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et ainsi ils n'ont pas pensé que ce fut lui. Après sa mort, saint Paul est venu apprendre1 aux hommes que toutes ces choses étaient arrivées en figures2; que le royaume de Dieu ne consistait pas en la chair, mais en l'esprit ; que les ennemis des hommes n'étaient pas les Babyloniens, mais leurs passions; que Dieu ne se plaisait pas aux temples faits de main d'hommes, mais en un cœur pur et humilié; que la circoncision du corps était inutile, mais qu'il fallait celle du cœur; que Moise ne leur avait pas donné le pain du ciel, etc. Mais Dieu n'ayant pas voulu découvrir ces choses à ce peuple, qui en était indigne, et ayant voulu néanmoins les prédire afin qu'elles fussent crues', en avait prédit le temps clairement, et les avait même quelquefois exprimées clairement, mais abondamment en figures, afin que ceux qui aimaient les choses figurantes1 s'y arrétassent, et que ceux qui aimaient les figurées" les y vissent.

1 << Saint Paul est venu apprendre. » Les propositions qui suivent ne sont pas toutes textuellement dans saint Paul, mais c'est bien là l'esprit de la prédication de saint Paul.

2 Étaient arrivées en figure. » Cf. tout l'article xvi. Saint Paul, I Cor., x, 6: Hæc autem in figura facta sunt nostri. 14: Hæc autem omnia in figura contingebant illis. Gal., IV, 24: Quæ sunt per allegoriam dicta, etc. Cf. 11 Cor., III, 6: Littera enim occidit, spiritus autem vivificat, etc., etc.

3 « Que les ennemis des hommes. » Ceci est expliqué aux paragraphes 15 et 16 de l'article XVI.

« Aux temples faits de main. » P. R., de la main des hommes. Pascal traduit mot à mot le latin: Non enim in manufacta sancta Jesus introïcit. Hebr., 1x, 24. Voir tout le chapitre. L'authenticité de l'épître aux Hébreux est douteuse : Epistola autem quæ fertur ad Hebræos non ejus creditur ( Hieron. præfat.). Cf. I Cor., 111, 46: Nescitis quia templum Dei estis, etc.

5 « Que la circoncision du corps. » Rom., 11, 28: Neque quæ in manifesto, in carne, est circumcisio, sed... circumcisio cordis, in spiritu, non in littera, etc., etc.

« Que Moïse ne leur avait pas donné. » Ou du moins, ne le leur avait donné qu'en figure. I Cor., x, 2-4 Et omnes in Moyse baptizati sunt, in nube et in mari. Et omnes eamdem escam spiritalem manducaverunt. Et omnes eumdem potum spiritalem biberunt : bibebant autem de spiritali, consequente eos, petra; pelra autem erat Christus.

7 << N'ayant pas voulu découvrir. » Cf. tout l'article xx.

8 « Qu'elles fussent crues. » De ceux qui étaient dignes de croire, des justes.

9

« Mais abondamment. » P. R., mais ordinairement. Pascal veut dire que les choses de l'Ancien Testament, outre leur sens propre, expriment encore par surcroit, surabondamment, ex abundanti, les choses du Nouveau. Ce sens figuré est clair, suivant lui; mais comme il est surabondant, et qu'il y a d'abord un sens propre qui paraît suffire, ceux qui, chez les Juifs, n'étaient pas éclairés par la grâce, n'allaient pas jusqu'à la figure, et s'arrêtaient à la lettre.

10 « Les choses figurantes. » P. R. met en marge: « C'est-à-dire les choses charnelles qui servaient de figures. »

« Les figurées. » P. R. met en marge: « C'est-à-dire les vérités spirituelles » figurées par les choses charnelles. » Pascal a écrit ici dans l'interligne : « Je ne » dis pas bien. » En effet, quoique l'on comprenne sa pensée, elle n'a pas ici cette

4.

