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ténèbres et à la solitude.Car tout bon maître aime un nombreux auditoire, et se croit digne d'un grand théâtre; tandis que d'ordinaire les hommes médiocres, par la conscience qu'ils ont de leur faiblesse, s'accommodent assez d'un seul élève, et descendent volontiers au rôle de pédagogues. Mais je veux que, par une faveur spéciale, par amitié ou par argent, on puisse avoir chez soi le maître le plus savant, un homme incomparable: pourra t-il consumer toute sa journée auprès d'un seul enfant? L'attention de l'élève lui-même pourrat-elle être si continue, qu'elle ne se lasse, comme la vue, d'être trop longtemps fixée sur un même objet? d'ailleurs l'étude demande le plus souvent que l'on soit seul. Ainsi, lorsque l'enfant écrit, apprend sa leçon ou médite, la présence du maître est inutile; et quiconque survient pendant ce temps-là, précepteur ou autre, il dérange l'élève dans son travail. Toute lecture n'exige pas toujours qu'un maître la prépare ou l'explique. Autrement, quand l'élève parviendrait-il à connaître un si grand nombre d'auteurs? Il ne s'agit donc que de lui assigner sa tâche de chaque jour : ce qui ne demande pas beaucoup de temps; et c'est pour cela qu'on peut enseigner à plusieurs à la fois tout ce qu'on a à enseigner à chacun en particulier. Telle est en effet la nature de la plupart des choses, que la même voix peut les communiquer à tous en même temps. Je ne parle pas des partitions et des déclamations des rhéteurs: quel que soit le nombre de leurs auditeurs, chacun peut profiter de tout. Car il n'en est pas de la voix d'un professeur comme d'un repas, qui diminue à mesure que croît le nombre des convives; mais il en est comme du soleil, qui dispense à tous toute sa lumière et toute sa chaleur. Est-ce un grammai

lumen tamen illud conventus honestissimi, tenebris ac solitudini prætulissem; nam optimus quisque præceptor frequentia gaudet, ac majore se theatro dignum putat. At fere minores ex conscientia suæ infirmitatis hærere singulis, et officio fungi quodammodo pædagogorum non indignantur. Sed præstet alicui vel gratia, vel amicitia, vel pecunia, ut doctissimum atque incomparabilem magistrum domi habeat num tamen ille totum in uno diem consumpturus est ? aut potest esse ulla tam perpetua discentis intentio, quæ non, ut visus oculorum, obtutu continuo fatigetur? quum præsertim multo plus secreti studia desiderent; neque enim scribenti, ediscenti, et cogitanti præceptor assistit, quorum aliquid agentibus, cujuscunque interventus impedimento est. Lectio quoque non omnis, nec semper, præeunte vel interpretante eget; quando enim tot auctorum notitia contingeret? ergo modicum tempus est, quo in totum diem velut opus ordinetur; ideoque per plures ire possunt etiam quæ singulis tradenda sunt : pleraque vero hanc conditionem habent, ut eadem voce ad omnes simul perferantur./Taceo de partitionibus et declamationibus rhetorum, quibus certe quantuscunque numerus adhibeatur, tamen unusquisque totum feret; non enim vox illa præceptoris, ut cœna, minus pluribus sufficit; sed ut sol, universis idem lucis calorisque largitur.

rien qui disserte sur les lois du langage, qui développe des questions, lise quelque trait historique ou fabuleux, ou commente un poëme; autant l'entendront, autant en profiteront.

