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CHAPITRE I I.

De Boffuet.

Nous fommes dans le fiècle où l'on a détruit

prefque toutes les erreurs de physique. Il n'est plus permis de parler de l'empyrée, ni des cieux cristallins, ni de la sphère de feu dans le cercle de la lune. Pourquoi fera-t-il permis à Rollin, d'ailleurs fieftimable, de nous bercer de tous les contes d'Hérodote, et de nous donner pour une histoire véridique un conte donné par Xenophon pour un conte? de nous redire, de nous répéter la fabuleufe enfance de Cyrus, et fes petits tours d'adresse, et la grâce avec laquelle il fervait à boire à fon papa Aftiage qui n'a jamais existé ?

On nous apprend à tous, dans nos premières années, une chronologie démontrée fauffe; on nous donne des maîtres en tout genre, excepté des maîtres à penfer. Les hommes même les plus favants, les plus éloquents n'ont fervi quelquefois qu'à embellir le trône de l'erreur, au lieu de le renverfer. Boffuet en eft un grand exemple dans fa prétendue Hiftoire univerfelle, qui n'eft que celle de quatre à cinq peuples, et surtout de la petite nation

juive, ou ignorée, ou justement méprisée du refte de la terre, à laquelle pourtant il rapporte tous les événements, et pour laquelle il dit que tout a été fait, comme fi un écrivain de Cornouailles difait que rien n'est arrivé dans l'empire romain qu'en vue de la province de Galles. C'eft un homme qui enchâffe continuellement des pierres fauffes dans de l'or. Le hasard me fait tomber dans ce moment fur un paffage de fon Hiftoire univerfelle où il parle des héréfies: (*) Ces héréfies, dit-il, tant prédites par JESUS-CHRIST...... Ne diraiton pas à ces mots que JESUS-CHRIST a parlé dans cent endroits des opinions différentes qui devaient s'élever dans la fuite des temps fur les dogmes du chriftianifme ? Cependant la vérité eft qu'il n'en a parlé en aucun endroit ; le mot d'héréfie même n'eft dans aucun évangile; et certes il ne devait pas s'y rencontrer, puifque le mot de dogme ne s'y trouve pas. JESUS, n'ayant annoncé par lui-même aucun dogmė, ne pouvait annoncer aucune hérésie. Il n'a jamais dit, ni dans ses sermons, ni à fes apôtres Vous croirez que ma mère est vierge; vous croirez que je fuis confubftantiel à DIEU; vous croirez que j'ai deux volontés; vous croirez que le Saint-Esprit procède du père et du fils; vous croirez à la tranfsubstantiation;

(*) Page 327, édition d'Etienne David, 1739.

vous croirez qu'on peut réfifter à la grâce efficace, et qu'on n'y réfifte pas.

Il n'y a rien, en un mot, dans l'évangile qui ait le moindre rapport aux dogmes chrétiens. DIEU voulut que fes difciples et les difciples de fes disciples les annonçaffent, les expliquaffent dans la fuite des fiècles; mais JESUS n'a jamais dit un mot ni fur ces dogmes alors inconnus, ni fur les conteftations qu'ils excitèrent long-temps après lui.

Il a parlé des faux prophètes comme tous fes prédéceffeurs : gardez-vous, difait-il, des faux prophètes; mais eft-ce là défigner, spécifier les conteftations théologiques, les héréfies fur des points de foi ? Boffuet abuse ici vifiblement des mots : cela n'est pardonnable qu'à Calmet et à de pareils commentateurs.

D'où vient que Boffuet en a impofé fi hardiment? d'où vient que perfonne n'a relevé cette infidélité ? C'eft qu'il était bien fûr que fa nation ne lirait que fuperficiellement sa belle déclamation univerfelle, et que les ignorants le croiraient fur fa parole, parole éloquente et quelquefois trompeuse.

I I I.

CHAPITRE

J'AI

De l'Hifloire ecclefiaftique de Fleuri.

'AI vu une ftatue de boue dans laquelle l'artiste avait mêlé quelques feuilles d'or ; j'ai féparé l'or, et j'ai jeté la boue. Cette ftatue eft l'Hiftoire eccléfiaftique compilée par Fleuri, ornée de quelques difcours détachés, dans lefquels on voit briller des traits de liberté et de vérité, tandis que le corps de l'hiftoire eft fouillé de contes qu'une vieille femme rougirait de répéter aujourd'hui.

C'eft un Théodore dont on changea le nom en celui de Grégoire thaumaturge, qui, dans fa jeuneffe, étant preffé publiquement par une fille de joie de lui payer l'argent de leurs rendezvous vrais ou faux, lui fait entrer le diable dans le corps pour fon falaire.

St Jean et la Ste Vierge viennent enfuite lui expliquer les myftères du chriftianisme. Dès qu'il est instruit, il écrit une lettre au diable, la met fur un autel païen : la lettre est rendue à fon adreffe, et le diable fait ponctuellement ce que Grégoire lui a commandé. Au fortir de là il fait marcher des pierres comme Amphion. Il eft pris pour juge par deux frères qui fe difputaient un étang, et pour les mettre d'accord,

il

il fait disparaître l'étang; il fe change en arbre comme Prothée; il rencontre un charbonnier nommé Alexandre, et le fait évêque : voilà probablement l'origine de la foi du charbonnier.

C'eft un S Romain que l'empereur Diocletien fait jeter au feu. Des juifs qui étaient présents fe moquent de St Romain, et difent que leur Dieu délivra des flammes Sidrac, Mifac et Abdénago, mais que le petit St Romain ne fera pas délivré par le Dieu des chrétiens. Auffitôt il tombe une grande pluie qui éteint le bûcher à la honte des juifs. Le juge irrité condamne St Romain à perdre la langue (apparemment pour s'en être fervi à demander de la pluie.) Un médecin de l'empereur, nommé Arifton, qui fe trouvait là, coupe auffitôt la langue de St Romain jufqu'à la racine. Dès que le jeune homme, qui était né bègue, eut la langue coupée, il se met à parler avec une volubilité inconcevable. Il faut que vous foyez bien mal adroit, dit l'empereur au médecin, et que vous ne fachiez pas couper des langues. Arifton foutient qu'il a fait l'opération à merveille, et que Romain devrait en être mort au lieu de tant parler. Pour le prouver, il prend un pasfant, lui coupe la langue, et le passant meurt.

C'eft un cabaretier chrétien nommé Théodote, qui prie DIEU de faire mourir sept vierges chrétiennes de foixante et dix ans chacune, Mélanges hift. Tome I. *B

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