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appelle Mathieu de Coussy, dirigés par Jean Bureau, abattirent les murailles et forcèrent la soumission des villes.

Au XVIe siècle, Louis XII et François Ier tentèrent d'organiser une infanterie nationale, dont les différents corps furent nommés, sous François Ier, légions provinciales. La confiance et le courage manquaient aux paysans longtemps avilis et réduits presque à la condition d'esclaves. Mais lorsqu'au xvir siècle la France eut un peuple, il prit place sur les champs de bataille à côté de la cavalerie et l'égala à Rocroy. La centralisation appliquée à l'armée, l'uniforme imposé à tous les corps, le perfectionnement des armes, l'organisation des corps d'élite, l'établissement d'écoles pour l'instruction des officiers, de magasins abondamment pourvus, d'ambulances, de haras, l'avancement par ordre du tableau ou par ancienneté, les inspections fréquentes, la fortification des places frontières, les revues, les camps de manœuvres, telles furent les principales mesures qui, sous Louis XIV, firent de l'armée française la première armée du monde. Elles furent dues principalement à Louvois.

Le génie militaire dirigé par Vauban, donna à la France la plus redoutable ceinture de forteresses. La cavalerie eut ses corps d'élite comme l'infanterie; des distinctions honorifiques et le magnifique asile des Invalides récompensèrent la valeur. Comment contester les progrès d'une administration qui avait substitué au service précaire des vassaux et aux bandes indisciplinées des mercenaires ces armées de plus de quatre cent mille hommes où régnait une organisation uniforme et qui obéissaient à l'impulsion de l'autorité centrale? Cependant, il ne faut rien exagérer; l'inégalité n'était nulle part plus odieuse que dans l'armée; les principaux grades y étaient réservés à la noblesse. Elle achetait les compagnies et les régiments; comme il n'y avait pas de recrutement régulier, elle chargeait quelque sergent raccoleur de composer les corps de troupes, où entraient trop souvent des gens perdus de vices, la lie du peuple. Dès le temps de Louis XIV, on se moquait des jeunes colonels qui n'étaient pas soldats; Boursault les livrait à la risée publique dans sa pièce d'Ésope à la cour. Mais ce fut surtout après les désastres de la guerre de Sept ans, après la honte de Rosbach (1757), que l'opinion publique s'éleva contre ces officiers qui trafnaient à la suite des camps l'attirail du luxe. Depuis 1789, tous les citoyens de la France ont été appelés à la défense de la patrie, sans distinction de

rang et de naissance; tous ont pu prétendre aux plus hautes dignités militaires. Une génération entière de généraux est sortie des rangs du peuple, depuis Hoche et Marceau jusqu'à Bernadotte et Napoléon. En même temps, l'organisation des gardes nationales a couvert la France d'une armée de citoyens défenseurs de l'ordre et de la propriété. Ainsi, recrutement régulier par la conscription, égale admissibilité de tous les Français au commandement des armées, tels sont les progrès accomplis depuis soixante ans dans l'organisation militaire de la France'.

VI.

ADMINISTRATION DE LA JUSTICE; LOIS, TRIBUNAUX, PROCÉDURE.

Le gouvernement, enrichi par l'impôt et protégé par l'armée, s'est occupé avec zèle de la justice, du commerce, de l'agriculture et des progrès intellectuels de la nation. Il lui a rendu en protection et en direction sage et intelligente ce qu'il en recevait de richesse et de grandeur. Les progrès dans l'administration de la justice tiennent à trois causes principales : l'excellence de la loi, la bonne composition des tribunaux et l'équité de la procédure.

Lois. L'administration romaine eut surtout le mérite d'une organisation judiciaire, remarquable par l'unité et l'équité. Une seule loi régissait tout l'empire; elle était appliquée par des magistrats spéciaux, qui procédaient par des enquêtes testimoniales. Les invasions des barbares ne portèrent nulle part autant de trouble et de confu