Mais, dira-t-on encore, avec tant d'élèves comment suffire à la correction et à l'explication qui précède la lecture de chacun d'eux? C'est un inconvénient, sans doute; mais où n'y en a-t-il pas? bientôt nous en ferons voir la compensation. D'abord je n'entends pas qu'on envoie l'enfant dans une école où l'on croit qu'il sera negligé; en second lieu, un bon maître ne se chargera jajamais d'un nombre d'élèves au-dessus de ses forces; et, de notre côté, faisons en sorte de l'avoir je ne dis pas seulement pour ami, mais pour ami de la famille, afin qu'il agisse non par devoir, mais par affection: de cette manière, notre enfant ne sera pas confondu dans la foule. Ajoutez 16 à cela qu'il n'est pas de maître, pour peu qu'il soit lettré, qui ne donne des soins particuliers, dans l'intérêt de sa propre gloire, à l'élève en qui il aura distingué du zèle et de l'esprit. Au surplus, de ce qu'on doive fuir les écoles trop nombreuses, (ce que je n'accorde pas quand c'est le mérite du professeur qui justifie le concours), ce n'est pas une raison pour les fuir toutes. Autre chose est de les éviter, autre chose est de les choisir.

J'ai tâché de réfuter ce que l'on objecte contre les écoles ; il me reste maintenant à dire ce que je pense. Appelé à vivre dans le mouvement du monde et au grand jour des affaires publiques l'orateur doit, avant tout, s'accoutumer dès l'enfance à ne point redouter les hommes, et à ne point s'étioler dans l'ombre d'une vie solitaire. L'esprit veut être sans cesse excité, aiguillonné. Il languit dans l'isolement, et se rouille, pour ainsi dire, dans

Grammaticus quoque de ratione loquendi si disserat, quæstiones explicet, historias exponat, poemata enarrel : tot illa discent, quot audient. At enim emendationi prælectio. nique numerus obstat. Sit incommodum (nam quid fere undique placet?), mox illud comparabimus commodis. Nec ego tamen eo mitti puerum volo, ubi negligatur: sed neque præceptor bonus majore se turba, quam ut sustinere eam possit, oneraverit; et inprimis ea habenda cura est, ut is omni modo fiat nobis familiariter amicus, nec officium in docendo spectet, sed affectum : ita nunquam erimus in turba. Nec sane quisquam, litteris saltem leviter imbutus, eum, in quo studium ingeniumque perspexerit, non in suam quoque gloriam peculiariter fovebit; sed ut fugiendæ sint magnæ scholæ (cui ne ipsi quidem rei assentior, si ad aliquem merito concurritur), non tamen hoc eo valet, ut fugiendæ sint omnino scholæ. Aliud est enim vitare eas, aliud eligere. Et si refutavimus quæ contra dicuntur, jam explicemus, quid ipsi sequamur. Ante omnia, futurus orator, cui in maxima celebritate,`et in media reipublicæ luce vivendum est, assuescat jam a tenero non reformidare homines, neque illa solitaria et velut umbratili vita pallescere. Excitanda mens et attollenda semper est, quæ in hujusmodi secretis aut languescit, et quemdam velut in opaco situm ducit, aut contra tumescit

les ténèbres, ou bien il s'enfle d'une vaine présomption comment, en effet, ne pas s'en faire accroire quand on n'a jamais occasion de se comparer avec personne? Vient-on ensuite à se produire en public, le grand jour éblouit, on trébuche à chaque pas dans un chemin où tout est nouveau, parce qu'on a appris dans la solitude ce qu'il faut, au contraire, pratiquer au milieu du monde. Je ne parle pas de ces amitiés, empreintes d'un sentiment presque religieux, qui se prolongent avec la même vivacité jusque dans la vieillesse. Avoir partagé les mêmes études est un lien non moins sacré que d'avoir été initié aux mêmes mystères. Et ce qu'on appelle le sens commun, où le préndra-t-on, si l'on a fui la société, dont le besoin n'est pas seulement naturel aux hommes, mais aux animaux eux-mêmes, tout privés qu'ils sont de la parole? Ajoutez à cela que l'enfant n'apprend dans la maison paternelle que ce qu'on lui enseigne, et que dans une école il apprend encore ce qu'on enseigne aux autres. Il entend chaque jour approuver ou reprendre tantôt une chose, tantôt une autre; gourmander la paresse de celui-ci, louer l'activité de celui-là; et il en fait son profit. L'amour de la gloire pique son émulation: il attache de la honte à être vaincu par ses égaux, et de l'honneur à surpasser ses aînés. Tout cela enflamme l'esprit; et quoique l'ambition soit en elle-même un vice, elle est souvent l'occasion des vertus. Je me souviens d'un usage que mes maîtres avaient adopté avec succès: ils distribuaient les enfants par classes, et assignaient les rangs pour parler suivant la force de chacun, en sorte que, plus on avait fait de progrès, plus le rang était élevé. Cet ordre était soumis à des jugements, et c'était à qui remporterait l'avantage. Mais d'être le premier

