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CHAPITRE VII.

Ufage qu'on peut faire d'Hérodote. HERODOTE eut le même mérite qu'Homère ; il fut le premier hiftorien comme Homère le premier poëte épique, et tous deux faifirent les beautés propres d'un art qu'on croit inconnu avant eux. C'est un spectacle admirable dans Hérodote que cet empereur de l'Afie et de l'Afrique, qui fait passer son armée immense fur un pont de bateaux d'Afie en Europe, qui prend la Thrace, la Macédoine, la Theffalie, l'Achaïe fupérieure, et qui entre dans Athènes abandonnée et déferte. On ne s'attend point que les Athéniens fans ville, fans territoire, réfugiés fur leurs vaiffeaux avec quelques autres grecs, mettront en fuite la nombreuse flotte du grand roi; qu'ils rentreront chez eux en vainqueurs; qu'ils forceront Xerxès à ramener ignominieufement les débris de fon armée, et qu'enfuite ils lui défendront par un traité de naviger fur leurs mers. Cette fupériorité d'un petit peuple généreux, libre fur toute l'Afie efclave, eft peut-être ce qu'il y a de plus glorieux chez les hommes. On apprend auffi par cet événement que les peuples de l'Occident ont toujours été meilleurs marins que les peuples

Afiatiques. Quand on lit l'histoire moderne, la victoire de Lépante fait fouvenir de celle de Salamine; et on compare dom Juan d'Autriche et Colonne, à Thémistocle et à Euribiades. Voilà peut-être le feul fruit qu'on peut tirer de la connaissance de ces temps reculés.

Il est toujours bien hardi de vouloir pénétrer dans les deffeins de DIEU; mais cette témérité est mêlée d'un grand ridicule quand on veut prouver que le DIEU de tous les peuples de la terre, et de toutes les créatures des autres globes, ne s'occupait des révolutions de l'Afie, et qu'il n'envoyait lui-même tant de conquérants les uns après les autres, qu'en confidération du petit peuple juif, tantôt pour l'abaiffer, tantôt pour le relever, toujours pour l'inftruire; et que cette petite horde opiniâtre et rebelle était le centre et l'objet des révolutions de la terre.

Si le conquérant mémorable qu'on a nommé Cyrus fe rend maître de Babylone, c'est uniquement pour donner à quelques juifs la permiffion d'aller chez eux. Si Alexandre eft vainqueur de Darius, c'eft pour établir des fripiers juifs dans Alexandrie. Quand les Romains joignent la Syrie à leur vaste domination, et englobent le pays de Judée dans leur empire, c'eft encore pour inftruire les Juifs. Les Arabes et les Turcs ne font venus

que pour corriger ce peuple. Il faut avouer qu'il a eu une excellente éducation; jamaison n'eut tant de précepteurs, et jamais on n'en profita fi mal.

On ferait auffi-bien reçu à dire que Ferdinand et Ifabelle ne réunirent les provinces de l'Espagne que pour chaffer une partie des Juifs et pour brûler l'autre ; que les Hollandais n'ont fecoué le joug du tyran Philippe II que pour avoir dix mille juifs dans Amsterdam, et que DIEU n'a établi le chef visible de l'Eglife catholique au vatican, que pour y entretenir des fynagogues moyennant finance. Nous favons bien que la Providence s'étend fur toute la terre; mais c'est par cette raifon là même qu'elle n'eft pas bornée à un feul peuple.

CHAPITRE VIII.

REVENONS

De Thucydide.

EVENONS aux Grecs. Thucydide, fucceffeur d'Hérodote, fe borne à nous détailler l'hiftoire de la guerre du Péloponèse, pays qui n'eft pas plus grand qu'une province de France ou d'Allemagne, mais qui a produit des hommes en tout genre dignes d'une réputation immortelle : et comme fi la guerre civile,

le plus horrible des fléaux, ajoutait un nouveau feu et de nouveaux refforts à l'efprit humain, c'est dans ce temps que tous les arts floriffaient en Grèce. C'eft ainfi qu'ils commencent à fe perfectionner enfuite à Rome dans d'autres guerres civiles du temps de Céfar, et qu'ils renaiffent encore dans notre quinzième et feizième fiècle de l'ère vulgaire, parmi les troubles de l'Italie.

CHAPITRE I X.

APRÈS

Epoque d'Alexandre.

PRÈS cette guerre du Péloponèfe, décrite par Thucydide, vient le temps célèbre d'Alexandre, prince digne d'être élevé par Ariftote, qui fonde beaucoup plus de villes que les autres conquérants n'en ont détruit, et qui change le commerce de l'univers.

De fon temps et de celui de fes fucceffeurs floriffait Carthage; et la république romaine commençait à fixer fur elle les regards des nations. Tout le Nord et l'Occident font enfevelis dans la barbarie. Les Celtes, les Germains, tous les peuples du Nord font inconnus. (Voyez l'article Alexandre.)

Si Quinte-Curce n'avait pas défiguré l'histoire d'Alexandre par mille fables, que de nos jours

tant de déclamateurs ont répétées, Alexandre ferait le feul héros de l'antiquité dont on aurait une hiftoire véritable. On ne fort point d'étonnement quand on voit des hiftoriens latins, venus quatre cents ans après lui, faire affiéger par Alexandre des villes indiennes auxquelles ils ne donnent que des noms grecs, et dont quelques-unes n'ont jamais exifté.

Quinte-Curce, après avoir placé le Tanaïs au-delà de la mer Cafpienne, ne manque pas de dire que le Gange, en se détournant fe vers l'Orient, porte auffi-bien que l'Indus ses eaux dans la mer Rouge qui eft à l'Occident. Cela reffemble au difcours de Trimalcion qui dit qu'il a chez lui une Niobé enfermée dans le cheval de Troie ; et qu'Annibal, au fac de Troie, ayant pris toutes les ftatues d'or et d'argent, en fit l'airain de Corinthe.

On suppose qu'il affiége une ville nommée Ara près du fleuve Indus, et non loin de fa fource. C'eft tout jufte le grand chemin de la capitale de l'empire, à huit cents milles du pays où l'on prétend que féjournait Porus, comme le difent auffi nos miffionnaires.

Après cette petite excurfion fur l'Inde, dans laquelle Alexandre porta fes armes par le même chemin que le Sha-Nadir prit de nos jours, c'eft-à-dire par la Perse et le Candahar, continuons l'examen de Quinte-Curce.

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