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nai oi Janoi. Qu'on ne sépare que ce qui est séparé; qu'on ne mette en opposition que ce qui doit y être mis en tenant compte des mots. Le mot colère est manifestement séparé d'enfants par le mot nature. Ce qui est exprimé avec colère (de colère, comme les autres) est opposé à ce qui est désigné par enfants par nature. Dès qu'on sépare ainsi ce qui doit être séparé d'après la position des mots, et qu'on place une première virgule avant enfants, et une seconde après par nature, colère s'unit avec nous; alors enfants par nature doit être pris comme opposé à de colère; nous étions par suite de notre péché actuel, bien qu'enfants par nature, objets de colère comme les autres (les païens). Quoique par suite d'un choix objectif nous fussions enfants, en tant qu'appartenant au peuple de Dieu, ce privilége, par suite de notre état subjectif (nous avons tous conversé autrefois dans les convoitises de notre chair), ne nous a nullement mis à l'abri de la colère de Dieu: nous tombions sous ses coups, comme les autres... >>

« Notre texte renferme ainsi d'une manière concise la pensée qui est développée tout au long dans le premier chapitre de l'épitre aux Romains. Il n'est donc nullement question ici d'une culpabilité innée. Ce passage ne saurait être avancé comme dictum probans ni d'une manière immédiate, ni d'une manière médiate pour établir une culpabilité imputable se transmettant par la procréation'. »

«Rien dans l'anthropologie de saint Paul n'implique non plus l'idée d'un péché héréditaire des enfants d'Adam entrainant culpabilité personnelle. Bien loin de naitre coupable, voici comment, par le concours de quelles circonstances complexes l'homme le devient. » Il est incontestable que l'apôtre place le fait empirique du péché de chaque individu dans un rapport organique avec celui d'Adam. (Rom. V, 12-21.) Mais ce rapport ne va nullement jusqu'à entraîner la culpabilité personnelle de chaque individu par suite de la décision primitive d'Adam. Nous avons déjà vu ce qu'ont d'insuffisant à cet égard les diverses tentatives de présenter cette doctrine de l'imputation.

Voir la justification de cette interprétation, pag. 328, 330.

A cela vient s'ajouter une considération positive. Dans ce caslà, le péché des descendants ne pourrait être considéré que comme un malheur, une calamité qui n'aurait pu être qu'objet de pitié, de compassion. Or il n'en est pas ainsi, puisqu'au jour de la colère il sera rendu à chacun suivant ses œuvres (Rom. II, 6), de sorte que la condamnation personnelle de l'individu, d'après laquelle son péché lui est imputé, résultera non pas de la chute d'Adam, mais de la co luite indépendante d'un chacun. Tout cela suppose que la condamnation à mort ne devient pour la race entière une équitable rétribution du péché que parce que tous les descendants viennent se ranger, à la suite de leur père, comme autant de pécheurs personnellement coupables et responsables. (Rom. V, 16, 18; comp. 1 Cor. VIII, 46; Job IX, 2; XIV, 4; XX, 9.) — En second lieu, sans s'expliquer ni sur le genre, ni sur les moyens de l'action de Satan, saint Paul l'admet pour nous comme pour Adam. Néanmoins l'état actuel de péché n'est pas provenu exclusivement de Satan. - En troisième lieu, il y a chez l'enfant une certaine impureté dès la naissance. La convoitise est déjà chez l'enfant un effet du péché; celui-ci est présenté comme un germe enraciné dans l'horame; se développant au moyen de la conscience morale, il fait que la décision de l'homme a lieu d'une manière hostile à la loi. Enfin, pour déterminer la culpabilité, un acte de liberté s'interpose entre la disposition au péché et l'acte entraînant responsabilité.

L'intervention de ce quatrième facteur pourrait paraitre inutile aux yeux d'une logique plus préoccupée de l'exactitude des formules que d'une soigneuse étude des faits. Tous les descendants d'Adam, dira-t-on, ayant hérité de lui une disposition au péché qui, aussi longtemps que la rédemption n'intervient pas, les met au pouvoir de Satan, il semble que tous les hommes ont péché par suite d'un développement naturel commençant avec la faute de leur premier père.

Mais c'est là une conclusion repoussée par toute l'anthropologie de l'apôtre des gentils. En dépit des assertions de ses prétendus disciples modernes, il admet un attrait incontestable pour Dieu et pour la loi (Rom. 1, 20; VII, 23), qui peut

porter l'homme à haïr le mal et à répudier les œuvres qui en résultent comme n'étant pas siennes. (Rom. VII, 20.) En second lieu le rapport qui s'établit entre la disposition au bien et celle au mal, donne les diverses vies humaines, qui, d'après saint Paul, représentent divers degrés de moralité. En troisième lieu, quel peut être le sens des nombreuses exhortations de Paul à la repentance et à la conversion? C'est que tout en enseignant que le pécheur est esclave du péché (Rom. VII, 15) et tout en ayant l'air de dire que cette servitude n'admet de liberté « qu'à l'égard de la justice » (Rom. VI, 20), il ne statue néanmoins aucune contradiction absolue entre cette servitude d'une part et la possibilité de se déterminer autrement d'autre part. En effet, d'après saint Paul, la bonne détermination du pécheur peut consister à chercher la rédemption. En quatrième lieu, l'état dans lequel les descendants d'Adam se trouvent naturellement n'est pas un état de vraie liberté, mais saint Paul admet cependant qu'il peut y avoir chez l'homme des actes de liberté. Ce qui le prouve, c'est que, d'après lui, la foi qui consiste à s'approprier la grâce offerte par Dieu n'est pas un acte imposé ou violentant l'homme, mais de la part du pécheur une assimilation du Dieu de la révélation, basée sur une détermination consciente, en d'autres termes, un fait de liberté '.