1. On trouvera les détails relatifs aux armes et à l'organisation des différents corps de troupes aux articles ARMÉE, ARMES, ORGANISATION MILITAIRE, POUDRE A CANON, RECRUTEMENT, RÉGIMENTS. — Ouvrages à consulter: Histoire de la milice française, par le P. Daniel (Paris, 1721, 2 vol. in-4); Recherches historiques sur l'ancienne gendarmerie française, par le vicomte d'Alès de Corbet (Avignon, 1759, 1 vol. in-12); Traité des armes, des machines de guerre, feux d'artifice, enseignes et instruments militaires, par de Gaya (Paris, 1678; 1 vol. in-12); Des anciennes enseignes et étendards de France, par Galland (Paris, 1637, in-4); Isnard, De la gendarmerie de France, son origine, ses prerogatives (1781); Rey, Histoire du drapeau, des couleurs et des insignes de la monarchie française (Paris, 1837, 2 vol. in-8); Favé, Histoire et tactique des trois armes et plus particulièrement de l'artillerie de campagne; Giguet, Histoire militaire de la France (Paris, 1849, 2 vol. in-8); Susane, Histoire de l'ancienne infanterie française (Paris, 1849-1851, 3 vol. in-8),

sion. Au lieu d'une loi, la Gaule en eut cinq : les lois salique, ripuaire, gombette pour les Burgondes, le Forum judicum pour les Wisigoths, enfin le code Théodosien pour les Gallo-Romains. Les lois barbares, rédigées sans méthode, sans idée philosophique, s'occupaient principalement de pénalité. Le tribunal se composait de rachimbourgs ou hommes du droit; c'étaient des hommes libres, des ahrimans réunis en jury sous la présidence du graf ou comte. Incapables d'apprécier les preuves écrites ou orales, ces juges y substituèrent le duel judiciaire et des épreuves par le feu, l'eau, le fer rouge, etc. Ce fut ce qu'on appela le jugement de Dieu et l'ordalie. Charlemagne s'efforça vainement de mettre un terme aux abus de ces tribunaux barbares. Les capitulaires ne font qu'attester le mal qu'ils veulent corriger. La féodalité ne reconnut plus de lois générales; chaque seigneur, assisté de ses pairs, suivit la coutume, c'est-à-dire une tradition orale que modifiaient sans cesse les intérêts et les passions des juges.

Coutumes. Saint Louis ordonna de publier les coutumes des diverses provinces et en donna l'exemple; ses Établissements n'étaient en effet que la coutume du duché de France. La rédaction des coutumes de Normandie, de Beauvoisis, d'Anjou date de la même époque. L'anarchie du XIVe siècle interrompit ce travail législatif, et ce fut seulement après avoir terminé la guerre de Cent ans que Charles VII le reprit et prescrivit la publication des coutumes provinciales par l'article 125 de l'ordonnance de Montils-lès-Tours. Un siècle suffit à peine pour cette œuvre. Ce premier progrès excluait l'arbitraire; mais on était encore loin de l'unité de loi. Louis XI eut la pensée de réunir en un seul code toutes les coutumes, mais il ne lui fut pas donné de réaliser ce projet. L'ancienne monarchie n'atteignit jamais à l'unité législative. Elle s'en rapprocha du moins en réformant les coutumes locales et en publiant les grandes ordonnances de Blois (1499), de Villers-Coterets (1539), d'Orléans (1561), de Moulins (1566), de Blois (4579), ordonnances qui embrassaient tout le royaume, réformaient les lois civiles et criminelles, ébauchaient la législation commerciale et faisaient passer dans la pratique les principes posés par les grands jurisconsultes du xvie siècle.

Les codes de Louis XIV (4667-1685) embrassèrent toute la législation, la coordonnèrent et en firent disparaître les principaux abus. Louis XIV travailla lui-même à cette réforme des lois; les mémoires encore inédits d'Olivier Lefèvre d'Ormesson nous le montrent pré

sidant lui-même le conseil où siégeaient les conseillers d'État Pussort, Boucherat, Morangis, de Vertamont, Machault, de Sève, d'Aligre; les maîtres des requètes Hotman et Voisin. Il en sortit successivement l'ordonnance civile (1667), le code des eaux et forêts (4669), l'ordonnance criminelle (1670), le code de commerce (1673). L'ordonnance sur la marine (1684) et le code noir (1685) dus surtout à Colbert et à son fils Seignelay, complétèrent cette réforme législa tive. On ne peut contester le progrès qui s'était accompli dans cette partie de l'administration; au lieu d'une multitude de législateurs féodaux dont le caprice tenait lieu de loi, la France n'avait plus qu'un législateur; au lieu de coutumes traditionnelles sans cesse modifiées par l'usage, elle obéissait à des lois écrites. Mais ces lois variaient encore de province à province et conservaient de nombreuses traces de la barbarie féodale. C'est seulement depuis 1789 qu'a triomphé le principe de l'unité législative; les codes promulgués pendant le Consulat et l'Empire ont soumis tous les Français à la même loi '. Tribunaux. L'organisation judiciaire s'est développée lentement, mais progressivement comme la législation. Les barbares et la féodalité n'avaient pas de juges spéciaux. Les rachimbourgs, sous la présidence du graf, les pairs, siégeant avec le seigneur ou son bailli, formaient le tribunal. Au XIe siècle, il y eut un commencement de centralisation

