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chapitre. Ce qui marque trop1 quel était le sens de l'auteur. Comme quand Ézéchiel 2, ch. xx, dit qu'on vivra dans les commandements de Dieu et qu'on n'y vivra pas.

11.

Il n'était point permis de sacrifier hors de Jérusalem, qui était le lieu que le Seigneur avait choisi, ni même de manger ailleurs les décimes. Deut., XII, 54, etc. Deut., XIV, 23, etc.; xv, 20; xvI, 2, 7, 11, 15.

Osée a prédit qu'ils seraient sans roi, sans prince, sans sacrifices et sans idoles; ce qui est accompli aujourd'hui, ne pouvant faire sacrifice légitime hors de Jérusalem'.

12.

Quand la parole de Dieu, qui est véritable, est fausse littéralement, elle est vraie spirituellement. Sede a dextris meis. Cela est faux littéralement; donc cela est vrai spirituellement. En ces expressions, il est parlé de Dieu à la manière des hommes; et cela ne signifie autre chose, sinon que l'intention que les hommes ont en faisant asseoir à leur droite, Dieu l'aura aussi. C'est donc une marque de l'intention de Dieu, non de sa manière de l'exécuter.

Ainsi quand il dit : Dieu a reçu l'odeur de vos parfums, et vous donnera en récompense une terre grasse 10; c'est-à-dire, la même intention qu'aurait un homme qui, agréant vos parfums, vous donnerait en récompense une terre grasse, Dieu aura la même intention

1 « Ce qui marque trop. » C'est-à-dire plus même qu'il n'est nécessaire. P. R., ce qui marque assez.

2

« Comme quand Ézéchiel. » Je n'aperçois pas la contradiction indiquée par Pascal. Il n'est pas dit dans ce chapitre que les enfants d'Israël ne vivront pas dans les commandements de Dieu, mais qu'ils n'y ont pas vécu jusqu'à ce jour, qu'ils en seront punis, que Dieu exterminera du milieu d'eux les impies, et ne se réservera qu'un peuple choisi qui le servira. Aussi P. R. a supprimé cette citation. 311 n'était point permis. » 253. P. R., XIII.

« Deut., XII, 5, etc. » On retrouve dans tous ces passages la formule, in loco quem elegerit Dominus. P. R. ne donne pas ces citations.

3 « Osée a prédit. » P. R. détache à tort cet alinéa, sans lequel le précédent n'a pas de conclusion. Sine rege et sine principe, et sine sacrificio, et sine allari (111, 4) : Osée ne parle pas des idoles.

« Hors de Jérusalem. » Et Jérusalem n'étant plus à eux.

7 « Quand la parole de Dieu. » 34. En titre, Figures. P. R., XIII.

9

« Sede a dextris meis. » Ps., CIX. « Asseyez-vous à ma droite. »

« Quand il dit. » Le sens de ce que dit ici Pascal est partout dans les prophéties, mais s'il y a tel verset particulier dont cette phrase soit la traduction, je ne l'ai pas trouvé.

10

« Une terre grasse. » Cf. xv, 2.

pour vous, parce que vous avez eu pour lui la même intention qu'un homme a pour celui à qui il donne des parfums 1. Ainsi, iratus est2, « Dieu jaloux 3, » etc. Car les choses de Dieu étant inexprimables, elles ne peuvent être dites autrement, et l'Eglise aujourd'hui en use encore: Quia confortavit seras".

13.

6

Tout ce qui ne va point à la charité est figure.

L'unique objet de l'Écriture est la charité. Tout ce qui ne va point à l'unique but en est la figure : car, puisqu'il n'y a qu'un but, tout ce qui n'y va point en mots propres est figure.

Dieu diversifie ainsi cet unique précepte de charité, pour satisfaire notre curiosité', qui recherche la diversité, par cette diversité, qui nous mène toujours à notre unique nécessaire. Car une seule chose est nécessaire, et nous aimons la diversité; et Dieu satisfait à l'un et à l'autre 10 par ces diversités, qui mènent au seul néces

saire.

« A qui il donne des parfums.» Cette analyse est bien d'un mathématicien. Au reste, il est vrai qu'une métaphore consiste dans deux rapports pareils, et par conséquent dans une espèce de proportion, comme l'a montré Aristote (Poet., 21); mais il est permis de douter que ces expressions de la Bible ne soient que des métaphores, et que Dieu n'y promette pas réellement aux Juifs une terre fertile.