Les Juifs charnels1 n'entendaient ni la grandeur ni l'abaissement du Messie prédit dans leurs prophéties. Ils l'ont méconnu dans sa grandeur, comme quand il dit que le Messie sera seigneur de David', quoique son fils; qu'il est devant qu'Abraham3, et qu'il l'a vu. Ils ne le croyaient pas si grand, qu'il fût éternel: et ils l'ont méconnu de même dans son abaissement et dans sa mort. Le Messie, disaient-ils', demeure éternellement, et celui-ci dit qu'il mourra. Ils ne le croyaient donc ni mortel, ni éternel : ils ne cherchaient en lui qu'une grandeur charnelle.

5.

Les Juifs ont tant aimé les choses figurantes, et les ont si bien attendues, qu'ils ont méconnu la réalité, quand elle est venue dans le temps et en la manière prédite.

6.

Ceux qui ont peine à croire, en cherchent un sujet en ce que les Juifs ne croient pas. Si cela était si clair, dit-on, pourquoi ne croyaientils pas? Et voudraient quasi qu'ils crussent', afin de n'être pas arrêtés par l'exemple de leur refus. Mais c'est leur refus même qui est le fondement de notre créance. Nous y serions bien moins disposés, s'ils étaient des nôtres. Nous aurions alors un plus ample prétexte1o. Cela est admirable, d'avoir rendu les Juifs grands amateurs des choses prédites, et grands ennemis de l'accomplissement11.

admirable netteté qui est le don et le besoin de son esprit. Il s'explique mieux au paragraphe 7.

1 « Les Juifs charnels. » 255. P. R., x.

2

a Que le Messie sera seigneur de David. » Matth., xx11, 45. Et ailleurs.

3 « Qu'il est devant qu'Abraham. » Jean, VIII, 58. Mais les Juifs, dans ce passage, ne contestent pas cela précisément au Messie, ils le contestent à Jésus, qui est devant eux, et qui n'est pas pour eux le fils de Dieu.

4 « Et qu'il l'a vu. » C'est-à-dire et qu'Abraham l'a vu, ibid., 56.

5 « Le Messie, disaient-ils. » Jean, XII, 34.

6

«Eternellement » C'est-à-dire sans fin, quoiqu'ils admissent, suivant Pascal, qu'il a un commencement.

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« Les Juifs ont tant aimé. » 35, à la suite de ce qui forme le paragraphe 3. Cf. XVI, 14. P. R., x. Cf. 3 et 7.

8 « Ceux qui ont peine. » 39. P. R., x. Cf. XVIII, 4.

9 «Et voudraient quasi qu'ils crussent. » Pascal ne le voudrait donc pas. P. R supprime ces paroles peu charitables.

10

11

« Un plus ample prétexte. » Cf. 7.

De l'accomplissement. » P. R. ajoute, el que celle aversion méme ait été prédite, idée qu'on retrouvera ailleurs.

7.

Il fallait que, pour donner foi1 au Messie, il y eût eu des prophéties précédentes, et qu'elles fussent portées par des gens non suspects, et d'une diligence et fidélité et d'un zèle extraordinaire, et connu de toute la terre.

Pour faire réussir tout cela2, Dieu a choisi ce peuple charnel, auquel il a mis en dépôt les prophéties qui prédisent le Messie, comme libérateur, et dispensateur des biens charnels que ce peuple aimait; et ainsi il a eu une ardeur extraordinaire pour ses prophètes, et a porté à la vue de tout le monde ces livres qui prédisent leur Messie, assurant toutes les nations qu'il devait venir, et en la manière prédite dans leurs livres, qu'ils tenaient ouverts à tout le monde. Et ainsi ce peuple, déçu par l'avénement ignominieux et pauvre du Messie, a été son plus cruel ennemi. De sorte que voilà le peuple du monde le moins suspect de nous favoriser, et le plus exact qui se puisse dire pour sa loi et pour ses prophètes, qui les porte incorrompus".

