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AVERTISSEMENT

DES ÉDITEURS.

On ne s'étonnera pas de trouver réunis dans le même volume Pline le une et Quintilien. Le même siècle les a vus naitre; tous deux ont été les ntemporains et les amis de Tacite; tous deux ont laissé un nom célèbre ins l'histoire de l'éloquence: Quintilien en donnant les préceptes de ce rand art, Pline le Jeune en les pratiquant. Une dernière analogie plus péciale encore les rapproche: tous deux traitent de l'éloquence, Quintilien ans un ouvrage de doctrine, Pline le Jeune par de nombreuses réflexions semées dans sa correspondance, qui prouvent que l'art oratoire faisait. Fobjet de ses réflexions les plus habituelles, et qui le plus souvent confirment les principes exposés par Quintilien.

Induction que nous donnons de ce dernier est nouvelle. Il sera facile voir, par la comparaison de ce travail avec les traductions précédentes, combien il importait que Quintilien fût étudié de nouveau et traduit de plus près. Aucun auteur n'est plus abondant en ces sortes de nuances, qui formen comme le domaine du goût, et dont la délicatesse échappe à un traductuur qui ne réunirait pas à une grande connaissance de la langue, beaucoup de sagacité et de patience. Or, c'est seulement par l'intelligence de toutes ces finesses du bon sens de Quintilien qu'on peut s'expliquer le jugement imposant que la Fontaine en a porté dans sa charmante épitre à Huet, et l'admiration qu'il professe si naïvement pour ce grand maître. Nous avons fort à faire pour entendre les grands écrivains de la latinité seulement comme on les entendait au temps de la Fontaine.

La traduction des lettres de Pline le Jeune est celle de Sacy. Il ne parait guère possible de rendre avec plus de naturel et d'élégance les grâces un peu étudiées de ce style. Le très-mince avantage qu'offrirait une traduction nouvelle, en rétablissant le véritable sens aux endroits où il a pu échapper à de Sacy, ne compenserait pas l'infériorité presque inévitable dans tout le reste. Nous avons mieux aimé, dans une révision discrète, faire disparaître ces tachos légères, et conserver, au moyen de quelques corrections tou« cons motivées, une de ces traductions qui ont mérité quelque peu de la ⚫ si bit réservée aux ouvrages originaux.

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Nous n'avions pas les mêmes motifs pour reproduire la traduction u'a donnée de Sacy du panégyrique de Trajan. Là, les fautes d'inexactiude sont très-nombreuses, et l'ensemble du travail est faible et languissnt. M. Burnouf nous a permis d'y substituer l'excellente traduction qu'i en a publiée dans ces derniers temps. Il l'a fait suivre de notes où se montent son profond savoir comme philologue et son goût comme humaniste Le texte de cette partie des œuvres de Pline le Jeune est un des plus savats travaux de M. Burnouf.

Le texte de Quintilien est fidèlement reproduit de la collection Lemae.

NOTICE SUR QUINTILIEN.

Quintilien (Marcus-Fabius Quintilianus) naquit, suivant Ausone, saint Jérôme et quelques autres, à Calagurris, ville de l'Espagne Tarragonaise. Cependant on croirait plutôt, en lisant ce qu'il dit de ses études et de ses maîtres, que c'est à Rome qu'il est né. Martial, qui était Espagnol, ne l'a pas compris dans l'épigramme où il cite avec honneur les noms de ses compatriotes qui avaient quelque réputation; il fait, au contraire, un éloge à part de Quintilien, sans revendiquer pour sa patrie la gloire d'avoir produit un homme aussi distingué. On ne connaît pas plus surement l'époque de sa naissance ni celle de sa mort. Ce qui est certain, c'est qu'il fut élevé à Rome. Il nous apprend lui-même que, très-jeune encore, il avait vu Domitius Afer, qu'il l'avait pris pour modèle et s'était attaché à lui comme au plus grand orateur de son temps. Or, Domitius Afer mourut l'an 59 de Jésus-Christ. Après avoir exercé avec éclat la profession d'avocat, Quintilien enseigna publiquement la rhétorique sous Vespasien, et fut le premier rhéteur qui reçut un traitement de l'État. Il plut également à Domitien, qui lui confia l'éducation de ses petits-neveux. On lit dans quel ques biographies que ce prince le fit consul; mais Ausone, qui a donné lieu à cette erreur, dit seulement qu'il obtint les ornements consulaires : Quintilianus consularia per Clementem ornamenta sortitus. Quintilien nous apprend encore que, après avoir professé pendant vingt ans, il abandonna ses fonctions publiques, et qu'à la sollicitation de ses amis, il composa, dans sa retraite, l'ouvrage qui a immortalisé son nom.