2

« Ainsi, iratus est. » Cette fin manque dans P. R. L'idée de la colère de Dieu est aussi partout dans la Bible. Is., v, 25, etc.

3 « Dieu jaloux. » Exode, xx, 5.

« Quia confortavit seras. » Ps. CXLVII, 43: « Loue le Seigneur, ô Jérusalem, » parce qu'il a rendu tes portes imprenables. » Pascal entend cela des portes spirituelles de l'Eglise, et c'est ainsi que l'entend l'Eglise elle-même, qui chante ce psaume dans l'office du mercredi, à Laudes. Il y a dans le texte quoniam. les notes sur le dernier fragment du paragraphe xx, 7.

5 « Tout ce qui ne va point. » 35 (même page que xv, 3 et 5).

a

- . Voir

6 « A la charité. » La charité est prise ici et ailleurs dans le sens théologique le plus relevé ; c'est la troisième vertu théologale, l'amour de Dieu pur de toute pensée terrestre. Cf. XXII, 2. De même, dans le traité de Nicole, De la charité et de l'amour-propre, la charité n'est pas l'amour du prochain, mais l'amour de Dieu. Pascal dit donc que toute parole de l'Ecriture qui ne conduit pas directement à aimer Dieu et à n'aimer que lui, ne peut être prise que comme une figure.

2 a Pour satisfaire notre curiosité. » Ce passage peut servir à expliquer ces mots isolés, qu'on lit ailleurs dans la Copie : « Changer de figures, à cause de notre fai

» blesse.»

8

«Par cette diversité. » Il faut construire, pour satisfaire notre curiosité par cette diversité.

9 « Une seule chose est nécessaire. » Ce sont les paroles mêmes de l'Evangile, Luc, x, 42: Porro unum est necessarium.

10 « A l'un et à l'autre. » A la nécessité et à notre goût.

14.

Les rabbins prennent pour figures les mamelles de l'Épouse 2, et tout ce qui n'exprime pas l'unique but qu'ils ont, des biens temporels. Et les Chrétiens prennent même l'Eucharistie pour figure de la gloire où ils tendent.

15.

Il y en a qui voient bien qu'il n'y a pas d'autre ennemi de l'homme que la concupiscence, qui le détourne de Dieu, et non pas Dieu; ni d'autre bien que Dieu, et non pas une terre grasse3. Ceux qui croient que le bien de l'homme est en la chair, et le mal en ce qui le détourne des plaisirs des sens', qu'ils s'en soulent, et qu'ils y

1 « Les rabbins. » 35 (même page que 43, et xv, 3 et 5). P. R., xu.

2 « Les mamelles de l'Epouse. » Dans le Cantique des Cantiques.

3

« Et les Chrétiens. » P. R. supprime cette fin, craignant de scandaliser en ap pelant 1 Eucharistie une figure, même dans un sens très-différent de celui des protestants. Les ennemis de Port-Royal, entre autres calomnies, l'accusaient de ne pas croire le mystère de la transsubstantiation, ni la présence réelle de Jésus-Christ dans l'Eucharistie (seizième Provinciale).

4 « Pour figure de la gloire. » Voir xv, 4. Le raisonnement de Pascal est celuici. Les rabbins eux-mêmes sont obligés de reconnaître de pures figures dans l'Ecriture, par exemple dans les images d'amour et de volupté que présente le Cantique des Cantiques à plus forte raison est-il permis aux chrétiens de ne pas prendre les textes saints à la lettre. Et les vrais chrétiens sont si spirituels que, non contents de considérer la manne comme une figure de l'Eucharistie, ils ne considèrent l'Eucharistie elle-même que comme figurant la possession de Dieu dans le ciel. Pascal n'en croit pas moins à la présence réelle, comme il croit que la manne est réellement tombée dans le désert. On lit dans la seizième Provinciale: α L'état des chrétiens, comme dit