1. Voy. les articles DROIT COUTUMIER, DROIT ROMAIN, DUEL JUDICIAIRE, JUSTICE, LOIS, OBDALIE, ORDONNANCES, RACHIMBOURGS, SAGIBARONS. - Ouvrages à consulter, outre les recueils de lois indiqués plus haut, p. IV, note: Ordonn des rois de France (Paris, 1781-1851, 21 vol. in-fol.): Recueil des anciennes lois françaises (Paris, 1822, 38 vol. in-32); Histoire du droit français, par Fleury, édition donnée par M. Dupin (Paris, 1826, in-18); Recherches pour servir à l'histoire du droit français, par Grosley (Paris, 1752 et 1787, in-12); Bernardi, Essai sur les révolutions du droit français pour servir d'introduction à l'étude du droit (Paris, 1785); du même, De l'origine et dse progrès de la législation française (Paris, 1817); Klimrath, Travaux sur l'histoire du droit français, publiés en 1843; Glossaire du droit français, par de Laurière (Paris, 1704, 2 vol. in-4); Chasles, Dictionnaire universel, chronologique et historique de justice, police et finances (Paris, 1725, 2 vol. in-fol.); Guyot, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle, canonique et bénéficiale (Paris, 1775-1786, 64 vol. in-8); Denisart, Collection de décisions nouvelles et de notions relatives à la jurisprudence (Paris, 1783-1790, 8 vol. in-4); Bibliothèque choisie des livres de droit, par Camus (Paris, 1772). Une cinquième édition, considérablement augmentée, a été publiée, en 1832, par M. Dupin aîné; elle forme le second volume de l'ouvrage intitulé Lettres sur la profession d'avocat. OEuvres de Pothier publiées au XVIIIe siècle et réunies en 17 vol. in-8 (Paris 1821-1823); Traité des lois pénales, par le comte de Pastoret (Paris, 1790, 2 vol. in-8).

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de la justice; les appels et les cas royaux établis par saint Louis furent portés devant le parlement ou cour du roi. Le parlement se modifia lui-même progressivement. Il admit d'abord, au XIII siècle, les légistes à côté des barons et des prélats; au xiv siècle, il devint sédentaire à Paris, puis perpétuel et se composa exclusivement de jurisconsultes. Dans la première moitié du xv siècle, les membres de ce tribunal se recrutaient par élection; l'ordonnance de Montils-lèsTours, rendue par Charles VII, décida qu'ils seraient nommés par le roi sur une liste de candidats. Lorsque l'autorité royale se fut affermie, Louis XI leur accorda, avec l'inamovibilité, l'indépendance nécessaire aux magistrats pour la bonne administration de la justice. La vénalité des charges fut établie par Louis XII comme ressource financière; abusive dans le principe, surtout sous François Ier et Henri II, elle fut atténuée par les mœurs parlementaires, par l'examen sévère que l'édit de Moulins (1566) imposa aux candidats, par les conditions d'âge et de capacité qu'exigèrent l'ordonnance de Blois et les édits de Louis XIV. On peut appliquer à la magistrature française la pensée de Tacite les mœurs produisirent de plus heureux résultats que les meilleures lois. Les familles, que la vénalité rendait propriétaires des charges, eurent des traditions de science et de vertu, et d'un abus sortirent ces corps parlementaires probes, savants, courageux, que nous présentent les xvi et XVIIe siècles.

La création de parlements provinciaux à Toulouse, Grenoble, Bordeaux, Dijon, Rouen, Aix, Rennes, Pau, Metz, Douai, Besançon et des conseils souverains d'Alsace, d'Artois et de Roussillon, assurèrent une plus prompte et plus complète exécution des lois, mais en affaiblissant l'unité de la France. La royauté ne créa pas, comme l'avaient demandé les notables en 4649, une cour suprême composée de l'élite des parlements; mais Louis XIV assura au grand conseil le droit de déterminer les juridictions et força les parlements à s'incliner devant ses arrêts. La Constituante seule donna à l'organisation judiciaire une unité complète, en créant le tribunal de cassation; chaque partie de la France eut la même organisation judiciaire, seulement les juges furent d'abord nommés par le peuple et formèrent des tribunaux de département et de district; le Consulat et l'Empire rendirent au pouvoir central la nomination des juges; les tribunaux furent divisés, comme nous les voyons encore, en cours d'appel appelées successivement cours royales et impériales, en tribunaux

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