Page images
PDF
EPUB

que ce soit réalité? Non. Marquent-ils aussi que ce soit figure? Non: mais que c'est réalité, ou figure. Mais les premiers, excluant la réalité 1, marquent que ce n'est que figure.

Tous ces passages ensemble 2 ne peuvent être dits de la réalité; tous peuvent être dits de la figure: donc ils ne sont pas dits de la réalité, mais de la figure. Agnus occisus est ab origine mundi.

5

7.

Un portrait porte absence et présence, plaisir et déplaisir. La réalité exclut absence et déplaisir.

Pour savoir si la loi et les sacrifices sont réalité ou figure, 6 il faut voir si les prophètes, en parlant de ces choses, y arrêtaient leur vue et leur pensée, en sorte qu'ils ne vissent que cette ancienne alliance; ou s'ils y voyaient quelque autre chose dont elle fût la peinture; car dans un portrait on voit la chose figurée. Il ne faut pour cela qu'examiner ce qu'ils en disent.

Quand ils disent qu'elle sera éternelle, entendent-ils parler de l'alliance de laquelle ils disent qu'elle sera changée ; et de même des sacrifices, etc.?

Le chiffre à deux sens'. Quand on surprend une lettre importante où l'on trouve un sens clair, et où il est dit néanmoins que le sens en est voilé et obscurci; qu'il est caché, en sorte qu'on verra cette lettre sans la voir, et qu'on l'entendra sans l'entendre; que doit-on penser, sinon que c'est un chiffre à double sens; et d'autant plus qu'on y trouve des contrariétés manifestes dans le sens

1 « Excluant la réalité. » Parce qu'il n'est pas possible que dans la réalité Dieu change sa loi, qu'il laisse son peuple sans chef et sans sacrifice, qu'il donne à son peuple des préceptes qui ne sont pas bons, etc. Tel est le raisonnement de Pascal. 2 « Tous ces passages ensemble. » Il y a là la matière d'une immense discussion critique.

3 Agnus occisus est. » Ces paroles de l'Apocalypse (x1, 8) répondent à la pensée de Pascal, que le sacrifice des Juifs n'était que la figure passagère du sacrifice éternel, qui est celui de Jésus-Christ.

4

« Un portrait.» 45. En titre, Figures. P. R., XI. P. R. ne commence qu'aux mots, Pour savoir. Ce qui précède manque aussi dans les éditions.

5

Porte absence. » C'est-à-dire comporte. Dans son portrait, une personne aimée est à la fois présente et absente, de façon qu'on éprouve à la fois du plaisir et du chagrin. Pascal applique cela aux figures de Jésus-Christ chez les Juifs; ils ne possédaient que son portrait.

6 « La loi et les sacrifices. »Des Juifs.

[ocr errors]

« Le chiffre à deux sens. » Et non pas, le chiffre a deur sens, comme metteni tous les éditeurs. C'est une espèce de titre, qui annonce la pensée qui suit.

8 a Et où il est dit néanmoins. » Cf. 5.

littéral! Combien doit-on donc estimer ceux qui nous découvrent
le chiffre, et nous apprennent à connaître le sens caché; et princi-
palement quand les principes qu'ils en prennent sont tout à fait
naturels et clairs! C'est ce qu'a fait JÉSUS-CHRIST, et les apôtres. Il
a levé le sceau,
il a rompu le voile et découvert l'esprit. Ils nous
ont appris pour cela que les ennemis de l'homme 2 sont ses pas-
sions; que le Rédempteur serait spirituel; qu'il y aurait deux avé-
nements, l'un de misère, pour abaisser l'homme superbe, l'autre
de gloire, pour élever l'homme humilié; que JÉSUS-CHRIST serait
Dieu et homme. Les prophètes ont dit clairement qu'Israël serait
toujours aimé de Dieu, et que la loi serait éternelle; et ils ont dit
que l'on n'entendrait point leur sens, et qu'il était voilé “.

8.