inani persuasione; necesse est enim sibi nimium tribuat, qui se nemini comparat. Deinde quum proferenda sunt studia, caligat in sole, et omnia nova offendit, ut qui solus didicerit, quod inter multos faciendum est. Mitto amicitias, quæ ad senectutem usque firmissimæ durant, religiosa quadam necessitudine imbutæ; neque enim est sanctius, sacris iisdem, quam studiis initiari. Sensum ipsum, qui communis dicitur, ubi discet, quum se a congressu, qui non hominibus solum sed mutis quoque animalibus naturalis est, segregarit? Adde, quod domi ea sola discere potest, quæ ipsi præcipientur; in schola, etiam quæ aliis. Audiet multa quotidie probari, multa corrigi: proderit alicujus objurgata desidia, proderit laudata industria : excitabitur laude æmulatio; turpe ducet cedere pari, pulchrum superasse majores. Accendunt omnia bæc animos; et licet ipsa vitium sit ambitio, frequenter tamen causa virtutum est. Non inutilem scio servatum esse a præcep toribus meis morem, qui, quum pueros in classes distri buerant, ordinem dicendi secundum vires ingenii dabant; et ita superiore loco quisque declamabat, ut præcedere profectu videbatur. Hujus rei judicia præbebantur; ea nobis ingens palmæ contentio : ducere vero classem, multo pulcherrimum. Nec de hoc semel decretum erat : tricesimus

de la classe, c'était surtout ce qui faisait l'objet de notre ambition. Cette distribution n'était pas d'ailleurs irrévocablement fixée une fois pour toutes. Tous les trente jours, les vaincus pouvaient prendre leur revanche. Par là, le vainqueur ne se reposait pas sur son triomphe, et la douleur excitait le vaincu à laver sa honte. Autant que je puis me le rappeler, cette lutte nous inspirait plus d'ardeur pour l'étude de l'éloquence que les exhortations de nos maîtres, et la surveillance des pédagogues, et les vœux de nos parents.

Quant à ceux qui sont déjà avancés dans l'étude des lettres, c'est à qui approchera le plus du maître; mais les commençants d'un âge encore tendre imitent plus volontiers leurs condisciples que leurs maîtres, parce que cela leur est plus facile. En effet, un élève qui n'en est encore qu'aux premiers éléments osera difficilement élever ses espérances jusqu'à son maître, et aspirer à reproduire une éloquence qu'il regarde comme le type de la perfection. Il embrassera de préférence ce qui est à sa portée, comme la vigne s'attache d'abord aux rameaux inférieurs de l'arbre qui lui sert d'appui, avant de s'élancer au faîte. Cela est tellement vrai, que le maître luimême, si toutefois il songe plus à se rendre utile qu'à briller, a bien soin, en maniant des esprits encore neufs, de ne pas surcharger d'abord leur faiblesse, mais de tempérer ses forces et de descendre à leur intelligence. Si vous versez de l'eau trop abondamment dans un vase dont l'embouchure est étroite, rien n'entre; mais versez-la avec ménagement, ou même goutte à goutte, vous finirez par le remplir. Il faut de même calculer ce que l'esprit des enfants est capable de recevoir; car ce qui excédera leur intelligence

