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nellement; qu'ainsi leur loi, ou celle du Messie, dont elle était la promesse, serait toujours sur la terre; qu'en effet elle a toujours duré; qu'enfin JÉSUS-CHRIST est venu dans toutes les circonstances prédites. Cela est admirable1.

Si cela est si clairement prédit2 aux Juifs, comment ne l'ont-ils pas cru? ou comment n'ont-ils pas été exterminés ", de résister à une chose si claire?

Je réponds premièrement, cela a été prédit, et qu'ils ne croiraient point une chose si claire, et qu'ils ne seraient point exterminés. Et rien n'est plus glorieux au Messie; car il ne suffisait pas qu'il y eût des prophètes; il fallait que leurs prophéties fussent conservées sans soupçon. Or, etc.

5.

6

Les prophètes' mêlés de choses particulières, et de celles du Messie, afin que les prophéties du Messie ne fussent pas sans preuves', et que les prophéties particulières ne fussent pas sans fruit1o.

Non habemus regem11 nisi Cæsarem. Donc JÉSUS-CHRIST était le Messie, puisqu'ils n'avaient plus de roi qu'un étranger, et qu'ils n'en voulaient point d'autre 12.

1

« Cela est admirable. » P. R. peut bien avoir supprimé ce morceau, dont toutes les idées se retrouvent ailleurs, comme négligemment écrit et fatigant à lire. 2 « Si cela est si clairement prédit. 487. Manque dans P. R.

3 « Comment ne l'ont-il pas cru. » P. R. a craint de troubler par cette objection. 4 « Exterminés. » L'intolérance qui respire dans cette parole a pu aussi effrayer P. R. Pascal avait mis d'abord punis, mais il a pensé que les Juifs avaient été punis en effet. Sur la pensée, cf. XIX, 5.

5 « Et rien n'est plus glorieux. » Comme s'il y avait, et secondement.

« Il fallait. » Cf. xv, 6, 7, et XIX, 5.

7 « Les prophètes. » 19. P. R., XV.

8

«De choses particulières. » C'est-à-dire de prophéties portant sur des choses particulières.

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9 << Ne fussent pas sans preuves. » La preuve était l'accomplissement de ces prophéties particulières.

10 << Sans fruit. » Pour Pascal, tout ce qui ne conduit pas à Jésus-Christ et à la grâce est sans fruit. Mais ces prophéties particulières ne sont plus sans fruit du moment qu'elles donnent crédit à celles qui annoncent le Messie.

11 «Non habemus regem. » 229. P. R., ibid. C'est la réponse des Juifs à Pilate, Jean, XIX, 15: « Nous n'avons point de roi, si ce n'est César. »

12 « Point d'autre. » Car il avait été prédit que le Messie viendrait quand il n'y aurait plus de roi dans Juda. Cf. le commencement du paragraphe 2.

Les 70 semaines1 de Daniel sont équivoques pour le terme du commencement, à cause des termes de la prophétie; et pour le terme de la fin, à cause des diversités des chronologistes. Mais toute cette différence ne va qu'à 200 ans2.

1 « Les 70 semaines. » 195. En titre, Prophéties. P. R., ibid.-On a lu page 232, traduite par Pascal, la prophétie des 70 semaines, qui est regardée le plus généralement comme marquant la date de l'avénement du Messic. Elle a été l'objet d'une multitude de commentaires. Nous n'en dirons ici que ce qui nous paraîtra servir à expliquer les paroles de Pascal. Ces semaines, suivant les habitudes de la langue hébraïque, sont des semaines ou septaines d'années. Les 70 semaines font donc 490 ans.

2 « Ne va qu'à 200 ans. » Il est difficile de se rendre bien compte du calcul de Pascal. Entre certains interprètes juifs qui veulent que le temps marqué par la prophétie soit celui de Judas Macchabée et de la persécution d'Antiochus Epiphane, et d'autres qui pensent que ce temps est celui de la destruction du Temple par Titus, le désaccord va jusqu'à 230 ans, et non 200 en nombre rond. Nous ne parlons pas de ceux qui ont reculé l'accomplissement de la prophétie jusqu'à la destruction définitive de Jérusalem sous Adrien. Mais prenons une à une toutes les parties de la phrase de Pascal.