C'est pour cela que les prophéties ont un sens caché, le spirituel, dont ce peuple était ennemi, sous le charnel, dont il était ami. Si le sens spirituel eût été découvert, ils n'étaient pas capables de l'aimer 5; et, ne pouvant le porter, ils n'eussent pas eu le zèle pour la conservation de leurs livres et de leurs cérémonies. Et, s'ils avaient aimé ces promesses spirituelles, et qu'ils les eussent conservées incorrompues jusqu'au Messie, leur témoignage n'eût pas eu de force', puisqu'ils en eussent été amis. Voilà pourquoi il était bon que le sens spirituel fût couvert. Mais, d'un autre côté, si ce sens eût été tellement caché qu'il n'eût point du tout paru, il n'eût pu servir de preuve au Messie. Qu'a-t-il donc été fait? Il a été couvert sous le temporel en la foule des passages, et a été découvert si clairement

1 « Il fallait que, pour donner foi. » 394. En titre, Raison pourquoi Figures.

P. R., X.- Il y a des variantes de la même pensée dans le manuscrit.

2

« Pour faire réussir tout cela. » Étrange expression, qui représente Dieu comme embarrassé d'une entreprise difficile, et se tirant d'affaire par ses artifices.

3 « Et ainsi il a eu. Ce peuple. Il a donc été dupe de Dieu!

« Qui les porte incorrompus. » Croyant conserver ainsi les titres de sa grandeur, tandis que ce sont les titres de sa condamnation.

Capables de l'aimer. » Comment Pascal ose-t-il prendre sur lui de prononcer cette sentence?

<< N'eût pas eu de force.» Alors, voilà Dieu bien empêché pour se faire croire, suivant Pascal!

1

en quelques-uns: outre que le temps et l'état du monde ont été prédits si clairement, qu'il est plus clair 2 que le soleil. Et ce sens spirituel est si clairement expliqué en quelques endroits, qu'il fallait un aveuglement pareil à celui que la chair jette dans l'esprit quand il lui est assujetti, pour ne le pas reconnaître.

Voilà donc quelle a été 3 la conduite de Dieu. Ce sens est couvert d'un autre en une infinité d'endroits, et découvert en quelques-uns rarement, mais en telle sorte néanmoins que les lieux où il est caché sont équivoques et peuvent convenir aux deux; au lieu que les lieux où il est découvert sont univoques, et ne peuvent convenir qu'au sens spirituel.

De sorte que cela ne pouvait induire en erreur ", et qu'il n'y avait qu'un peuple aussi charnel qui s'y pût méprendre.

5

Car quand les biens sont promis en abondance, qui les empêchait d'entendre les véritables biens, sinon leur cupidité, qui déterminait ce sens aux biens de la terre? Mais ceux qui n'avaient de biens qu'en Dieu les rapportaient uniquement à Dieu. Car il y a deux principes qui partagent les volontés des hommes, la cupidité et la charité. Ce n'est pas que la cupidité ne puisse être avec la foi en Dieu, et que la charité ne soit avec les biens de la terre. Mais la cupidité use de Dieu et jouit du monde ; et la charité, au contraire'.

« Le temps et l'état du monde. » Le temps de l'avénement du Messie, et l'état du monde lors de cet avénement.

2

« Qu'il est plus clair. » Que cela est plus clair. Sur cet il, cf. vi, 39, note 4. 3 « Voilà donc quelle a été. » Dieu a-t-il donc mis Pascal dans sa confidence? Est-il permis à Pascal de prêter à Dieu les combinaisons de sa logique, sans s'inquiéter d'un peuple entier qu'il damne, pour faire réussir tout cela?

4 « Ne pouvait induire en erreur. » Et cependant s'ils n'avaient été induits en erreur, leur témoignage n'eût pas eu de force, et la preuve du Messie manquait!

4).

