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hérétiques1. S'ils disent qu'ils sont soumis au pape, c'est une hypocrisie. Ils sont prêts à souscrire toutes ses constitutions 2, cela ne suffit pas. S'ils disent qu'il ne faut pas tuer pour une pomme3, ils combattent la morale des catholiques. S'il se fait des miracles parmi eux, ce n'est plus une marque de sainteté, et c'est au contraire un soupçon d'hérésie.

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Les trois marques de la religion : la perpétuité, la bonne vie, les miracles. Ils détruisent la perpétuité par la probabilité, la bonne vie par leur morale; les miracles, en détruisant ou leur vérité, ou leur conséquence.

Si on les croit, l'Église n'aura que faire de perpétuité, sainte vie, miracles. Les hérétiques les nient, ou en nient la conséquence; eux de même. Mais il faudrait n'avoir point de sincérité pour les nier, ou encore perdre le sens pour nier la conséquence.

...

Quoi qu'il en soit, l'Église est sans preuves, s'ils ont raison'.

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:

L'Église a trois sortes d'ennemis les Juifs, qui n'ont jamais été de son corps; les hérétiques, qui s'en sont retirés; et les mauvais chrétiens 1o, qui la déchirent au dedans.

Ces trois sortes de différents adversaires la combattent d'ordinaire

1 « Ce sont des hérétiques. Suivant les jésuites. On n'est pas étonné que les amis de Pascal, après la paix de l'Eglise, aient supprimé des paroles où éclate toute l'irritation du combat.

2 « Toutes ses constitutions. » Pascal ne dit pas que ses amis n'acceptaient les constitutions qu'avec une distinction que repoussait l'autorité ecclésiastique. Voir la note 47 sur sa Vie.

3 « Tuer pour une pomme. Comme l'avaient permis des casuistes jésuites: voir la septième Provinciale.

4 « Les trois marques. » 447. Manque dans P. R. Il en compte davantage ailleurs (x1, 12), mais il n'a besoin que de ces trois pour son argumentation.

5 a La perpétuité. » De la doctrine. Voir XI et XXI. — « La bonne vie. » De ses sectateurs.

<< Par la probabilité. » C'est-à-dire par cette doctrine des casuistes, qu'une opinion toute nouvelle, contraire aux Pères et à la tradition, mais soutenue par ce qu'on appelle un auteur grave, devient probable, et peut être suivie en sûreté de conscience. Voir les Provinciales, et en particulier la cinquième.

7 « Quoi qu'il en soit. » 453. Manque dans les éditions.

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« S'ils ont raison. » Quoi, si on refuse de reconnaître que c'est Dieu qui a guéri cette enfant pour honorer Port Royal, l'Eglise est sans preuves, et toute la religion tombe! Où la passion a-t-elle entraîné Pascal!

9 « L'Eglise a trois sortes. » 463. Manque dans P. R.

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« Et les mauvais chrétiens. » C'est-à-dire ici les jésuites.

diversement. Mais ici ils la combattent d'une même sorte. Comme ils sont tous sans miracles', et que l'Église a toujours eu contre eux des miracles, ils ont tous eu le même intérêt à les éluder, et se sont tous servis de cette défaite : qu'il ne faut pas juger de la doctrine par les miracles, mais des miracles par la doctrine. Il y avait deux partis entre ceux qui écoutaient 2 JÉSUS-CHRIST: les uns qui suivaient sa doctrine par ses miracles'; les autres qui disaient ... Il y avait deux partis au temps de Calvin o. Il y a mainly tenant les jésuites..., etc.

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Ce n'est point ici • le pays de la vérité : elle erre inconnue parmi les hommes. Dieu l'a couverte d'un voile, qui la laisse méconnaître à ceux qui n'entendent pas sa voix. Le lieu est ouvert au blasphème, et même sur des vérités au moins bien apparentes. Si l'on publie les vérités de l'Évangile, on en publie de contraires 1o, et on obscurcit les questions en sorte que le peuple ne peut discerner. Et on demande : « Qu'avez-vous pour vous faire plutôt croire

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<< Comme ils sont tous sans miracles. » Quand Pascal dit cela des Juifs, il n'entend parler que des Juifs depuis l'arrivée du Messie, des Juifs opposés à JésusChrist.

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« Qui écoutaient.» Au sens propre du mot, qui l'entendaient parler, ses auditeurs, et non ses disciples.

3 «Par ses miracles. » C'est-à-dire, déterminés à la suivre par ses miracles.

4 « Les autres qui disaient. Les éditions suppléent: Il chasse les démons au nom de Belzebuth. Matth., XII, 24. Le P. Annat parlait de même au sujet du miracle de la Sainte Epine.

<< Au temps de Calvin. » La pensée complète est que les calvinistes aussi se refusaient à reconnaître les miracles que l'Eglise catholique leur opposait comme opérés alors même et sous leurs yeux, par exemple ceux qu'on attribuait à saint François de Paul, à saint Charles Borromée, etc. A la page 402 du manuscrit, on trouve cette phrase inachevée : « Quand saint Xavier fait des miracles. » Il faut remarquer que saint François Xavier était un jésuite.