[ocr errors]

JÉSUS-CHRIST n'a fait autre chose qu'apprendre aux hommes qu'ils s'aimaient eux-mêmes, et qu'ils étaient esclaves, aveugles, malades, malheureux et pécheurs; qu'il fallait qu'il les délivrȧt, éclairât, béatifiât et guérit; que cela se ferait en se haïssant soimême, et en le suivant par la misère et la mort de la croix.

Voilà le chiffre' que saint Paul nous donne. La lettre tue. Tout arrivait en figures. Il fallait que le Christ souffrit. Un Dieu humilié'. Circoncision de cœur, vrai jeûne, vrai sacrifice, vrai temple. Les prophètes ont indiqué qu'il fallait que tout cela fùt spirituel.

Double loi, doubles tables de la loi, double temple, double captivité.

Qu'ils en prennent. » On se rend compte de l'emploi du pronom en parce qu'on pourrait dire, ils prennent pour principes de leur explication, etc.

3

« Que les ennemis de l'homme. » Cf. xv, 3.

« Les prophètes ont dit. » Cette fin manque dans les éditions.

4 « Et qu'il était voilé. » Cf. 5. Donc c'est que par Israël ils entendaient les élus, et par la loi, la loi chrétienne.

5

[ocr errors]
[ocr errors]

Jésus-Christ n'a fait autre chose. » 29. P. R., XIII.

Délivrât, éclairât, etc. » Ces verbes répondent aux mots, esclaves, aveugles, etc. Le mot, pécheurs, seul, n'a pas son verbe.

" « Voilà le chiffre. » 29. En titre, Que la loi était figurative. Figures. P. R., ibid. P. R. supprime les premiers mots.

Que saint Paul nous donne.» Voir xv, 3, pour l'explication de ce fragment. Un Dieu humilié. » Cf. 40. Voilà comment le Messie est annoncé à la fois comme si grand et comme misérable.

10 « Double loi. » 15. En titre, Figures particulières. P. R. a fondu ce fragment

[ocr errors]

9.

... Et cependant ce Testament, fait pour aveugler les uns 2 et éclairer les autres, marquait, en ceux mêmes qu'il aveuglait, la vérité qui devait être connue des autres. Car les biens visibles qu'ils recevaient de Dieu étaient si grands et si divins, qu'il paraissait bien qu'il était puissant de leur donner les invisibles, et un Messie.

Car la nature est une image de la grâce, et les miracles visibles sont images des invisibles. Ut sciatis 5, tibi dico, Surge.

Isaïe, LI, dit que la rédemption sera l'image de la mer Rouge. Dieu a donc montré en la sortie d'Égypte, de la mer, en la défaite des rois, en la manne, en toute la généalogie d'Abraham ', qu'il était capable de sauver, de faire descendre le pain du ciel, etc.; de sorte que le peuple ennemi1o est la figure et la représentation du même Messie11 qu'ils ignorent.

dans le précédent. Cf. XIX, 4. Dès les premiers temps du christianisme, l'opposition du Nouveau Testament à l'Ancien, de la loi du Christ à celle de Moïse, avait été tournée en objection contre les disciples de Jésus. C'était un des principaux arguments de Julien, et saint Cyrille emploie tout son dixième livre à y répondre.

1

« Et cependant. » 145. P. R., x. P. R. a placé cet alinéa à la fin du morceau, C'est pour cela que les prophéties. Voir xv, 7.

2

Fait pour aveugler les uns. » Les éditeurs de P. R. ont mis: « Fait de telle » sorte qu'en éclairant les uns, aveugle les autres. » Ils n'ont pas consenti à dire que Dieu a fait les Écritures pour aveugler. Mais c'est bien la pensée de Pascal. Cf. l'article XX, et XXV, 42.

3

« Puissant de leur donner. » Latinisme, pour dire, ayant le pouvoir de leur donner. Sur la pensée, cf. xv, 2.

