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Des favans, tels que MM. Maillet et Dumarfais, ont conclu, des recherches de l'abbé de Tilladet, que les Juifs ne commencèrent à former leur religion, telle qu'ils l'ont encore aujourd'hui, qu'au retour de la captivité de Babylone. Ils s'obstinent dans l'idée que ces Juifs, fi long-temps efclaves et fi long-temps privés d'une religion bien nettement reconnue, ne pouvaient être que les defcendans d'une troupe de voleurs fans mœurs et fans lois. Cette opinion paraît d'autant plus vraifemblable, que le temps auquel le roi d'Ethiopie et d'Egypte, Actifan, bannit dans le défert une troupe de brigands qu'il avait fait mutiler, se rapporte au temps auquel on place la fuite des Ifraélites conduits par Moife; car FlavienJofephe dit que Moïfe fit la guerre aux Ethio. piens; et ce que Josephe appelle guerre pouvait très-bien être réputé brigandage par les hiftoriens d'Egypte.

Ce qui achève d'éblouir ces favans, c'eft la conformité qu'ils trouvent entre les mœurs des Ifraélites, et celles d'un peuple de voleurs ; ne fe fouvenant pas affez que DIEU lui-même dirigeait ces Ifraélites, et qu'il punit par leurs mains les peuples de Canaan. Il paraît à ces critiques que les hébreux n'avaient aucun droit fur ce pays de Canaan, et que s'ils en avaient, ils n'auraient pas dû mettre à

feu et à fang un pays qu'ils auraient cru leur héritage.

Ces audacieux critiques fuppofent donc que les Hébreux firent toujours leur premier métier de brigands. Ils pensent trouver des témoignages de l'origine de ce peuple dans fa haine conftante pour l'Egypte, où l'on avait coupé les nez de fes pères, et dans la conformité de plufieurs pratiques égyptiennes qu'il retint, comme le facrifice de la vache rouffe, le bouc émiffaire, les ablutions, les habillemens des prêtres, la circoncifion, l'abftinence du porc, les viandes pures et impures. Il n'eft pas rare, difent-ils, qu'une nation haïffe un peuple voifin dont elle a imité les coutumes et les lois. La populace d'Angleterre et de France en eft un exemple frappant.

Enfin ces doctes, trop confians en leurs propres lumières, dont il faut toujours fe défier, ont prétendu que l'origine qu'ils attribuent aux Hébreux eft plus vraisemblable que celle dont les hébreux se glorifient.

Vous convenez avec nous, leur dit M. Toland, que vous avez volé les Egyptiens en vous enfuyant de l'Egypte; que vous leur avez pris des vafes d'or et d'argent, et des habits. Toute la différence entre votre aveu et notre opinion, c'est que vous prétendez n'avoir commis ce larcin que par ordre de DIEU. Mais à ne juger que par la raison, it n'y a

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point de voleur qui n'en puiffe dire autant. Est-il bien ordinaire que DIEU faffe tant de miracles en faveur d'une troupe de fuyards qui avoue qu'elle a volé fes maîtres? dans quel pays de la terre laifferait-on une telle rapine impunie? Suppofons que les Grecs de Conftantinople prennent toutes les garde-robes des Turcs et toute leur vaiffelle pour aller dire la meffe dans un défert; en bonne foi, croirez-vous que DIE U noiera tous les Turcs dans la Propontide pour favorifer ce vol, quoiqu'il foit fait à bonne intention?

Ces détracteurs ne fe contentent pas de ces affertions auxquelles il eft fi aifé de répondre; ils vont jufqu'à dire que le Pentateuque n'a pu être écrit que dans le temps où les Juifs commencèrent à fixer leur culte qui avait été jusque-là fort incertain. Ce fut, difent-ils, au temps d'Efdras et de Néhémie. Ils apportent pour preuve le quatrième livre d'Efdras, longtemps reçu pour canonique; mais ils oublient que ce livre a été rejeté par le concile de Trente. Ils s'appuient du fentiment d'AbenEfra, et d'une foule de théologiens tous hérétiques; ils s'appuient enfin de la décision de Newton lui-même. Mais que peuvent tous ces cris de l'hérélie et de l'infidélité contre un concile œcuménique?

De plus, ils fe trompent en croyant que Newton attribue le Pentateuque à Efdras :

que

Newton croit
plutôt le rédacteur.

Samuel en fut l'auteur ou

C'eft encore un grand blafphême de dire avec quelques favans, que Moife, tel qu'on nous le dépeint, n'a jamais exifté; que toute fa vie eft fabuleufe, depuis fon berceau jufqu'à fa mort; que ce n'eft qu'une imitation de l'ancienne fable arabe de Bacchus, tranfmife aux Grecs, et enfuite adoptée par les Hébreux. Bacchus, difent-ils, avait été fauvé des caux ; Bacchus avait paffé la mer rouge à pied fec; une colonne de feu conduifait fon armée; il écrivit fes lois fur deux tables de pierres; des rayons fortaient de fa tête. Ces conformités leur font foupçonner que les Juifs attribuèrent cette ancienne tradition de Bacchus à leur Moïfe. Les écrits des Grecs étaient connus dans toute l'Afie, et les écrits des Juifs étaient foigneusement cachés aux autres nations. Il eft vraifemblable, felon ces téméraires , que la métamorphofe d'Edith, femme de Loth, en statue de fel eft prife de la fable d'Eurydice; que Samfon eft la copie d'Hercule, et le facrifice de la fille de Jephté imité de celui d'Iphigénie. Ils prétendent que le peuple groffier, qui n'a jamais inventé aucun art, doit avoir tout puifé chez les peuples inventeurs.

Il est aifé de ruiner tous ces fyftêmes en montrant feulement que les auteurs grecs,

excepté Homère, font postérieurs à Efdras qui raffembla et reftaura les livres canoniques.

Dès que ces livres font reftaurés du temps de Cyrus et d'Artaxerxès, ils ont précédé Hérodote, le premier hiftorien des Grecs. Non-feulement ils font antérieurs à Hérodote, mais le Pentateuque eft beaucoup plus ancien qu'Homère.

Si on demande pourquoi ces livres fi anciens et fi divins ont été inconnus aux nations jufqu'au temps où les premiers chrétiens répandirent la traduction faite en grec fous Ptolomée Philadelphe, je répondrai qu'il ne nous appartient pas d'interroger la Providence. Elle a voulu que ces anciens monumens, reconnus pour authentiques, annonçaffent des merveilles, et que ces merveilles fuffent ignorées de tous les peuples, jufqu'au temps où une nouvelle lumière vînt se manifefter. Le christianisme a rendu témoignage à la loi mofaïque au-deffus de laquelle il s'eft élevé, et par laquelle il fut prédit. Soumettons - nous, prions, adorons et ne difputons pas.

EPILOGUE.

CE font-là les dernières lignes qu'écrivit mon oncle; il mourut avec cette réfignation à l'Etre fuprême, perfuadé que tous les favans peuvent fe tromper, et reconnaiffant que

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