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peuple, et par l'organe du pontife Léon III. Charles gouverna-t-il en qualité de conful et de patrice, titre qu'il avait pris dès l'an 774? quels droits furent laiffés à l'évêque ? quels droits confervèrent les fénateurs qu'on appelait toujours patres confcripti? quels priviléges confervèrent les citoyens ? c'eft de quoi aucun écrivain ne nous informe; tant l'hiftoire a toujours été écrite avec négligence !

Quel fut précisément le pouvoir de Charlemagne dans Rome? c'eft fur quoi on a tant écrit qu'on l'ignore. Y laiffa-t-il un gouverneur? impofait-il des tributs? gouvernait-il Rome comme l'impératrice-reine de Hongrie gouverne Milan et Bruxelles? 'c'est de quoi il ne refte aucun veftige.

Je regarde Rome, depuis le temps de l'empereur Léon III l'ifaurien, comme une ville libre protégée par les Francs, enfuite par les Germains, qui fe gouverna tant qu'elle put en république, plutôt fous le patronage que fous la puiffance des empereurs, dans laquelle le fouverain pontife eut toujours le premier crédit, et qui enfin a été entièrement foumise aux papes.

Les citoyens de cette célèbre ville aspirèrent toujours à la liberté dès qu'ils y virent le moindre jour; ils firent toujours les plus grands efforts pour empêcher les empereurs foit

francs,

francs, foit germains de réfider à Rome, et les évêques d'y être maîtres abfolus.

C'eft-là le noeud de toute l'hiftoire de l'empire d'Occident depuis Charlemagne jufqu'à Charles-Quint. C'est le fil qui a conduit l'auteur de l'Effai fur les mœurs, &c. dans ce grand labyrinthe.

Les citoyens romains furent prefque toujours les maîtres du môle d'Adrien, de cette fortereffe de Rome appelée depuis le château Saint-Ange, dans laquelle ils donnèrent fi fouvent un afile à leur évêque contre la violence des Allemands; de-là vient que les empereurs aujourd'hui, malgré leur titre de rois des Romains, n'ont pas une feule maison dans Rome. Il n'eft même pas dit que Charlemagne se mit en poffeffion de ce môle d'Adrien. Je demanderai encore pourquoi Charlemagne ne prit jamais le titre d'Augufte?

CHAPITRE X X V I.

Du pouvoir papal dans Rome et des patrices. ON a vu depuis très-fouvent des confuls et des patrices à Rome qui furent les maîtres de ce château au nom du peuple. Le pape Jean XII le tenait, comme patrice, contre l'empereur Othon I. Le conful Crefcentius y Mélanges hift. Tome I.

* H

foutint un long fiége contre Othon III, et chaffa de Rome le pape Grégoire V, qu'Othon avait nommé. Après la mort de ce conful, les Romains chaffèrent de Rome ce même Othon qui avait ravi la veuve du conful, et qui s'enfuit avec elle.

Les citoyens accordèrent une retraite au pape Grégoire VII dans ce môle, lorfque l'empereur Henri IV entra dans Rome par force en 1083. Ce pontife fi fier n'ofait fortir de cet afile. On dit qu'il offrit à l'empereur de le couronner en fefant defcendre fur fa tête du haut du château une couronne attachée avec une ficelle; mais Henri IV ne voulut point de cette ridicule cérémonie. Il aima mieux fe faire couronner par un nouveau pape qu'il avait nommé, lui-même.

Les Romains confervèrent tant de fierté dans leur décadence et dans leur humiliation, que quand Fréderic Barberouffe vint à Rome. en 1155 pour s'y faire couronner les députés du peuple qui le reçurent à la porte lui dirent: Souvenez-vous que nous vous avons fait citoyen romain d'étranger que vous étiez.

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Ils voulaient bien que les empereurs fuffent couronnés dans leur ville: mais d'un côté ils ne fouffraient pas qu'ils y demeuraffent, et de l'autre ils ne permirent jamais qu'aucun pape s'intitulât fouverain de Rome; et jamais

en effet on n'a frappé de monnaie fur laquelle on donnât ce titre à leur évêque.

En 1114 les citoyens élurent un tribun du peuple; et le pape Lucius II, qui s'y oppofa, fut tué dans le tumulte.

Enfin les papes n'ont été véritablement maîtres à Rome que depuis qu'ils ont eu le château Saint-Ange en leur pouvoir. Aujour d'hui la chancellerie allemande regarde encore l'empereur comme l'unique fouverain de Rome; et le facré collége ne regarde l'empereur que comme le premier vaffal de Rome, protecteur du Saint-Siége. Telle eft la vérité qui est développée dans l'Effai fur les mœurs, &c.

Le fentiment de l'auteur que je cite, est donc que Charlemagne eut le domaine fuprême, et qu'il accorda au Saint - Siége plufieurs domaines utiles dont les papes n'eurent la fouveraineté que très-long-temps après.

CHAPITRE X X VII.

Sottife infame de l'écrivain qui a pris le nom de Chiniac la Baftide du Claux, avocat au parlement de Paris.

APRÈS cet expofé fidelle, je dois témoigner

ma surprise de ce que je viens de lire dans un commentaire nouveau du difcours du célèbre

Fleuri fur les libertés de l'Eglife gallicane. Je vais rapporter les propres paroles du commentateur, qui fe déguise fous le nom de maître Pierre de Chiniac de la Baftide du Claux, avocat au parlement. Il n'y a point affurément d'avocat qui écrive de ce ftyle. (1)

Si on ne confultait que les Voltaire et ceux de fon bord, on ne trouverait en " effet que problèmes et qu'impoftures dans nos hiftoriens. " Enfuite cet aimable et poli commentateur, après avoir attaqué les gens de notre bord avec des compliments dignes en effet d'un matelot à bord, croit nous apprendre qu'il y a dans Ravenne une pierre caffée, fur laquel le font gravés ces mots : Pipinus pius primus amplificandæ Ecclefiæ viam aperuit, et exarchatum Ravennæ cum ampliffimis... » Le pieux Pepin ouvrit le premier le chemin " d'agrandir l'Eglife, et l'exarchat de Ravenne

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avec de très-grands...", le refte manque. Notre commentateur gracieux prend cette infcription pour un témoignage authentique. Nous connaissons depuis long-temps cette pierre; je ne voudrais point d'autre preuve de la faufseté

(1) L'avocat Chiniac eft un perfonnage très-réel; mais quoique ce zélé défenteur de l'Eglife janfénifte ait effuyé une accufation juridique d'adultère, et que ces procès faffent toujours rire, il n'en eft pas plus connu, et n'a jamais pu réuffir à occuper le public ni de fes ouvrages', ni de fes

aventures.

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