6 « Ce n'est point ici. » 474. Manque dans P. R.

7 « Le lieu est ouvert. » C'est-à-dire le champ est ouvert, la porte est ouverte, comme ont mis les éditeurs.

8 Au moins bien apparentes. » Telles que celles que professaient les jansénistes, la grâce efficace, la prédestination absolue. Il n'ose appeler ces vérités tout à fait évidentes, puisqu'il reconnaît qu'il n'y a pas d'évidence ici- bas. Mais il ne les tient pas non plus pour obscures; ce serait excuser les adversaires qui les combattent. De là l'expression dont il se sert. Les éditions mettent et même sur les vérités les plus certaines de la morale. Ce n'est pas cela.

9 « De l'Evangile. » Comme ont fait Jansénius et Arnauld.

10 « On en publie de contraires. » Il veut dire sans doute, qui paraissent contraires. On oppose à la grâce efficace le libre arbitre, à la prédestination le mérite et le démérite de l'homme.

» que les autres? Quel signe faites-vous ? Vous n'avez que des » paroles, et nous aussi. Si vous aviez des miracles, bien. » Cela est une vérité, que la doctrine doit être soutenue2 par les miracles, dont on abuse pour blasphémer la doctrine. Et si les miracles arrivent, on dit que les miracles ne suffisent pas sans la doctrine; et c'est une autre vérité, pour blasphémer les miracles.

Que vous êtes aise de savoir les règles générales, pensant par là jeter le trouble, et rendre tout inutile! On vous en empêchera, mon père la vérité est une et ferme.

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9.

Un miracle' parmi les schismatiques n'est pas tant à craindre; ear le schisme, qui est plus visible que le miracle, marque visiblement leur erreur. Mais quand il n'y a point de schisme, et que l'erreur est en dispute, le miracle discerne.

Jean, Ix: Non est hic homo a Deo, qui sabbatum non custodit. Alii: Quomodo potest homo peccator hæc signa facere? Lequel est le plus clair.

« Cette maison n'est pas de Dieu; car on n'y croit pas que les >> cinq propositions soient dans Jansénius. » Les autres : « Cette

« Quel signe faites-vous? » Expression consacrée. Un signe, c'est un miracle, signe d'une puissance surnaturelle.

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« Que la doctrine doit être soutenue. Mais seulement quand elle est légitimement suspecte.

3 a Que vous êtes aise. » 473. Manque dans P. R. Il s'adresse au père Annat. « La vérité est une. » C'est-à-dire qu'il n'y a pas contradiction entre ces deux vérités, que les miracles discernent la doctrine, et que la doctrine discerne les miracles, et qu'elles doivent s'unir et s'accorder.

5 « Un miracle. » 343. Manque dans P. R.

« Car le schisme. » Les schismatiques sont ceux qui sans avoir d'autres dogmes que l'Église, ce qui serait hérésie, se séparent d'elle et de son chef, et ne reconnaissent pas son autorité. Tels sont les Grecs. Les jansénistes, au contraire, reconnaissaient hautement en principe l'Eglise et le pape, et leur désobéissaient dans le fait.

7. Non est hic homo. » 449. Manque dans P. R. « Voici le verset entier (Jean, IX, 46): « Quelques Pharisiens disaient: Cet homme n'est pas de Dieu, car il n'observe pas le sabbat. Mais d'autres disaient: Comment un pécheur pourrait-il faire de tels miracles? Et il y avait division entre eux. » Il y a dans le texte: Alii autem dicebant.

« Les autres. » On voit qu'il calque fidèlement le verset tel qu'il l'a donné. Il soutient hardiment cette comparaison audacieuse entre Port Royal et Jésus-Christ.

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» maison est de Dieu; car il y fait d'étranges miracles. » Lequel est le plus clair?

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Tu quid dicis1? Dico quia propheta est. — Nisi esset hic a Deo, non polerat facere quidquam.

« Si vous ne croyez en moi 2, croyez au moins aux miracles. » Il les renvoie comme au plus fort.

Il avait été dit aux Juifs, aussi bien qu'aux chrétiens, qu'ils ne crussent pas toujours les prophètes. Mais néanmoins les pharisiens et les scribes font grand état de ses miracles", et essaient de montrer qu'ils sont faux, ou faits par le diable: étant nécessités d'être convaincus, s'ils reconnaissent qu'ils sont de Dieu.

Nous ne sommes pas aujourd'hui dans la peine de faire ce discernement. Il est pourtant bien facile à faire : ceux qui ne nient ni Dieu, ni Jésus-Christ, ne font point de miracles qui ne soient sûrs: Nemo faciat virtutem in nomine meo, et cito possit de me male loqui. Mais nous n'avons point à faire ce discernement. Voici une relique sacrée. Voici une épine de la couronne du Sauveur du

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« Tu quid dicis. » Même chapitre, versets 17 et 33. Il y a dans le texte : Tu quid dicis de illo qui aperuit oculos tuos? Ille autem dixit: Quia propheta est. « Et toi qu'en dis-tu (les Pharisiens s'adressent à l'aveugle-né que Jésus a guéri)? » Il répondit: Que c'est un prophète. Si cet homme n'était de Dieu, ne pour>> rait rien faire de pareil. » Ce n'est plus l'aveugle-né qui parle, c'est Pascal au nom de sa jeune nièce, de sa famille, et de Port Royal tout entier.

