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Qui? dit Dunois. Le bon roi lui repart:
Ne fais-tu pas ce qu'elle eft devenue? -
Qui donc ? — hélas ! elle était disparue,
Hier au foir, avant qu'un heureux fort
Nous eût conduits au château de Bedfort:
Et dans la place on eft entré fans elle.
Nous la trouverons bien, dit la Pucelle.
Ciel! dit le roi, qu'elle me foit fidelle!
Garde-la moi. Pendant ce beau discours,
Il avançait et combattait toujours.

BIENTOT la nuit, couvrant notre hémisphère, L'enveloppa d'un noir et long manteau,

Et mit un terme à ce cours tout nouveau
Des beaux exploits que Charle eût voulu faire.

COMME il fortait de cette grande affaire,

Il entendit qu'on avait le matin

Vu cheminer vers la forêt voisine
Quelques tendrons du genre féminin ;
Une fur-tout, à la taille divine,

Aux grands yeux bleus, au minois enfantin,
Au fouris tendre, à la peau de fatin,
Que fermonait un bon bénédictin.
Des écuyers brillans, à mines fières,
Des chevaliers, fur leurs courfiers fringans,
Couverts d'acier, et d'or et de rubans,
Accompagnaient les belles cavalières.
La troupe errante avait porté fes pas
Vers un palais qu'on ne connaiffait pas,
Et que jamais, avant cette aventure,

On n'avait vu dans ces lieux écartés;

Rien n'égalait fa bizarre ftructure.

LE roi, furpris de tant de nouveautés,
Dit à Bonneau : Qui m'aime doit me fuivre ;
Demain matin, je veux au point du jour
Revoir l'objet de mon fidèle amour,
Reprendre Agnès, ou bien ceffer de vivre,
Il refta peu dans les bras du fommeil.
Et quand Phosphore, (x) au visage vermeil,
Eut précédé les roses de l'aurore,

Quand dans le ciel on attelait encore
Les beaux courfiers que conduit le foleil, (y)
Le roi, Bonneau, Dunois et la Pucelle,
Allégrement fe remirent en felle,
Pour découvrir ce fuperbe palais.
Charles disait : Voyons d'abord ma belle;
Nous rejoindrons affez tôt les Anglais;
Le plus preffé, c'eft de vivre avec elle.

Fin du feizième Chant.

NOTES

DU CHANT SEIZIEME.

(a) J'AVOUE

'AVOUE que je ne l'ai point lu dans Tritême : mais il se peut que je n'aie pas lu tous les ouvrages de ce grand homme.

(b) Remettez votre épée en fon lieu, car qui prendra l'épée périra par l'épée. Saint Pierre confeille ici avec une piété adroite aux Anglais de ne pas faire la guerre.

(c) La Motte-Houdart, poëte un peu fec, mais qui a fait d'affez bonnes chofes, avait malheureusement fait des odes en profe, en 1730; preuve nouvelle que ce poëme divin fut composé vers ce temps-là.

(d) Fortunat, évêque de Poitiers, poëte. Il n'eft pas l'auteur du Pange lingua, qu'on lui attribue.

(e) Saint Profper, auteur d'un poëme fort fec fur la grâce, au cinquième fiècle.

(f) Grégoire de Tours, le premier qui écrivit une hiftoire de France, toute pleine de miracles.

(g) Saint Bernard, bourguignon, né en 1091, moine de Citeaux, puis abbé de Clervaux; il entra dans toutes les affaires publiques de fon temps, et agit autant qu'il écrivit. On ne voit pas qu'il ait fait beaucoup de vers. Quant à l'antithèse dont notre auteur le glorifie, il est vrai qu'il était grand amateur de cette figure. Il dit d'Abélard: Leonem invafimus, infidimus in draconem. Sa mère étant groffe de lui fongea qu'elle accouchait d'un chien blanc, et on lui prédit que son fils serait moine, et aboierait contre les mondains.

(h) Saint Austin ou Auguflin, moine qu'on regarde comme le fondateur de la primatie de Cantorbéri, ou Kenterburi.