» le cardinal Du Perron, d'après les Pères, tient le milieu entre l'état des bienheu» reux et l'état des Juifs. Les bienheureux possèdent Jésus-Christ réellement, sans » figure et sans voile. Les Juifs n'ont possédé de Jésus-Christ que les figures et les » voiles, comme étaient la manne et l'agneau pascal. Et les chrétiens possèdent » Jésus-Christ dans l'Eucharistie véritablement et réellement, mais encore couvert » de voiles... Et ainsi l'Eucharistie est parfaitement proportionnée à notre état de » foi, parce qu'elle enferme véritablement Jésus-Christ, mais voilé. De sorte que » cet état serait détruit si Jésus-Christ n'était pas réellement sous les espèces du pain et du vin, comme le prétendent les hérétiques; et il serait détruit encore >> si nous le recevions à découvert comme dans le ciel; puisque ce serait confondre »notre état, ou avec l'état du judaïsme, ou avec celui de la gloire.

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XV, 3, 7.

7 « Et non pas Dieu. Comme il semble que ce soit la pensée secrète de ceux qui repoussent Dieu pour s'attacher aux créatures.

8 « Une terre grasse.» Cf. 42, et xv, 2.

9 a En ce qui le détourne des plaisirs des sens. » C'est-à-dire en la religion, en la loi de Dieu, en Dieu même.

10 « Qu'ils s'en soûlent. On croit être au milieu d'un raisonnement paisible, et tout à coup il part de là un coup qui foudroie.

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meurent. Mais que ceux qui cherchent Dieu de tout leur cœur, qui n'ont de déplaisir que d'être privés de sa vue, qui n'ont de désir que pour le posséder, et d'ennemis que ceux qui les en détournent; qui s'affligent de se voir environnés et dominés de tels ennemis ; qu'ils se consolent 1, je leur annonce une heureuse nouvelle 2; il y a un libérateur pour eux, je le leur ferai voir3, je leur montrerai qu'il y a un Dieu pour eux; je ne le ferai pas voir aux autres. Je ferai voir qu'un Messie a été promis, qui délivrerait des ennemis; et qu'il en est venu un pour délivrer des iniquités, mais non des ennemis ".

16.

Quand David prédit' que le Messie délivrera son peuple de ses ennemis, on peut croire charnellement que ce sera des Égyptiens; et alors je ne saurais montrer que la prophétie soit accomplie. Mais on peut bien croire aussi que ce sera des iniquités : car, dans la vérité, les Égyptiens ne sont pas ennemis, mais les iniquités le sont. Ce mot d'ennemis est donc équivoque.

Mais s'il dit ailleurs, comme il fait 10, qu'il délivrera son peuple de ses péchés, aussi bien qu'Isaïe et les autres 11, l'équivoque est ôtée, et le sens double des ennemis réduit au sens simple d'iniquités: car, s'il avait dans l'esprit les péchés, il les pouvait bien déno

1 « Qu'ils se consolent. » Maintenant c'est un attendrissement austère.

2

« Je leur annonce une heureuse nouvelle. » On sait que c'est ce que signifie le mot évangile. Ces mots manquent dans P. R., qui efface le je presque partout.

3 « Je le leur fera: voir.» Ce qui suit jusqu'à, un Messie a été promis, est réduit dans P. R. à ces seuls mots : Il y a un Dieu pour eux. Ils se plaisent à éteindre ces cris par lesquels une âme qui a trouvé enfin le salut y appelle d'autres âmes.

4

« Je ne le ferai pas voir aux autres. » Dures paroles, mais non pas dites par boutade. Voir la seconde note du paragraphe 9.

5 «Mais non des ennemis. » Donc les vrais ennemis, ce sont les iniquités. Voir xv, 3, 7, et le paragraphe suivant.

6 « Quand David prédit. » Même page. P. R., XIII. On sait que l'Eglise attribue les psaumes à David, comme le Pentateuque à Moïse.

7

a Que le Messie délivrera son peuple. » Pascal pense peut-être, puisqu'il nomme les Egyptiens, au verset premier du psaume cxIII: In exitu Israël de Egypto, domus Jacob de populo barbaro. Mais le mot d'ennemis n'est pas là. Je ne l'ai trouvé que dans des endroits où le verbe est au passé et non au futur, comme Et redemit nos ab inimicis nostris. Ps. cxxxv, 24, où il s'agit des rois ennemis du peuple hébreu, qui sont nommés par leurs noms.