2 « Si vous ne croyez en moi. » 447. Manque dans P. R. Pascal ne traduit pas ici un texte, mais il paraît avoir dans l'esprit un passage que nous avons déjà donné dans une note sur le paragraphe xvi, 9, où Jésus guérit le paralytique pour prouver qu'il a le pouvoir de lui remettre ses péchés. Voir aussi XXII, 3: « Il prouve qu'il » remet les péchés, par un miracle. »

3. Il avait été dit. » 447. Manque dans P. R.

«

« De ses miracles. » Ses se rapporte à Jésus-Christ.

5 « Faux, ou faits par le diable. » C'était l'alternative du père Annat. Voir dans l'Evangile les passages déjà cités: Jean, ix, 18, 34; Matth., XII, 24.

« Qui ne soient sûrs. » Car leur doctrine témoigne pour leurs miracles et les discerne. Pascal parle toujours comme si Port Royal avait fait un miracle. C'était bien assez de prétendre que Port Royal avait été l'objet d'un miracle. Il va dire luimême tout à l'heure que ce ne sont pas les hommes qui l'ont fait.

« Nemo faciat virtutem. » Marc, 1x, 38. « Maître, nous venons de voir un » homme qui chasse les démons en ton nom, et qui ne nous suit pas, et nous l'avons empêché. Mais Jésus dit: Ne l'empêchez point. Il n'est pas possible qu'on exerce » une vertu surnaturelle en mon nom, et qu'en même temps l'on parle mal de moi. » Le texte est : Nemo est enim qui facial virt. in nom. m., et possit cito male loqui de me. Voir, au deuxième fragment du paragraphe 4, la note sur les mots : Et Jósus-Christ une.

monde, en qui le prince de ce monde n'a point puissance, qui fait des miracles par la propre puissance de ce sang répandu pour nous. Voici que Dieu ' choisit lui-même cette maison pour y faire éclater sa puissance.

Ce ne sont point des hommes qui font ces miracles par une vertu inconnue et douteuse, qui nous oblige à un difficile discernement. C'est Dieu méme; c'est l'instrument de la passion de son Fils unique, qui, étant en plusieurs lieux, choisit celui-ci, et fait venir de tous côtés ' les hommes pour y recevoir ces soulagements miraculeux dans leurs langueurs.

Les miracles ne sont plus nécessaires', à cause qu'on en a déjà. Mais quand on n'écoute plus la tradition', quand on ne propose plus que le pape, quand on l'a surpris, et qu'ainsi ayant exclu la vraie source de la vérité, qui est la tradition, et ayant prévenu le pape, qui en est le dépositaire, la vérité n'a plus de liberté de paraitre alors les hommes ne parlant plus de la vérité, la vérité doit parler elle-même aux hommes '. C'est ce qui arriva au temps d'Arius'.

1. En qui.» En laquelle couronne.

2. Le prince de ce monde. Le diable Jean, XII, 34, etc.). Il ne peut se servir pour ses opérations infernales d'un objet consacré par le sang du Sauveur. Un prodige fait avec la Sainte Epine ne peut donc être l'œuvre du démon.

3. Voici que Dieu. Quelle solennité, quelle grandeur sans effort dans la répétition de ce tour! Il voit Dieu descendre. Comment exiger qu'il sorte de cet enthousiasme pour examiner péniblement si d'abord l'authenticité de la sainte relique est bien établie! Qui sent Dieu présent n'a rien a discuter ni à éclaircir. Le Saint des Saints était un lieu que l'œil de l'homme n'éclairait jamais; autrement il n'eût plus été le Saint des Saints.

• « En plusieurs lieux. » Parce qu'il ne s'agit que d'épines détachées, et non de la couronne tout entière.

5. Et fait venir de tous côtés. » On a vu dans les notes sur la Vie de Pascal qu'il y eut toute une queue de guérisons miraculeuses, si l'on ose parler ainsi, à la suite de celle de Marguerite.

« Les miracles ne sont plus nécessaires. 449. Manque dans P. R. C'était l'objection. Pascal convient bien que les miracles, au temps où il est, ne sont plus la règle, mais il prétend faire voir qu'il y avait lieu, pour Port Royal, à une exception. Sur cette pensée, cf. vii, 8.

« La tradition. » C'est-à-dire les Pères de l'Eglise, et surtout saint Augustin. « Parler elle-même aux hommes. » Et elle a parlé, suivant Pascal, par cette guérison miraculeuse.

« Au temps d'Arius. » L'imagination de Pascal se plaisait à assimiler la situation où il voyait l'Eglise à celle où elle se trouvait au temps d'Arius. Alors dominait l'hérésie des ariens, maintenant c'est celle des pélagiens, qu'il imputait aux jésuites. Saint Athanase était persécuté alors pour la foi; maintenant c'est Arnauld,

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