Il y a, dit-il, équivoque pour le commencement, à cause des termes de la prophétie. Voici ces termes, suivant la Vulgate : Ab exitu sermonis ut iterum ædificetur Jerusalem. Pascal traduit : Depuis que la parole sortira pour rétablir et réédifier » Jérusalem. » Les uns entendent par cette parole l'édit donné par Cyrus en faveur des Juifs et de la restauration du Temple, dans la première année de son règne (Esdras, 1); d'autres, l'un ou l'autre de ceux qu'Artaxerce accorda, le premier à Esdras, dans la septième année de son règne (ibid., VII), le second à Néhémie, dans la vingtième (Néhém., 11). Il en est enfin qui traduisent le texte de la manière suivante : « Depuis qu'est sortie la parole qui annonce le rétablissement de Jéru»salem. » Et ils croient que cette parole est la prophétie de Jérémie sur laquelle Daniel est représenté méditant au commencement du chapitre, et à propos de laquelle il reçoit la révélation des 70 semaines. Ils prennent donc pour le terme du commencement la date de cette prophétie de Jérémie, date marquée par la Bible (Jérém., xxv) à la quatrième année du roi Joachim. Il y a entre cette date et celle du second édit d'Artaxerce, d'après la chronologie aujourd'hui reçue, une différence de plus de 150 ans.

Je dis, d'après la chronologie aujourd'hui reçue, car ici viennent, selon Pascal, ces diversités des chronologistes, à cause desquelles, après qu'on aura placé ici ou là le point de départ, il y aura encore équivoque pour le terme de la fin. Pascal ne veut pas parler, je pense, de la petite difficulté qui consiste à placer le commencement du règne d'Artaxerce huit ans plus tard ou huit ans plus tôt, suivant qu'on ne le fait régner qu'après la mort de son père, ou qu'on le suppose associé à Xerxès encore vivant, selon l'hypothèse de ceux qui veulent faire aboutir exactement les 70 semaines à la mort de Jésus-Christ. Cette difficulté est la seule que se fassent aujourd'hui les chronologistes. Mais les livres qui contiennent les traditions des Juifs suivent, à ce qu'il parait, une chronologie toute différente, d'après laquelle la durée du second temple n'est que de 420 ans (au lieu d'être de plus de 520); ils ne donnent à la monarchie des Perses depuis Cyrus qu'une cinquantaine d'années (au lieu de 200). Ils se trompent; cela ne mérite pas d'être appelé une chronologie, ce n'est qu'une grossière ignorance; mais dans les ténèbres du moyen âge, ceux mêmes qui combattaient les Juifs ne savaient pas s'en défendre. Nous avons parlé, dans l'Étude sur les Pensées, du Pugio fidei, écrit au treizième siècle par Raymond Martin, moine de Catalogne, et qui a été consulté par Pascal. Il y avait là, au sujet des 70 semaines, une discussion fondée tout entière sur cette chronologie des rabbins. Nous ajou

Les prophéties doivent être1 inintelligibles aux impies', Dan., XII [10]; Osée, ult., 10; mais intelligibles à ceux qui sont bien instruits.

... Les prophéties qui le représentent' pauvre, le représentent maître des nations. Is., LII, 14, etc. LII. Zach., IX, 9.

... Les prophéties qui prédisent le temps, ne le prédisent que maître des Gentils, et souffrant, et non dans les nuées, ni juge.

terons qu'à la lumière même du seizième siècle, Pierre Galatin, qui ne fait en général que copier l'auteur du Pugio fidei, rectifie bien d'abord ces erreurs grossières par le secours de la science moderne, mais il n'en conserve pas moins ensuite tout au long la discussion de Raymond Martin, comme devant servir dans l'hypothèse où on admettrait la chronologie des livres juifs. Tout cela, un peu confondu peut-être dans la tête de Pascal, que son génie ne portait pas à approfondir ces sortes de questions, a suffi pour lui laisser cette impression générale, que les diversités des chronologistes s'ajoutaient ici à la difficulté d'expliquer les termes de la prophétie. On voit combien se sont trompés ceux qui ont imaginé de corriger le texte de Pascal, et d'écrire 20 ans au lieu de 200 ans. Mais comment Pascal a-t-il pu dire : << Toute cette différence ne va qu'à 200 ans. »? Est-ce qu'une différence de 200 ans, sur un compte de 490 ans, n'est pas énorme ? C'est que Pascal fait ici un argument ad hominem, qui n'a pas besoin d'être bon en soi, mais seulement pour ceux à qui on l'adresse. Il répond aux Juifs, qui nient que le Messie soit venu; et il leur oppose la prophétie de Daniel, car cette prophétie se rapporte au Messie, suivant la tradition juive elle-même. Et comme ils se retranchent dans l'obscurité du texte, il consent qu'ils l'interprètent comme ils voudront, qu'ils placent où bon leur semblera le point de départ, et qu'ils mesurent l'intervalle de telle façon ou de telle autre. Ils seront toujours enfermés dans un espace qu'il porte à 200 ans et il faudra que le Messie ait paru, plus tôt ou plus tard, entre ces limites. Il est donc venu dans toute hypothèse, et les Juifs sont confondus.