4 << Car la nature. » Placé par P. R. dans le passage qui forme ici le paragr. xv, 2. 5 « Ut scialis. » A la page 43 du manuscrit, on trouve : Ut sciatis quod Filius habet potestatem remittendi peccata, tibi dico, Surge. Le texte complet est, Filius hominis habet potestatem in terra. Marc, 11, 40. Jésus a dit au paralytique, Tes péchés te sont remis. Et les Juifs s'écriant que Dieu seul peut remettre les péchés, Jésus reprend : Quel est le plus facile de dire, Tes péchés te sont remis, ou de dire à celui qui ne peut se mouvoir, Lève-toi et marche? Afin donc que vous sachiez que le Fils de l'homme a le pouvoir ici-bas de remettre les péchés, je te l'ordonne, lèvetoi et marche. Cette citation manque dans P. R., ainsi que les deux alinéas qui suivent.

6 « Isaïe, LI. » A la page 43 du manuscrit, on trouve au contraire que la mer Rouge, c'est-à-dire la sortie de la mer Rouge, est l'image de la Rédemption. Ce sont les versets 10 et 11 du chapitre LI d'Isaïe que Pascal interprète ainsi.

7 « De la mer. » C'est-à-dire, en la sortie de la mer.

8 << La défaite des rois. » Nombres, XXI.

9 « La généalogie d'Abraham. » A moins que Pascal n'entende par là simplement la postérité d'Abraham, je ne vois pas bien ce qu'il veut dire.

10 « Le peuple ennemi. » Le peuple juif, ennemi de Jésus-Christ.

11. Du même Messie. De ce même Messie qu'il ignore.

Il nous a donc appris1 enfin que toutes ces choses n'étaient que figures, et ce que c'est que vraiment libre, vrai Israélite, vraie circoncision, vrai pain du ciel, etc.

3

Dans ces promesses-là 2, chacun trouve ce qu'il a dans le fond de son cœur, les biens temporels, ou les biens spirituels, Dieu, ou les créatures; mais avec cette différence que ceux qui y cherchent les créatures les y trouvent, mais avec plusieurs contradictions, avec la défense de les aimer, avec l'ordre de n'adorer que Dieu et de n'aimer que lui, ce qui n'est qu'une même chose, et qu'enfin il n'est point venu de Messie pour eux ; au lieu que ceux qui y cherchent Dieu le trouvent, et sans aucune contradiction, avec commandement de n'aimer que lui, et qu'il est venu un Messie dans le temps prédit pour leur donner les biens qu'ils demandent.

6

Et ainsi les Juifs avaient des miracles, des prophéties qu'ils voyaient accomplir; et la doctrine de leur loi était de n'adorer et de n'aimer qu'un Dieu : elle était aussi perpétuelle. Ainsi elle avait toutes les marques' de la vraie religion aussi elle l'était. Mais il faut distinguer la doctrine des Juifs d'avec la doctrine de la loi des Juifs. Or, la doctrine des Juifs n'était pas vraie, quoiqu'elle eût les miracles, les prophéties, et la perpétuité, parce qu'elle n'avait pas cet autre point', de n'adorer et de n'aimer que Dieu 1o.

[ocr errors]

11

10.

[ocr errors]

Un Dieu humilié 11, et jusqu'à la mort de la croix : un Messie

« Il nous a donc appris. » P. R. a rattaché cela au paragraphe 8.

2 « Dans ces promesses-là.» P. R., XIII.

4

3 a Chacun trouve. » Cf. xv, 40.

« Ce qui n'est qu'une même chose. » C'est-à-dire que l'ordre de n'aimer que Dieu est la même chose que la défense d'aimer les créatures. Pascal a sans doute dans l'esprit ces passages du Pentateuque: « Tu n'adoreras point les créatures. » Exod., XX, 5. « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton >> âme, et de toute ta force. »> Deut., VI, 5. « Tu craindras le Seigneur ton Dieu, et > tu ne serviras que lui seul. » Ibid. x, 20. Cf. Matth., XXII, 37, etc.

