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Il a mon calque; il a ma foubreveste.

Il était vrai; la Jeanne avait raison.

Pucelle Chant at

CHANT XIX.

ARGUMENT.

Mort du brave et tendre la Trimouille et de la charmante Dorothée. Le dur Tirconel fe fait chartreux.

OEUR de la mort, impitoyable guerre,
Droit des brigands que nous nommons héros,
Monftre fanglant, né des flancs d'Atropos,
Que tes forfaits ont dépeuplé la terre!

Tu la couvris et de fang et de pleurs.

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Mais quand l'Amour joint encor fes malheurs
A ceux de Mars, lorfque la main chérie
D'un tendre amant, de faveurs enivré,
Répand un fang par lui-même adoré,
Et qu'il voudrait racheter de fa vie;
Lorfqu'il enfonce un poignard égaré
Au même fein que fes lèvres brûlantes
Ont marqueté d'empreintes fi touchantes ;
Qu'il voit fermer à la clarté du jour
Ces yeux aimés qui refpiraient l'amour:
D'un tel objet les peintures terribles"
Font plus d'effet fur les cœurs nés sensibles,
Que cent guerriers qui terminent leur fort,
Payés d'un roi pour courir à la mort.

CHARLE, entouré de la troupe royale,
Avait repris cette raifon fatale,

Préfent maudit dont on fait tant de cas,
Et s'en fervait pour chercher les combats.
Ils cheminaient vers les murs de la ville,
Vers ce château, fon noble et sûr afile,
Où fe gardaient ces magasins de Mars,
Ce long amas de lances et de dards,
Et les canons que l'enfer en fa rage
Avait fondus pour notre affreux usage.
Déjà des tours le faîte paraissait;

La troupe en hâte au grand trot avançait,
Pleine d'efpoir ainfi que de courage:
Mais la Trimouille, honneur des Poitevins
Et des amans, allant près de fa dame
Au petit pas, et parlant de fa flamme,
Manqua fa route et prit d'autres chemins.

DANS un vallon qu'arrose une onde pure,
Au fond d'un bois de cyprès toujours verds,
Qu'en pyramide a formés la nature,
Et dont le faîte a bravé cent hivers,
Il eft un antre où souvent les Naïades
Et les Silvains viennent prendre le frais.
Un clair ruiffeau, par des conduits fecrets,
Y tombe en nappe et forme vingt cafcades;
Un tapis verd eft tendu tout auprès;
Le ferpolet, la mélisse naissante,
Le blanc jafmin, la jonquille odorante,
Y femblent dire aux bergers d'alentour:
Repofez-vous fur ce lit de l'Amour.
Le Poitevin entendit ce langage
Du fond du cœur. L'haleine des zéphyrs,
Le lieu, le temps, fa tendreffe, fon âge,

Sur-tout fa dame, allument fes défirs.
Les deux amans de cheval defcendirent.
Sur le gazon côte à côte fe mirent,

Et puis des fleurs, puis des baisers cueillirent:
Mars et Vénus, planant du haut des cieux,
N'ont jamais vu d'objets plus dignes d'eux.
Du fond des bois les Nymphes applaudirent;
Et les moineaux, les pigeons de ces lieux
Prirent exemple, et s'en aimèrent mieux.

DANS le bois même était une chapelle,
Séjour funèbre à la mort confacré,
Où l'avant-veille on avait enterré
De Jean Chandos la dépouille mortelle.
Deux deffervans, vêtus d'un blanc furplis,
Y dépêchaient de longs De profundis ;
Paul Tirconel affiftait au fervice,
Non qu'il goûtât ce dévot exercice,
Mais au défunt il était attaché.

Du preux Chandos il était frère d'armes,
Fier comme lui, comme lui débauché,
Ne connaisfant ni l'amour ni les larmes.
Il confervait un refte d'amitié

Pour Jean Chandos ; et dans fa violence

Il jurait DIEU qu'il en prendrait vengeance, Plus colère encor que par pitié.

par

IL aperçut du coin d'une fenêtre Les deux chevaux qui s'amusaient à paître; Il va vers eux : ils tournent en ruant Vers la fontaine, où l'un et l'autre amant A fes transports en fecret s'abandonne,

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