L'Institution oratoire est un de ces livres qu'on ne peut lire sans devenir, non- seulement plus sensé, mais même meilleur. « Il serait à souhaiter, dit Bayle, que tous ceux qui font des livres ne ⚫ les composassent qu'après avoir lu celui-là avec beaucoup d'attention. Je suis bien fâché de n'a- voir connu que trop tard l'importance de cette conduite. M. de la Fontaine, qui se connaissait • si bien en bonnes choses, estimait infiniment ce rhéteur. Cependant Quintilien est peu lu; et cela tient en grande partie à l'indifférence géné

rale pour tout ce qui s'appelle rhétorique et poétique. On s'imagine que le traité de Quintilien ne contient dans un plus gros volume que ce qu'on voit dans ces abrégés où les grammairiens modernes se sont bornés à reproduire les principales divisions et les termes techniques de la rhétorique ancienne. Rien n'est plus mal fondé que ce prejugé. L'Institution oratoire est un traité complet d'éducation, où l'orateur est considéré comme l'homme par excellence. Ce qui regarde l'éloquence ne vient qu'en son temps et en son lieu; car, comme l'auteur le dit lui-même, le but qu'il se propose est de former un homme de bien, habile dans l'art de parler: vir bonus, dicendi peritus; et, jusque dans les détails de la rhétorique proprement dite, il ne perd pas de vue sa définition de l'orateur. Nulle part il ne donne à penser que l'éloquence puisse être le résultat d'un procédé matériel. Il ne cesse, au contraire, de protester que, sans la vertu, sans la philosophie, sans la connaissance des choses divines et humaines, il est impossible de devenir véritablement éloquent. S'il se prévaut de l'autorité, de la tradition et de l'expérience, ce n'est pas pour proscrire la liberté du génie, ni pour condamner ces mouvements soudains, spontanés, qui font la vie même de la parole, mais pour établir que l'art n'est point arbitraire, et pour dévoiler tous les subterfuges de la médiocrité. S'il oppose les règles et les préceptes au talent, c'est pour prouver que, sans le travail, sans la méditation, sans l'étude des modèles, la plus heureuse nature ne peut produire que des ébauches, et que les plus grands orateurs et les plus grands poëtes ont été en même temps les hommes les plus savants et les plus laborieux. Partout il distingue implicitement la partie du langage qui parle à l'esprit de celle qui ne parle qu'aux sens; et il semble même avoir pris à tâche de démontrer jusqu'à l'évidence l'union intime du vrai et du beau, de l'idée et de la forme. Dans son vaste plan, il a prévu et embrassé toutes les questions auxquelles peut donner lieu l'art d'écrire; et, si nous saisissons aujourd'hui plus de rapports,

c'est moins à des découvertes nouvelles qu'à des définitions plus précises que nous devons cet avantage. Enfin, Quintilien est non-seulement un rhéteur judicieux, un philosophe profond, un homme vertueux et probe, mais encore un écrivain éloquent. Son style n'a pas, s'il est permis de parler ainsi, la vérité du style de Cicéron et des bons

auteurs du siècle d'Auguste; mais tout ce qu'on peut lui reprocher à cet égard, c'est de n'avoir pu échapper à l'influence du temps où il vivait. Sans contredit, l'Institution oratoire de Quintilien est une œuvre de génie, un des plus beaux et des plus précieux monuments de l'antiquité.

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