dies reddebat victo certaminis potestatem. Ita nec superior successu curam remittebat, et dolor victum ad depellendam ignominiam concitabat. Id nobis acriores ad studia dicendi faces subdidisse, quam exhortationes docentium, pædagogorum custodiam, vota parentum, quantum animi mei conjectura colligere possum, contenderim. Sed sicut firmiores in litteris profectus alit æmulatio; ita incipientibus, atque adhuc teneris, condiscipulorum quam præceptoris jucundior, hoc ipso quod facilior, imitatio est; vix enim se prima elementa ad spem tollere effingendæ, quam summam putant, eloquentiæ audebunt; proxima amplectuntur magis, ut vites arboribus applicitæ, inferiores prius apprehendendo ramos, in cacumina evadunt. Quod adeo verum est, ut ipsius etiam magistri, si tamen ambitiosis utilia præferet, hoc opus sit, quum adhuc rudia tractabit ingenia, non statim onerare infirmitatem discentium, sed temperare vires suas, et ad intellectum audientis descendere. Nam ut vascula oris angusti superfusam humoris copiam respuunt, sensim autem influentibus, vel etiam instillatis complentur; sic animi puerorum quantum excipere possint, videndum est: nam majora intellectu, velut parum apertos ad percipiendum, animos non subibunt. Utile igitur est habere, quos imitari primum, mox

qu'ils ont de ridicule. Je n'aurai pas bonne opinion du naturel d'un enfant qui, dans son goût pour l'imitation, ne cherchera qu'à faire rire. L'enfant vraiment spirituel, comme je l'entends, sera bon avant tout. Autrement, j'aimerais autant qu'il eût l'esprit lourd que de l'avoir méchant. Mais cette bonté n'aura rien de commun avec la pesanteur et l'inertie. Celui dont je me fais l'idée comprendra sans peine ce qu'on lui enseigne, il interrogera même quelquefois; mais son allure sera plutôt de suivre que de courir en avant. Ces espèces d'esprits précoces n'arrivent presque jamais à maturité. On les reconnaît à leur facilité à faire de petites choses; se

n'entrera pas dans leur esprit, pour ainsi dire, faute d'ouverture. Il est donc utile d'avoir quelqu'un qu'on se propose d'imiter, en attendant qu'on soit en état de le surpasser. C'est ainsi qu'on s'élèvera peu à peu à de plus hautes espérances. Ajoutons à cela que le maître ne peut parler avec la même force et la même chaleur en présence d'un seul élève, que s'il était animé par la présence d'un nombreux auditoire. Le véritable foyer de l'éloquence, c'est l'âme : il faut qu'elle soit émue, il faut qu'elle se remplisse d'images, et qu'elle s'identifie pour ainsi dire avec les choses dont on a a parler. Plus l'âme est généreuse et élevée, plus il lui faut de puissants leviers pour l'ébranler. C'est pour cela que la louange lui donne plus d'es-condés d'une certaine audace, ils font voir tout sor, que la lutte redouble ses forces, et qu'elle se complait dans les grands rôles. Au contraire, on ressent un secret dédain d'abaisser à un seul auditeur ce talent de la parole, acquis au prix de tant de travaux ; on rougit de s'élever au-dessus du ton de la conversation. Représentez-vous, en effet, l'air d'un rhéteur qui déclame, ou la voix, le geste, la prononciation d'un orateur qui sue et s'escrime de corps et d'âme, et cela face à face avec un seul auditeur : ne serez-vous pas tenté de le prendre pour un fou? L'éloquence n'existerait pas sur la terre, si l'on n'avait jamais à parler qu'en particulier.

CHAP. III. Un maître habile doit commencer par bien connaître l'esprit et la nature de l'enfant qui lui est confié. Le principal indice de l'esprit dans le jeune âge, c'est la mémoire, laquelle consiste à apprendre aisément et à bien retenir. Après la mémoire, c'est l'imitation, qui annonce aussi de l'aptitude, pourvu cependant que l'enfant se borne à reproduire ce qu'on lui enseigne, et non à contrefaire l'air et la démarche des gens, et ce