5 « Qui les empêchait d'entendre. » Pascal le dit lui-même ailleurs (XVI, Mais quelle confiance intrépide dans ses idées! Et pourtant il ne peut les appuyer sur l'autorité de l'Eglise, qui n'a rien prononcé là-dessus. Ce n'est pas là un article de foi, ce n'est qu'un système. Et ce système impute à Dieu d'avoir fait dépendre le salut des hommes de l'interprétation d'une allégorie !

« Et la charité. Sur la charité, voir XVI, 43.

« Use de Dieu et jouit du monde. » C'est-à-dire fait de Dieu un moyen, et des biens du monde une fin. Les Juifs observaient la loi de Dieu pour obtenir en récompense les biens terrestres, qu'ils croyaient que Dieu leur promettait. Ils se servaient donc de Dieu pour arriver à jouir du monde.

8 « Au contraire. » P. R. complète la phrase use du monde et jouit de Dieu. C'est-à-dire ne se sert des biens du monde que pour faire la volonté de Dieu, et obtenir ainsi sa grâce.

Or, la dernière fin est ce qui donne le nom aux choses'. Tout ce qui nous empêche d'y arriver est appelé ennemi. Ainsi les créatures, quoique bonnes, sont ennemies des justes, quand elles les détournent de Dieu 2; et Dieu même est l'ennemi de ceux dont il trouble la convoitise'.

Ainsi le mot d'ennemi dépendant de la dernière fin, les justes entendaient par là leurs passions, et les charnels entendaient les Babyloniens et ainsi ces termes n'étaient obscurs que pour les injustes 5. Et c'est ce que dit Isaïe: Signa legem in electis meis, et que JésusCHRIST sera pierre de scandale 7. Mais, a Bienheureux ceux qui ne >> seront point scandalisés en lui! » Osée 9, ult., le dit parfaitement : « Où est le sage? et il entendra ce que je dis. Les justes l'enten» dront. Car les voies de Dieu sont droites 10; les justes y marche>>ront, mais les méchants y trébucheront. >>

... De sorte que ceux qui ont rejeté et crucifié Jésus-Christ, qui leur a été en scandale, sont ceux qui portent les livres qui témoignent de lui et qui disent qu'il sera rejeté et en scandale; de sorte qu'ils ont marqué que c'était lui en le refusant, et qu'il a été également prouvé, et par les justes Juifs 12 qui l'ont reçu, et par les injustes qui l'ont rejeté, l'un et l'autre ayant été prédits.

8.

14

Le temps du premier avénement 13 est prédit; le temps du second 14

1 « Le nom aux choses. » Ce qui suit va expliquer cela.

2 « Quand elles les détournent de Dieu. » Qui est leur dernière fin.

3 << Dont il trouble la convoitise. » Qui a pour dernière fin les biens terrestres.

4 « Les Babyloniens. >> Cf. 3, et xvi, 45, 46.

5

«N'étaient obscurs que pour les injustes. » Celui qui dans les Provinciales condamnait la doctrine des Jésuites sur l'équivoque, ne songeait-il pas aux conséquences morales qu'on pourrait tirer d'une doctrine suivant laquelle la parole de Dieu est équivoque pour les injustes? Cf. l'article xx.

6 << Signa legem in electis. » P. R., in discipulis. C'est le vrai texte ( Is., VIII, 16). 7 « Pierre de scandale. » Ibid., 14.

8 « Bienheureux ceux. » Matth., XI, 6.

9 « Osée, ult. » C'est-à-dire au dernier chapitre, xiv, 40.

10 « Les voies de Dieu sont droites. » Le texte d'Osée ajoute : « Les justes y

>> marcheront. » P. R. a rétabli ces mots. - Il est difficile de tirer de ce texte la

doctrine si subtile et si laborieusement construite de Pascal.

11 De sorte que ceux. » 394. Manque dans P. R.

12 « Et par les justes Juifs. » Cf. 8.

13 « Le temps du premier avénement. » 35. P. R., X.

14

« Le temps du second. » Le second est celui par lequel Jésus-Christ viendra juger le monde.

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