duc de Brissac et ses créanciers, il est rentré dans la possession du marquisat de Thouarcé, déchargé de toutes hypothèques de ses créanciers, à la charge néanmoins de payer et acquitter à l'avenir toutes les rentes, charges foncières, réelles, et autres dont la terre peut être tenue. En conséquence de cet acte, M. le duc de Brissac a présenté, le 24 mars de l'année 1687, une requête par laquelle il demande d'être reçu partie intervenante, attendu que, depuis la cession qui lui a été faite du marquisat de Thouarcé, il est seul partie capable pour contester avec les cordeliers. Sur cette requête on a mis un viennent ; elle a été signifiée au procureur des cordeliers, et au procureur des directeurs des créanciers du Bellay. On rend, au préjudice de cette requête, l'arrêt contre lequel M. le duc de Brissac revient par opposition. On déclare, par cet arrêt, la terre de Thouarcé affectée et hypothéquée au paiement de la rente de cent quatre livres, et sur la demande en sommation contre les directeurs des créanciers du Bellay, on met les parties hors de cour et de procès. Cet arrêt a été suivi de plusieurs procédures dont le détail serait inutile. Il suffit seulement d'observer que les directeurs des créanciers de M. de Brissac ont ordonné que les cordeliers seroient payés sur un certain fonds. Madame la duchesse de Brissac a formé opposition à la délivrance des deniers; et c'est une des requêtes sur lesquelles vous avez à prononcer. Ainsi, pour reprendre en peu de mots les différens intérêts des parties qui plaident dans cette cause M. le duc de Brissac est demandeur en opposition à l'arrêt du mois de décembre 1687, et demandeur en sommation contre les directeurs des créanciers du Bellay. Les cordeliers sont défendeurs à cette opposition; ils prétendent aussi exercer un recours contre les créanciers du Bellay. Ils demandent enfia main-levée de la saisie faite à la requête de Madame la duchesse de Brissac. La dernière partie qui paroit dans cette audience, ce sont les directeurs des créanciers du Bellay, défendeurs à l'opposition de M. le duc de Brissac, et aux sommations, tant de M. le duc de Brissac que des cordeliers. : Les moyens par lesquels on veut donner atteinte à l'arrêt de 1687, paroissent considérables et dans la forme et dans le fond. Dans la forme, M. le duc de Brissac n'a point été partie dans l'arrêt dont il se plaint. Il avoit présenté une requête à fin d'intervention, qui n'a point été réglée, qui n'a pas été jointe, qui n'est pas même dans le vu de l'arrêt. Il prétend être dans le cas de l'ordonnance, qui permet de se pourvoir, par simple requête, à fiu d'opposition contre les arrêts dans lesquels on n'a point été partic. C'est un tiers intéressé qui n'a point été entendu; mais il y a plus il étoit le seul, le véritable contradicteur; et l'arrêt est rendu avec des parties qui n'avoient plus aucun intérêt, aucune qualité pour pouvoir former une contestation légitime. M. le duc de Brissac étoit rentré dans la possession du marquisat de Thouarcé dès le mois de janvier de l'année 1687, Le contrat qu'il avoit passé avec ses créanciers ne pouvoit être inconnu aux cordeliers, aux directeurs du Bellay. Il leur avoit été signifié. Ils savoient parfaitement que les créanciers avoient cessé d'être propriétaires de la terre de Thouarcé, et en même temps d'être capables de contester sur le fonds de la rente; les créanciers même de Brissac, depuis cet accommodement, n'avoient plus fourni de contredits ni de salvations. Cependant on surprend, par artifice, un arrêt que la cour n'auroit jamais rendu si sa religion avoit été plus instruite. Mais, dans le fond, on soutient que l'on n'a pu ordonner la continuation de la rente en faveur des cordeliers, sans attaquer et l'esprit et la disposition de la coutume d'Anjou : que cette coutume a introduit deux sortes, de tènemens pour la prescription des hypothèques; l'un de cinq ans pour les rentes constituées depuis trente ans; l'autre de dix ans pour les rentes dont l'origine est plus ancienne : que de quelque manière que l'on considérât la rente dont il s'agit comme constituée on depuis ou avant trente