vincere velis; ita, paulatim et superiorum spes erit. His adjicio, præceptores ipsos non idem mentis ac spiritus in dicendo posse concipere singulis tantum præsentibus, quod illa celebritate audientium instinctos. Maxima enim pars eloquentiæ constat animo: hunc affici, hunc concipere imagines rerum, et transformari quodammodo ad naturam eorum, de quibus loquimur, necesse est. Is porro, quo generosior celsiorque est, hoc majoribus velut organis commovetur; ideoque et laude crescit, et impetu augetur, et aliquid magnum agere gaudet. Est quædam tacita dedignatio, vim dicendi, tantis comparatam laboribus, ad unum auditorem demittere: pudet supra modum sermonis attolli. Et sane concipiat quis mente vel declamantis habitum, vel orantis vocem, incessum, pronunciationem, illum denique animi et corporis motum, sudorem, ut alia præteream, et fatigationem, audiente uno; nonne quiddam pati furori simile videatur? Non esset in rebus humamis eloquentia, si tantum cum singulis loqueremur.

CAP. III. Tradito sibi puero, docendi peritus ingenium ejus inprimis naturamque perspiciat. Ingenii signum in parvis præcipuum, memoria est. Ejus duplex virtus, facile percipere, et fideliter continere. Proximum, imitatio : nam id quoque est docilis naturæ ; sic tamen, ut ea, quæ discit,

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d'abord ce qu'ils peuvent en ce genre; mais ce qu'ils peuvent ne s'étend pas loin. Ils articulent plusieurs mots de suite, et les prononcent d'un air assuré, sans hésiter, sans crainte de mal dire; ils ne font pas beaucoup, mais ils font vite. Leur force est toute superficielle; elle ne s'appuie pas sur de profondes racines, et ressemble à ces semences tombées à fleur de terre, qui lèvent incontinent, et dont les petites herbes ne produisent que des épis vides, avant le temps de la moisson. Cela plaît dans l'enfance, à cause du contraste; mais tout à coup les progrès s'arrêtent et le charme s'évanouit.

Après avoir fait ces remarques, le maître examinera comment l'esprit des enfants veut être manié. Il en est qui se relâchent, si on ne les presse incessamment; il en est qui ne peuvent se plier à aucun joug; la crainte retient les uns, elle énerve les autres. Ceux-ci ne produisent rien qu'à force de labeur; ceux-là vont plutôt par impétueuses saillies. Pour moi, je veux un enfant que la louange excite, qui soit sensible à la gloire, qu'une dé

effingat, non habitum forte et incessum, et si quid in pejus notabile est. Non dabit mihi spem bonæ indolis, qui hoc imitandi studio petet, ut rideatur: nam probus quoque inprimis erit ille vere ingeniosus; alioqui non pejus duxerim tardi esse ingenii, quam mali. Probus autem ab illo segni et jacente plurimum aberit. Hic meus, quæ tradentur, non difficulter accipiet; quædam etiam interrogabit; sequetur tamen magis, quam præcurret. Illud ingeniorum velut præcox genus; non temere unquam pervenit ad frugem. Hi sunt, qui parva facile faciunt, et audacia provecti, quidquid illic possunt, statim ostendunt. Possunt autem id demum, quod in proximo est; verba continuant; hæc vultu interrito, nulla tardati verecundia, proferunt; non multum præstant, sed cito; non subest vera vis, nec penitus immissis radicibus nititur, ut quæ summo solo sparsa sunt semina, celerius se effundunt, et imitatæ spicas herbulæ inanibus aristis ante messem flavescunt. Placent hæc annis comparata; deinde stat profectus, admiratio decrescit Hæc quum animadverterit, prospiciat deinceps, quonam modo tractandus sit discentis animus. Sunt quidam, nisi institeris, remissi, quidam imperia indignantur, quosdam continet metus, quosdam debilitat; alios continuatio extundit, in aliis plus impetus facit. Mihi ille detur puer,