On le voit, le problème est beaucoup plus complexe que ne le supposent les hommes amateurs avant tout de théories absolues qui finissent toujours par éclater au contact des faits. Il s'agit ici de savoir comment le pèché actuel peut être, chez chaque individu, à la fois la conséquence de la disposition au mal héritée d'Adam et le produit de la libre détermination humaine. L'augustinisme et le pélagianisme se serrent ici de si près qu'il paraît impossible de s'interposer. C'est cependant ce qu'il est indispensable de faire sous peine de méconnaître les besoins de la conscience chrétienne et les données de l'Ecriture. Nous venons de rappeler quelques faits qui empêchent d'interpréter la pensée de l'apôtre dans le sens de l'augustinisme. Il ne serait pas moins téméraire de prétendre le faire

' Pag. 343.

verser dans le sens du pélagianisme. Nous sommes incontestablement devenus pécheurs par suite du péché d'Adam. (Rom. V, 12.) On ne peut prétendre que chacun de nous est l'arbitre exclusif de sa destinée, ni affirmer qu'il y a dans chaque homme une liberté d'indifférence lui permettant de se prononcer à chaque instant, avec une égale facilité, pour le bien ou pour le mal.

Si on veut résoudre la difficulté il faut, avec saint Paul, distinguer entre le péché objectif, qui est un état contraire à la volonté de Dieu, et le péché subjectif. Pour qu'il y ait péché, dans ce dernier sens, « il faut toujours la connaissance de la loi et la conscience d'une libre transgression. En effet cet élément formel du péché, qui seul donne naissance à la culpabilité, ne peut jamais se trouver chez moi comme conséquence du péché d'un autre. Toutefois le péché est, en tout premier lieu, quelque chose d'objectif, un acte, ou une manière d'être contraire à la volonté de Dieu. C'est ce côté objectif qu'il faut avoir en vue quand on dit que tous les descendants d'Adam sont, par suite de sa transgression, devenus pécheurs par leurs dispositions ou par leurs actes. Mais bien qu'il ne soit encore rien décidé sur le côté formel, subjectif du péché, cette déclaration de saint Paul implique cependant que les descendants d'Adam ne peuvent avoir possédé une liberté leur permettant de ne pas violer la loi de Dieu, soit par leurs dispositions, soit par leurs actes. Ils ne peuvent donc avoir été capables de faire exclusivement le bien. >>

Voilà pourquoi on ne saurait admettre une liberté de choix et d'indifférence chez tous et à tous les degrés du développement dans le domaine religieux et moral, la liberté de choix n'est que relative. « D'une part sous l'action de la discipline divine, de l'autre en présence des manifestations de la grâce divine, l'homme peut s'éloigner intérieurement du mal, désirer le secours, le saisir quand Dieu le lui offre en Christ, et aussi mépriser la discipline et la grâce de Dieu, s'en détourner. Telle est la liberté latente, compatible avec la servitude du péché. Elle se manifeste dans les actes de repentance et de foi; c'est la limite pour la nécessité du péché actuel en présence de la

détermination au péché provenant de la nature. Même après la chute, il y a pour l'homme de ces moments où il s'agit de se prononcer pour ou contre Dieu. Et toutefois, aussi longtemps que Christ n'est pas là, il ne peut effectuer un changement pareil qui amène des dispositions de cœur entièrement nouvelles... >>

« Ainsi, pour concilier les facteurs en apparence exclusifs les uns des autres qui ont produit notre état actuel de péché et qui le présentent à la fois comme le produit de la disposition au péché venant d'Adam et de la détermination personnelle, il faut accorder à chacun non pas une valeur absolue, mais un simple valeur relative. La disposition au péché, innée à l'homme, concourt à lui faire prendre sa détermination, puisque la détermination antérieure exerce toujours son influence quand il s'agit d'en prendre une nouvelle. Mais il ne peut être question que d'une détermination relative; il n'y a pas de dépendance absolue de la disposition mauvaise, car l'homme, en se déterminant à nouveau, peut réagir contre la détermination antérieure, sinon d'une manière radicale, du moins suffisamment pour se tourner vers Dieu, chercher le salut, le saisir quand il lui est offert. D'un autre côté l'homme, en face de sa disposition native au péché, n'est pas entièrement indépendant: quand il est question de prendre une détermination, il est relativement prédéterminé à se prononcer dans un sens plutôt que dans l'autre. » (Pag. 345 et suivantes.)

Voici donc le résultat auquel nous arrivons. « Pour qu'il y ait responsabilité et culpabilité chez les descendants d'Adam, il n'est pas indispensable que leur décision personnelle en soit la cause exclusive et absolue, il suffit de son concours. De sorte que les descendants d'Adam ne sont ni absolument responsables, ni absolument coupables, mais seulement relativement responsables et coupables » (pag. 353), à la suite du péché actuel et personnel.

Mais en faisant ces concessions, qu'on ne peut refuser sous peine de tomber dans un pélagianisme qui ne connaît pas la nature humaine, aurions-nous peut-être mis le pied sur la pente fatale qui conduit aux dernières conséquences de l'au

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