8 << Mais on peut bien croire aussi. Spirituellement.

«Ne sont pas ennemis. » Voir 15, et xv, 3, 7.

10 << Comme il fait. » Ps. CXXIX, 8. « Le Seigneur est miséricordieux, et il ra>> chètera Israel de toutes ses iniquités. » C'est dans le De profundis.

11 a Aussi bien qu'Isaïe et les autres. » Isaïe, XLIII, 25, etc.

ter par ennemis; mais s'il pensait aux ennemis, il ne les pouvait pas désigner par iniquités.

Or, Moïse, et David, et Isaïe usaient des mêmes termes. Qui dira donc qu'ils n'avaient pas le même sens, et que le sens de David, qui est manifestement d'iniquités lorsqu'il parlait d'ennemis, ne fût pas le même que celui de Moïse1 en parlant d'ennemis?

Daniel, Ix 2, prie pour la délivrance du peuple de la captivité de leurs ennemis; mais il pensait aux péchés: et, pour le montrer, il dit que Gabriel lui vint dire qu'il était exaucé, et qu'il n'y avait plus que soixante-dix semaines à attendre; après quoi le peuple serait délivré d'iniquité, le péché prendrait fin; et le libérateur, le Saint des saints amènerait la justice éternelle, non la légale *, mais l'éternelle.

5

Dès qu'une fois on a ouvert ce secret, il est impossible de ne pas le voir. Qu'on lise le vieil Testament en cette vue, et qu'on

1 « Que celui de Moïse. » Genèse, XXII, 47 (Dieu parle à Abraham) « Je te » bénirai, et je multiplierai ta race comme les étoiles du ciel et comme les sables » de la mer, et ta race sera maîtresse des portes de ses ennemis. » Ibid., XLIX, 8:

« Juda, tu seras célébré par tes frères, et ta main s'appesantira sur la tête de tes » ennemis. » Nombres, x, 2-9: Dieu dit à Moïse : « Fais deux trompettes d'argent, >> pour convoquer la multitude quand il faudra lever le camp... Si vous sortez de votre » terre pour aller combattre les étrangers qui s'arment contre vous, vous ferez retentir » le cri des trompettes, et vous vous rappellerez ainsi au souvenir du Seigneur votre » Dieu, pour qu'il vous délivre des mains de vos ennemis. » Deutér., VI, 49: « Fais » ce qui paraît bon et agréable au Seigneur, afin que tu t'en trouves bien, et que tu »entres dans la terre promise, où le Seigneur a juré à tes pères qu'il exterminerait » tous tes ennemis devant toi. » Ibid., XXIII, 44: « Ne souille pas l'enceinte du > camp pour les besoins de la nature, car le Seigneur marche au milieu de ton camp, pour te protéger, et livrer tes ennemis en tes mains que le camp demeure donc pur de toute souillure. » Ibid., XXVIII, 4–7 : « Si tu écoutes la voix du Seigneur, » et que tu accomplisses et que tu gardes tous ses préceptes que je te transmets » aujourd'hui, le Seigneur t'élèvera au-dessus de toutes les nations qui habitent la » terre... Tu seras béni dans ta ville, et béni dans ton champ. Béni sera le fruit de »ton ventre, et le fruit de ta terre et le fruit de tes troupeaux... Le Seigneur fera > tomber devant ta face les ennemis qui s'élèveront contre toi; ils viendront par un » chemin, et ils s'enfuiront par sept routes. » Voilà les principaux passages du Pentateuque où il est parlé d'ennemis, et que Pascal veut prendre au sens figuré, qu'il suppose être celui des psaumes, c'est-à-dire que ces ennemis seront les péchés. Daniel, IX. » Le mot d'ennemis ne se trouve pas dans ce chapitre, mais l'idée

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y est.

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Délivré d'iniquité. » Et finem accipiat peccatum, et deleatur iniquitas... et adducatur justitia sempiterna... et ungalur sanctus sanctorum.

«Non la légale. » Celle de la loi de Moïse. Voir la traduction de tout ce chapitre de Daniel à l'article xvIII.

5 « Dès qu'une fois.» 37. En titre, Figures. P. R. rattache cet alinéa au fragment qui précède.

6 « De ne pas le voir. » De ne pas voir que c'est là en effet le secret de tout.

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