faite fasse pleurer. L'ambition sera son aliment: un reproche le piquera au vif, l'honneur l'aiguillonnera. Jamais je ne craindrai la paresse dans un enfant de cette nature. Cependant il faut accorder à tous quelque relâche, non-seulement parce que rien n'est à l'épreuve d'un travail continu, et que les choses même privées de sentiment et de vie ont besoin d'une alternative de repos, qui les détende en quelque sorte, pour se conserver; mais encore parce que l'amour de l'étude a son principe dans la volonté, sur laquelle la contrainte ne peut rien. Aussi les enfants se remettent-ils avec plus de vigueur au travail quand ils sont, pour ainsi dire, renouvelés et rafraîchis, et que l'air de la liberté a retrempé leur âme. L'amour du jeu ne me déplaît pas dans les enfants, il est même un signe de vivacité. Un enfant que je verrais toujours morne, abattu et fuyant les ébats de cet âge, me donnerait une mauvaise idée de son activité pour les exercices de l'esprit. Mais en cela, comme en tout, il y a un milieu à garder: trop de travail leur ferait prendre l'étude en aversion; trop de délassement leur ferait contracter l'habitude de l'oisiveté. Il y a des amusements qui peuvent servir à exercer l'esprit des enfants et qui consistent dans de petites questions de toute espèce qu'ils se proposent tour à tour. C'est aussi dans le jeu que les inclinations se décèlent avec le plus de naïveté, pourvu qu'on se souvienne qu'il n'est pas d'âge si tendre qui ne sache discerner le bien du mal, et qu'il n'est peutêtre point de temps plus favorable pour former les mœurs que celui où la dissimulation est inconnue et où la voix du maître a tant d'autorité. Mais vous parviendrez plutôt à rompre qu'à redresser ce qui a crû dans une mauvaise direction. On

quem laus excitet, quem gloria juvet, qui victus fleat. Hic erit alendus ambitu, hunc mordebit objurgatio, hunc honor excitabit; in hoc desidiam nunquam verebor. Danda est tamen omnibus aliqua remissio; non solum, quia nulla res est, quæ perferre possit continuum laborem; atque ea quoque, quæ sensu et anima carent, ut servare vim suam possint, velut alterna quiete retenduntur: sed quod studium discendi, voluntate, quæ cogi non potest, constat. Itaque et virium plus afferunt ad discendum renovati ac recentes, et acriorem animum, qui fere necessitatibus repugnat. Nec me offenderit lusus in pueris : est et hoc signum alacritatis. Neque illum tristem, semperque demissum, sperare possum erectæ circa studia mentis fore, quum in hoc quoque, maxime naturali ætatibus illis, impetu jaceat. Modus tamen sit remissionibus, ne aut odium studiorum faciant negatæ, aut otii consuetudinem nimiæ. Sunt etiam nonnulli acuendis puerorum ingeniis non inutiles lusus, quum positis invicem cujusque generis quæstiunculis æmulantur. Mores quoque se inter ludendum simplicius detegunt, modo nulla videatur ætas tam infirma, quæ non protinus quid rectum pravumque sit, discat; tum vel maxime formanda, quum simulandi nescia est, et præcipientibus facillime cedit. Frangas enim citius, quam corrigas, quæ in pravum induruerunt. Protinus

ne saurait donc avertir trop tôt un enfant de ne rien faire avec passion, avec méchanceté, avec emportement ; et il faut se souvenir toujours de ce mot de Virgile:

Tant de nos premiers ans l'habitude a de force!

Il y a une chose que je condamne absolument, quoique l'usage l'autorise et que Chrysippe ne la désapprouve pas : c'est de fouetter les enfants. D'abord c'est un châtiment bas et servile; et l'on ne saurait, au moins, disconvenir qu'à tout autre âge ce serait un affront cruel. Ensuite, l'enfant assez malheureusement né pour que les réprimandes ne le corrigent pas, s'endurcira bientôt aux coups comme les plus vils esclaves. Enfin on n'aura pas besoin de recourir à ce châ– timent, en plaçant près de l'enfant un surveillant assidu, chargé de lui faire rendre compte de ses études; car on peut dire qu'aujourd'hui c'est plutôt la négligence des pédagogues qu'on punit dans les enfants, puisqu'on les châtie, non pour les forcer à bien faire, mais pour n'avoir pas fait. Au surplus, si vous traitez ainsi l'enfant, que ferez-vous au jeune homme, que vous ne pourrez plus menacer de ce châtiment, et à qui vous aurez à enseigner des choses plus importantes? Ajoutez à cela que la douleur ou la crainte leur fait faire des choses, qu'on ne saurait honnêtement rapporter, et qui ne tardent pas à les couvrir de honte. Oppressée par d'ignominieux souvenirs, l'âme s'attriste jusqu'à fuir et détester la lumière. Que sera-ce, si l'on a négligé de s'assurer des mœurs des surveillants et des précepteurs? je n'ose dire à quelles infamies se portent des hommes abominables par suite du droit de châtier ainsi les enfants, ni les

