fausse justice. » 90. Pascal suit ici le récit de Saint Jean, xix, 4, 42, 46. Dans Matthieu et Marc, Pilate ne fait pas fouetter Jésus pour satisfaire les Juifs à moitié; c'est quand il est décidé à le leur livrer qu'il lui inflige la flagellation comme un préliminaire du dernier supplice. Dans saint Luc, il propose aux Juifs de châtier Jésus et de le renvoyer ensuite; mais ils insistent et il le livre pour être crucifié, sans qu'il soit dit que Jésus subisse en effet la flagellation.

4 «lls le tuent. » Ces méditations de Pascal sur les circonstances de la Passion de Jésus-Christ peuvent être rapprochées d'un écrit de sa sœur Jacqueline sur le mystère de la mort de notre Seigneur Jésus-Christ, qu'on trouvera dans M. Cousin (Jacqueline Pascal), et dans M. Faugère (Lettres, Opuscules, etc.). Cet écrit fut fait par Jacqueline (en 1651) en conséquence d'un billet de chaque mois que la mère Agnès lui avait envoyé selon l'usage de Port Royal (Manuscrits du P. Guerrier, dans M. Faugère, p. 457). Mme Perier parle de ces billets dans la Vie de son frère: « Cette méditation l'avait rendu si sensible à toutes les choses par lesquelles on >> tâche d'honorer Dieu, qu'il n'en négligeait pas une. Lorsqu'on lui envoyait des >> billets tous les mois, comme on fait en beaucoup de lieux, il les recevait avec un >> respect admirable; il en récitait tous les jours la sentence. » L'écrit de Jacqueline se compose de cinquante et un paragraphes, qui sont tous faits sur le même dessein chacun contient une des circonstances à considérer dans la mort du Sauveur, plus une sentence tirée de cette circonstance. « Jésus meurt tout nu; cela m'apprend » à me dépouiller de toutes choses. » Et ainsi du reste. « Il est certain que les pen»sées de la sœur se soutiennent à côté de celles du frère; elles sont de la même >> famille; elles ont la même élévation et la même profondeur de sentiment. Mais >> on n'y trouve pas cette véhémence intérieure, qui est l'âme du style de Pascal, et >> lui imprime un mouvement et un coloris extraordinaire. » M. COUSIN, page 124.

LETTRE SUR LA MORT DE M. PASCAL LE PÈRE,

ÉCRITE PAR PASCAL A SA SOEUR AINÉE, Mme PERIER, ET A SON MARI.

2

Puisque vous êtes maintenant informés l'un et l'autre de notre malheur commun, et que la lettre que nous avions commencée' vous a donné quelque consolation, par le récit des circonstances heureuses qui ont accompagné le sujet de notre affliction, je ne puis vous refuser celles qui me restent dans l'esprit, et que je prie Dieu de me donner, et de me renouveler de plusieurs que nous avons autrefois reçues de sa grâce, et qui nous ont été nouvellement données de nos amis en cette occasion.

4

Je ne sais plus par où finissait la première lettre. Ma sœur l'a envoyée sans prendre garde qu'elle n'était pas finie. Il me semble seulement qu'elle contenait en substance quelques particularités de la conduite de Dieu sur la vie et sur la maladie ", que je voudrais vous répéter ici, tant je les ai gravées dans le cœur, et tant elles portent de consolation solide, si vous ne les pouviez voir vousmêmes dans la précédente lettre, et si ma sœur ne devait pas vous en faire un récit plus exact à sa première commodité. Je ne vous parlerai donc ici que de la conséquence que j'en tire, qui est, qu'ô

ia Lettre sur la mort. Le titre xxx de l'édition de P. R. a pour intitulé: « Pensées sur la mort, qui ont été extraites d'une lettre écrite par M. Pascal sur le » sujet de la mort de monsieur son père. » M. Cousin a recherché la lettre ellemême, et l'a retrouvée dans les Mémoires de Marguerite Perier et dans un autre manuscrit. Nous renvoyons à son livre (Des Pensées de Pascal, page 49) pour l'étude des altérations que le rédacteur de ces extraits avait fait subir au texte de Pascal. Nous donnons ici, après M. Faugère, la lettre entière. Pascal le père était mort le 24 septembre 1651. Cette lettre est datée du 17 octobre.

2

« Que nous avions. » Lui et sa sœur Jacqueline.

3 << Commencée. Voir plus bas : « Ma sœur l'a envoyée sans prendre garde qu'elle

D

» n'était pas finie. » Cette précédente lettre n'existe plus.

4 « Vous refuser celles. » Les consolations.

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