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CHANT X I.

ARGUMENT.

Les Anglais violent le couvent: combat de faint George, patron d'Angleterre, contre faint Denis, patron de la

France.

JEV

E vous dirai, fans harangué inutile,
Que le matin nos deux charmans reclus
Laffés tous deux de plaifirs défendus,
S'abandonnaient, l'un vers l'autre étendus,
Au doux repos d'une ivreffe tranquille.

UN bruit affreux dérangea leur fommeil.
De tous côtés le flambeau de la guerre,
L'horrible mort éclaire leur réveil ;
Près du couvent le fang couvrait la terre.
Cet efcadron de malandrins anglais

Avait battu cet efcadron français.
Ceux-ci s'en vont au travers de la plaine,
Le fer en main; ceux-là volent après,
Frappant, tuant, criant tous hors d'haleine :
Mourez fur l'heure, ou rendez-nous Agnès.
Mais aucun d'eux n'en favait des nouvelles.
Le vieux Colin, pasteur de ces cantons,
Leur dit: Meffieurs, en gardant mes moutons,
Je vis hier le miracle des belles,

Qui vers le foir entrait en ce Moutier.

Lors les Anglais fe mirent à crier :

A ce difcours La Trimouille repond,

Ce n'ell point moi. Je n'ai point cette gloire.

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Ah! c'eft Agnès, n'en doutons point, c'est elle;

Entrons, amis. La cohorte cruelle

Saute à l'instant dessus ces murs bénis.

Voilà les loups au milieu des brebis.

DANS le dortoir, de cellule en cellule,
A la chapelle, à la cave, en tout lieu,
Ces ennemis des fervantes de Dieu

Attaquent tout fans honte et sans fcrupule.
Ah! fœur Agnès, fœur Marton, fœur Ursule,
Où courez-vous, levant les mains aux cieux,
Le trouble au sein, la mort dans vos beaux yeux?
Où fuyez-vous, colombes gémissantes ?
Vous embraffez, interdites, tremblantes,
Ce faint autel, afile redouté,

Sacré garant de votre chafteté.

C'est vainement, dans ce péril funefte,
Que vous criez à votre époux céleste.
A fes yeux même, à ces mêmes autels,
Tendre troupeau, vos raviffeurs cruels
Vont profaner la foi pure et facrée
Qu'innocemment votre bouche a jurée.

Je fais qu'il eft des lecteurs bien mondains,
Gens fans pudeur, ennemis des nonnains,
Mauvais plaisans, de qui l'efprit frivole
Ofe infulter aux filles qu'on viole :

Laiffons-les dire. -Hélas! mes chères fœurs,
Qu'il eft affreux pour de fi jeunes cœurs,
Pour des beautés fi fimples, fi timides,

De fe débattre en des bras homicides,
De recevoir les baifers dégoûtans

De ces félons de carnage fumans;

Qui d'un effort détestable et farouche,

Les yeux en feu, le blafphême à la bouche,
Mêlant l'outrage avec la volupté,

Vous font l'amour avec férocité !

De qui l'haleine horrible, empoisonnée,
La barbe dure et la main forcenée,

Le corps hideux, le bras noir et fanglant,
Semblent donner la mort en careffant,

Et qu'on prendrait, dans leurs fureurs étranges,
Pour des démons qui violent des anges!

DEJA le crime, aux regards effrontés,
A fait rougir ces pudiques beautés.
Sœur Rebondi, fi dévote et fi fage,
Au fier Shipunk eft tombée en partage.
Le dur Barclay, l'incrédule Warton,
Sont tous les deux après fœur Amidon.

On pleure, on prie, on jure, on preffe, on cogne.
Dans le tumulte on voyait fœur Befogne
Se débattant contre Bard et Parson.
Ils ignoraient que Befogne eft garçon,
Et la preffaient fans entendre raison.
Aimable Agnès, dans la troupe affligée
Vous n'étiez pas pour être négligée;
Et votre fort, objet charmant et doux,
Eft à jamais de pécher malgré vous.
Le chef fanglant de la gent facrilége,
Hardi vainqueur, vous preffe et vous affiége;
Et les foldats, foumis dans leur fureur,
Avec refpect lui cédaient cet honneur.

LE jufte ciel, en fes décrets févères,
Met quelquefois un terme à nos misères.

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