ergo, ne quid cupide, ne quid improbe, ne quid impotenter faciat, monendus est puer, habendumque in animo semper illud Virgilianum :

Adeo in teneris consuescere multum est.

Cædi vero discentes, quamquam et receptum sit et Chrysippus non improbet, minime velim primum, quia deforme atque servile est, et certe, quod convenit, si ætatem mutes, injuria; deinde, quod si cui tam est mens illiberalis, ut objurgatione non corrigatur, is etiam ad plagas, ut pessima quæque mancipia, durabitur; postremo quod ne opus erit quidem hac castigatione, si assiduus studiorum exactor astiterit. Nunc fere negligentia pædagogorum sic emendari videtur, ut pueri non facere, quæ recta sunt, cogantur, sed, quum non fecerint, puniantur. Denique quum parvulum verberibus coegeris, quid juveni facias, cui nec adhiberi potest hic metus, et majora discenda sunt? Adde quod multa vapulantibus dictu deformia, et mox verecundiæ futura, sæpe dolore vel metu accidunt, qui pudor refringit animum, et abjicit, atque ipsius lucis fugam et tædium dictat. Jam si minor in diligendis custodum et præceptorum moribus fuit cura, pudet dicere, in quæ probra nefandi homines isto cædendi jure abutantur, quam det aliis quoque nonnunquam occasionem hic mise

attentats dont la crainte de ces malheureux enfants est quelquefois une occasion pour d'autres. Je ne m'arrêterai pas plus longtemps sur ce point; on ne m'a que trop compris: qu'il me suffise d'avoir protesté qu'il n'est permis à personne de trop entreprendre sur un âge faible, et naturellement exposé aux outrages.

Je vais maintenant parler des arts nécessaires à l'institution de l'orateur, en déterminant les études propres à chaque âge.

CHAP. IV. Dès que l'élève sait lire et écrire, le rôle du grammairien commence. Il n'importe que ce soit du grammairien grec ou du grammairien latin que je veuille parler, quoique, selon moi, le premier doive avoir la priorité. La méthode est la même pour tous les deux. Bien que la division de la grammaire soit très-succincte et se réduise à deux parties : l'art de parler correctement, et l'explication des poëtes, la grammaire est plus importante au fond qu'elle ne le paraît par sa définition. En effet, l'art d'écrire correctement est inséparable de l'art de parler correctement; et pour expliquer les poëtes, il faut savoir parfaitement lire. C'est de tout cela que se compose la critique, que les anciens grammairiens exerçaient avec tant de sévérité, que nonseulement ils se permettaient de marquer les pas sages qui leur paraissaient défectueux, et d'éliminer comme des enfants supposés ceux des ouvrages d'un écrivain qu'ils jugeaient leur avoir été faussement attribués; mais encore, dans la revue qu'ils faisaient des auteurs, ils reléguaient les uns dans la foule des écrivains vulgaires et excluaient les autres de toute classification.

Mais ce n'est pas assez d'avoir lu les poëtes, il faut encore approfondir les écrits de tout genre, non-seulement pour les traits d'histoire qui s'y rencontrent, mais aussi pour les mots qui tirent

rorum metus. Non morabor in parte hac: nimium est quod intelligitur; quare hoc dixisse satis est, in ætatem infirmam, et injuriæ obnoxiam, nemini debere nimium licere. Nunc quibus instituendus sit artibus, qui sic formabitur, ut fieri possit orator, et quæ in quaque ætate inchoanda, dicere ingrediar.