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Il est clair que Pascal n'admettait pas pour son propre compte cette latitude dans l'interprétation de la prophétie, et qu'il la regardait comme accomplie en Jésus-Christ. Bossuet, qui prend toujours de très-haut tout ce qui touche aux fondements de la foi, et qui refuse de s'arrêter aux embarras de détail, non-seulement ne dit pas un mot, et il a raison, de l'absurde chronologie des rabbins, mais ne s'inquiète pas même de l'équivoque que Pascal reconnaît dans les termes de la prophétie. Il ne veut apercevoir ici d'autre difficulté que celle de déterminer exactement où tombe la vingtième année d'Artaxerce; il écarte tout le reste avec mépris, et dit de son ton superbe que huit ou neuf ans au plus dont on pourrait dispuler sur un compte de 490 ans ne seront jamais une importante question. (Discours sur l'histoire universelle, II, v, vers la fin.)

1 « Les prophéties doivent être. » 222. Voir, au paragr. 2, le fragment qui commence par Ænigmatis. Ce premier alinéa manque dans P. R. Inintelligibles aux impies. Voir l'article xx, et xxv, 42. —

cité et traduit au paragr. xv, 7.

3 « Les prophéties qui le représentent. » Jésus-Christ. P. R., xv.

Osée. Passage

4 « Le représentent maltre. » C'est-à-dire le représentent aussi, d'autre part. Maitre, dans le sens de dominateur.

5 Le temps. Le temps du premier avénement. Cf. xv, 8. Ne prédisent Jésus-Christ.

6

Ne le prédisent.

«Maitre des Gentils. » Mattre, non plus dans le sens de dominateur, mais dans celui de précepteur. Voir page 239: Il doit enseigner, etc.; endroit où Pascal cite deux textes d'Isaïe. Mais ces textes ne marquent pas le temps; et je ne vois pas de prophétie où le temps soit marqué expressément, que celle des 70 semaines.

Et celles qui le représentent ainsi jugeant et glorieux, ne marquent point le temps1.

ARTICLE XIX.

1.

Les apôtres ont été trompés, ou trompeurs. L'un ou l'autre est difficile. Car, il n'est pas posible de prendre un homme pour être ressuscité 3..

3

Tandis que J.-C. était avec eux, il les pouvait soutenir; mais après cela, s'il ne leur est apparu, qui les a fait agir?

L'hypothèse des apôtres fourbes est bien absurde. Qu'on la suive tout au long; qu'on s'imagine ces douze hommes, assemblés après la mort de JÉSUS-CHRIST, faisant le complot de dire qu'il est ressuscité ils attaquent par là toutes les puissances. Le cœur des hommes est étrangement penchant à la légèreté, au changement, aux promesses, aux biens. Si peu qu'un de ceux-là se fût démenti par tous ces attraits, et qui plus est par les prisons, par les tortures et par la mort, ils étaient perdus. Qu'on suive cela".

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1 << Ne marquent point le temps. » Cf. xv, 8, et xx, 7. Ainsi elles ne mentent point, et ne trompent que ceux qui ne sont pas dignes de les entendre, P. R. rapproche de ces pensées celle-ci, qui ne se retrouve pas dans les manuscrits : « Quand il est » parlé du Messie comme grand et glorieux, il est visible que c'est pour juger le » monde, et non pour le racheter. » P. R. renvoie en marge à Isaïe, LXVI, 45, 46. Le fond de toutes ces remarques est de montrer que les Juifs avaient tort d'attendre un Messie qui serait grand et glorieux temporellement, que les prophéties ne leur disaient pas cela; que cependant, sans le dire, elles disaient tout ce qu'il fallait pour le leur faire croire, parce que Dieu voulait que les impies y fussent trompés. Nous renvoyons encore à l'article xx, et à xxv, 42.