5 « De Messie pour eux. » Qui leur ait donné les biens terrestres.

« Et ainsi les Juifs. » Manque dans P. R. Bossut, II, VIII, 40.

7 << Toutes les marques. » Indiqués aux numéros 3, 8 et 9 du paragraphe X1, 42.

8 « Mais il faut distinguer. » Sur cette distinction, cf. XV, 10.

9

« Cet autre point. » Cf. XI, 4, etc.

10 « Que Dieu. » La doctrine de la loi des Juifs exigeait ce point, suivant Pascal, mais la doctrine des Juifs leur permettait d'aimer les biens de la terre, et la domination terrestre qu'ils attendaient d'un Messie roi. C'est ainsi que le commun des Israélites entendait la religion.

11 « Un Dieu humilie. » 49. En titre, Source des contrariétés. P. R, x111. P. R.

triomphant de la mort par sa mort. Deux natures en Jésus-Christ, deux avénements, deux états de la nature de l'homme 1.

On ne peut faire 2 une bonne physionomie 3 qu'en accordant toutes nos contrariétés, et il ne suffit pas de suivre une suite de qualités accordantes sans concilier les contraires. Pour entendre le sens d'un auteur, il faut concilier tous les passages contraires.

Ainsi, pour entendre l'Écriture, il faut avoir un sens dans lequel tous les passages contraires s'accordent. Il ne suffit pas d'en avoir un qui convienne à plusieurs passages accordants; mais il faut en avoir un qui accorde les passages même contraires.

Tout auteur a un sens auquel tous les passages contraires s'accordent, ou il n'a point de sens du tout. On ne peut pas dire cela de l'Écriture et des prophètes. Ils avaient assurément trop bon sens. Il faut donc en chercher un qui accorde toutes les contrariétés.

4

Le véritable sens n'est donc pas celui des Juifs; mais en JésusChrist toutes les contradictions sont accordées.

Les Juifs ne sauraient accorder la cessation de la royauté et principauté, prédite par Osée, avec la prophétie de Jacob'.

Si on prend la loi, les sacrifices, et le royaume, pour réalités, on ne peut accorder tous les passages. Il faut donc par nécessité qu'ils ne soient que figures. On ne saurait même pas accorder les passages d'un même auteur, ni d'un même livre, ni quelquefois d'un même

écrit : : « Les sources des contrariétés de l'Ecriture sont, etc., » expliquant ainsi de quelles contrariétés il s'agit.

1 « Deux états de la nature de l'homme. » Avant et après le péché d'Adam. Or, l'Ecriture parle tantôt de la nature primitive, tantôt de la nature corrompue, et ainsi du reste. C'est par où se concilient des textes qui paraissent inconciliables.

2

« On ne peut faire. » 255. En titre, Contradiction. P. R., ibid.

3 « Une bonne physionomie. » P. R.: « Comme on ne peut bien faire le caractère d'une personne, etc. » Je ne pense pas qu'il s'agisse du caractère, mais de la figure, dont on ne peut bien rendre l'expression dans un portrait, ce que Pascal appelle faire une bonne physionomie, sans accorder les contraires, par exemple la sévérité et la douceur, la tristesse et l'agrément, etc. Car les expressions opposées se rencontrent souvent dans une même figure.

4 « Dire cela de l'Ecriture. » Qu'elle n'a pas de sens du tout.

5

Prédite par Osée. » III, 4.

6 « La prophétie de Jacob. » Gen, XLIX, 10. Jacob prédisant que la royauté demeurera dans Juda jusqu'au Messie, et le Messie, selon les Juifs, étant lui-même un roi, dont le règne doit être sans fin; comment entendre ce que dit Osée, qu'Israël sera longtemps sans roi et sans prince? Tout est accordé si on reconnaît avec les chrétiens que le Messie n'est roi qu'au sens spirituel et par figure.

« PreviousContinue »