CAP. IV. Primus in eo, qui legendi scribendique adeptus erit facultatem, grammaticis est locus. Nec refert, de Græco an de Latino loquar; quamquam Græcum esse priorem placet. Utrique eadem via est. Hæc igitur professio, quum brevissime in duas partes dividatur, recte loquendi scienliam et poetarum enarrationem; plus habet in recessu, quam fronte promittit. Nam et scribendi ratio conjuncta cum loquendo est, et enarrationem præcedit emendata lectio, et mixtum his omnibus judicium est: quo quidem ita severe sunt usi veteres grammatici, ut non versus modo censoria quadam virgula notare, et libros, qui falso viderentur inscripti, tamquam subdititios summovere fainilia permiserint sibi; sed auctores alios in ordinem redegerint, alios omnino exemerint numero. Nec poetas legisse satis est: excutiendum omne scriptorum genus, non propter historias modo, sed verba, quæ frequenter jus ab

souvent leur autorité de ceux qui s'en sont servis. Ce n'est pas tout: sans la musique, la science grammaticale ne peut être complète, puisqu'elle a à traiter de mesures et de rhythmes. Elle ne peut non plus se passer de l'astronomie pour l'intelligence des poëtes, lesquels, sans parler d'autre chose, déterminent si souvent le temps par le lever et le coucher des astres. Comment, sans le secours de la philosophie, entendra-t-on les nombreux passages qui se trouvent dans presque tous les poëmes, et qui appartiennent aux questions les plus abstraites de la physique? Comment pourra-t-on lire, par exemple, Empedocle chez les Grecs, Varron et Lucrèce chez les Latins, qui ont enseigné la sagesse en vers? Enfin, il ne faut pas une médiocre éloquence pour traiter pertinemment et avec abondance chacune des connaissances dont nous venons de parler. On peut juger par là s'il faut écouter ceux qui se moquent de la grammaire comme d'une science vide et stérile, tandis que, si elle n'a servi à établir sur un fondement solide l'éducation de l'orateur, cette éducation aura la destinée de tous les édifices qui manquent par la base. La grammaire, indispensable aux enfants, est un délassement pour la vieillesse, et fait le charme de la retraite. De toutes les sciences, c'est peut-être la seule qui ait plus de fond que d'apparence. Ne dédaignons donc pas comme peu importants les éléments de la grammaire; non qu'il soit bien difficile de distinguer les consonnes des voyelles, ou de diviser celles-ci en demi-voyelles et muettes, mais parce que plus on pénètre dans les mystères de cette science, plus on y découvre de finesses, qui ne sont pas moins propres à aiguiser l'esprit des enfants qu'à exercer l'érudition et la science la plus profonde. En effet, toutes les oreilles sont-elles capables de bien saisir les tons

auctoribus sumunt. Tum nec citra musicen grammatice potest esse perfecta, quum ei de metris rhythmisque dicendum sit nec si rationem siderum ignoret, poetas intelligat; qui, ut alia mittam, toties ortu occasuque signorum in declarandis temporibus utuntur: nec ignara philosophiæ, cum propter plurimos in omnibus fere carminibus locos, ex intima quæstionum naturalium subtilitate repetitos; tum vel propter Empedoclem in Græcis, Varronem ac Lucretium in Latinis, qui præcepta sapientiæ versibus tradiderunt. Eloquentia quoque non mediocri est opus, ut de unaquaque earum, quas demonstravimus, rerum dicat proprie et copiose. Quo minus sunt ferendi, qui hanc artem, ut tenuem ac jejunam, cavillantur : quæ nisi oratoris futuri fundamenta fideliter jecerit, quidquid superstruxeris, corruet necessaria pueris, jucunda senibus, dulcis secretorum comes, et quæ vel sola omni studiorum genere plus habeat operis, quam ostentationis. Ne quis igitur tamquam parva fastidiat grammatices elementa: non quia magnæ sit operæ, consonantes a vocalibus discernere, ipsasque eas in semivocalium numerum mutarumque partiri; sed quia interiora velut sacri hujus adeuntibus apparebit multa rerum subtilitas, quæ non modo acuere

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