(i) Les Juifs empruntèrent, comme on fait, les vases des Egyptiens, et s'enfuirent.

(k) Les lévites qui égorgèrent vingt mille de leurs frères.

(1) Phynée qui fit maffacrer vingt-quatre mille de fes frères, parce qu'un d'eux couchait avec une madianite.

( m ) Aod, ou Eüd, affaffina le roi Eglon, mais de la main gauche.

(n) Samuel coupa en morceaux le roi Agag que Saül avait mis à

rançon.

(0) Judith affez connue.

(p) Baza, roi d'Ifraël, affaffina Nadad ou Nabab, et lui fuccéda.

(9) Achab avait eu une grosse rançon de Benhadad, roi syrien, comme Saul en avait eu une d'Agag, et fut tué pour avoir pardonné. Benhadad vaincu envoya des députés à Achab pour lui demander la vie. S'il vit, répondit Achab aux députés, il n'eft plus que mon frère. Cette réponse qui, humainement parlant, eft d'une naïveté touchante et fublime, attira fur Achab la colère du ciel et fur-tout celle des prophètes. (Rois, liv. III, ch. 20.)

(r) Joas affaffiné par Jozabad.

(s) Allufion à l'épigramme de Racine :

Je pleurs, hélas ! de ce pauvre Holopherne,

Si méchamment mis à mort par Judith.

(1) Bafilic, animal fort fameux, mais qui n'exista jamais.

(u) Léviatan, autre animal fort célèbre. Les uns difent que c'eft la baleine, les autres le crocodile.

(*) Phosphore, porte-lumière, qui précédait l'aurore, laquelle précédait le char du foleil. Tout était animé, tout était brillant dans l'ancienne mythologie. On ne peut trop en poëfie déplorer la perte de ces temps de génie, remplis de belles fictions, toutes allégoriques. Que nous sommes fecs et arides en comparaison, nous autres remués de barbares!

(y) Les anciens donnèrent un char au foleil. Cela était fort commun. Zoroastre traversait les airs dans un char; Elie fut transporté au ciel dans un char lumineux. Les quatre chevaux du soleil étaient blancs. Leurs noms étaient Piroïs, Eoüs, Eton, Phlégon, selon Ovide ; c'est-à-dire, l'enflammé, l'oriental, l'annuel, le brûlant. Mais felon d'autres favans antiquaires, ils s'appelaient Erithrée, Actéon, Lampos et Philogée; c'est-à-dire, le rouge, le lumineux, l'éclatant, le terreftre. Je crois que ces favans se font trompés, et qu'ils ont pris les noms des quatre parties du jour pour ceux des chevaux ; c'est une erreur groffière que je démontrerai dans le prochain mercure, en attendant les deux differtations in-folio que j'ai faites fur ce fujet.

Fin des Notes du Chant feizième.

CHANT XVII.

ARGUMENT.

Comment Charles VII, Agnès, Jeanne, Dunois, la Trimouille, &c. devinrent tous fous, et comment ils revinrent en leur bon fens par les exorcifmes du R. P. Bonifoux, confeffeur ordinaire du roi.

OH que ce monde eft rempli d'enchanteurs!
Je ne dirai rien des enchanteresses.
Je t'ai paffé, temps heureux des faibleffes,
Printemps des fous, bel âge des erreurs ;
Mais à tout âge on trouve des trompeurs,
De vrais forciers, tout-puiffans féducteurs,
Vêtus de pourpre et rayonnans de gloire.
Au haut des cieux ils vous mènent d'abord,
Puis on vous plonge au fond de l'onde noire;
Et vous buyez l'amertume et la mort.
Gardez-vous tous, gens de bien que vous êtes,
De vous frotter à de tels négromans:
Et s'il vous faut quelques enchantemens,
Aux plus grands rois préférez vos grisettes.

HERMAPHRODIX a bâti tout exprès

Le beau château qui retenait Agnès,
Pour fe venger des belles de la France,
Des chevaliers, des ânes et des faints
Dont la pudeur et les exploits divins
Avaient bravé fa magique puiffance.

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