2 « Les apôtres ont été, » 489. P. R., xvi.

-

3 « Pour être ressuscité. » Ce premier alinéa répond à la supposition des apôtres trompés, l'alinéa suivant à celle des apôtres trompeurs. Voici le témoignage de saint Paul sur la résurrection de Jésus (1 Cor., xv, 4): « Il a été enseveli, et il » a ressuscité le troisième jour, suivant les Ecritures. Puis il a apparu à Céphas [Pierre ], et ensuite aux onze ensemble. Ensuite il a apparu à plus de cinq cents >> disciples réunis, dont beaucoup existent encore, quelques-uns se sont déjà en» dormis [sont morts]. Ensuite il a apparu à Jacques, puis à tous les apôtres. Enfin >> il m'a apparu à moi le dernier, chétif que je suis. » Paul n'en dit pas davantage, et ne s'explique pas sur les circonstances de cette apparition, dont il ne parle que cette seule fois. Mais les récits évangéliques ont aussi le caractère de témoignages, pour le chrétien qui reconnaît les Evangiles comme écrits authentiques des apôtres. 4 « L'hypothèse. » 55. En titre, Preuve de Jésus-Christ. P. R., ibid.

"

5 « Qu'on suive cela. » C'est après ces mots que P. R. place la phrase: Tandis que Jésus-Christ était avec eux, etc,

2.

1

Le style de l'Évangile est admirable en tant de manières, et entre autres en ne mettant jamais aucune invective contre les bourreaux et ennemis de JÉSUS-CHRIST. Car il n'y en a aucune des historiens contre Judas, Pilate, ni aucun des Juifs.

Si cette modestie des historiens évangéliques avait été affectée, aussi bien que tant d'autres traits d'un si beau caractère, et qu'ils ne l'eussent affectée que pour le faire remarquer; s'ils n'avaient osé le remarquer eux-mêmes, ils n'auraient pas manqué de se procurer des amis, qui eussent fait ces remarques à leur avantage. Mais comme ils ont agi de la sorte sans affectation, et par un mouvement tout désintéressé, ils ne l'ont fait remarquer par personne. Et je crois que plusieurs de ces choses n'ont point été remarquées jusqu'ici; et c'est ce qui témoigne la froideur avec laquelle la chose a été faite.

3.

JÉSUS-CHRIST a fait des miracles", et les apôtres ensuite, et les premiers saints en grand nombre'; parce que, les prophéties n'étant pas encore accomplies, et s'accomplissant par eux, rien ne témoignait, que les miracles. Il était prédit que le Messie convertirait les nations. Comment cette prophétie se fût-elle accomplie, sans la conversion des nations? Et comment les nations se fussent-elles converties au Messie, ne voyant pas ce dernier effet des prophéties qui le prouvent? Avant donc qu'il ait été mort, ressuscité, et converti❜ les nations, tout n'était pas accompli; et ainsi il a fallu des miracles pendant tout ce temps-là. Maintenant il n'en faut plus contre

1 Le style de l'Évangile. » 54. P. R., XVI.

2 « Des historiens.» Des narrateurs, des auteurs de cette histoire.

3 « Et je crois. » P. R. met: « Je ne sais même si cela a été remarqué jusqu'ici > - La froideur, c'est-à-dire l'absence de passion, l'impartialité. P. R. la naïveté. On lit encore page 61 du MS. « Un artisan, qui parle des richesses, un >> procureur qui parle de la guerre, [un homme obscur qui parle] de la royauté, etc., » [en parlent maladroitement et avec affectation]. Mais le riche parle bien des ri» chesses; le roi parle froidement d'un grand don qu'il vient de faire; et Dieu parle » bien de Dieu. »

4

« Jésus-Christ à fait des miracles. » 493. P. R., xvI.

5 << En grand nombre. » C'est-à-dire, en ont fait en grand nombre.

6

« Ce dernier effet. » C'est-à-dire la conversion même des nations: ce qui fait un cercle vicieux. On en sort par les miracles. Cf. xxIII, 3.

7 a Ressuscité, et converti. » Ces participes dépendent de qu'il ait. C'est une mauvaise construction.

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