ans, M. le duc de Brissac qui, par une possession paisible de douze années, réunissoit en sa faveur les deux tènemens de la coutume avoit acquis une entière prescription; qu'il est vrai que quelques auteurs, trompés par l'autorité de Chopin, ont cru qu'il falloit doubler le temps de cinq et de dix ans en faveur des absens; mais que la coutume qui y soumet, sans distinction, sans restriction, sans réserve, toutes sortes de rentes constituées, résiste manifestement à cette interprétation; que vous l'avez ainsi jugé par deux arrêts; l'un de l'année 1609, rapporté par Mornac, Tronçon et Dupineau; l'autre de l'année 1650, rendu sur les conclusions de feu M. l'avocat général Bignon ; et qu'après ces deux arrêts, il n'est plus permis de douter de la vérité de cette maxime, que lorsqu'il s'agit du tènement de cinq ans, les absens n'ont pas plus de priviléges que les présens. Mais, sans entrer dans un examen plus grand de la disposition de la coutume d'Anjou, à l'égard des absens, on prétend que, quelque événement qu'ait la demande des cordeliers, les directeurs du Bellay ne sauroient s'exempter d'acquitter M. le duc de Brissac de toutes les condamnations qui pourroient intervenir. Il suffit d'examiner les termes de l'adjudication qui a été faite de la terre de Thouarcé en faveur de M. le duc de Brissac, pour reconnoître que la rente prétendue par les cordeliers n'y a jamais été comprise On se contente d'insérer cette clause générale, à la charge des droits seigneuriaux, cens, rentes foncières dues sur ladite terre. Une rente aussi considérable que celle de cent quatre livres par chacun an, méri toit une marque, une expression particulière, speciali notá indigebat. On n'entend point par le terme de rentes foncières, une rente de cette qualité ; et ce qui narque la mauvaise foi des vendeurs, et la surprise qui a été faite à M. le duc de Brissac, c'est que l'on a exprimé dans cette même adjudication, une rente de cent livres, au profit du chapitre de Giseux; et dans le bail judiciaire qui a précédé de trois années l'adjudication, l'on ne s'est pas contenté d'une expression vague et générale de rentes foncières, on a ajouté les dous et legs, et toutes autres charges. On prétend que cette différence qui se trouve entre le bail judiciaire et l'adjudication, est une preuve suffisante de la fraude des vendeurs, qui doit faire tomber sur eux toutes les condamnations que vous pourrez pro¬ noncer. L'on a même rapporté un arrêt qui a jugé précisément dans la même espèce, qu'une rente de la même qualité que celle des cordeliers, devait être exprimée et marquée nommément dans le contrat de vente ou dans l'adjudication; et M. le duc de Brissac qui a été condamné par cet arrêt à acquitter l'acquéreur de la rente qui n'avait pas été exprimée, a appris, par son expérience, combien il est nécessaire de marquer, par une dénomination particulière, les rentes considérables dont un héritage peut être chargé. Enfin on a prétendu que la rente que les cordeliers demandent aujourd'hui, n'est point une rente foncière, et qu'elle n'a point été comprise par conséquent dans le terme de rente foncière dout on s'est servi dans l'adjudication. M. le Roi vous a expliqué les véritables principes qui regardent la nature des rentes foncières, tels qu'ils sont établis par M. Charles Loiseau, dans son traité de la distinction des rentes. Il a fait voir que la rente de cent quatre livres n'avoit, etc. (1). A NOTRE ÉGARD, nous croyons qu'avant que d'entrer dans l'examen des questions qui vous ont été proposées, il est nécessaire d'examiner d'abord toutes les difficultés qui peuvent se présenter dans la forme à l'égard de l'opposition formée par M. le duc de Brissac. L'ordonnance a établi deux sortes de voies par (1) Le surplus de ces moyens n'a pas été écrit. lesquelles on peut faire rétracter un arrêt. Si celui qui se plaint de l'arrêt y étoit partie, il peut lui donner atteinte par des lettres en forme de requête civile: si, au contraire, il n'a point été partie, il peut se pourvoir, par simple requête, à fin d'opposition. Si M. le duc de Brissac n'avoit point de plus forts moyens pour soutenir ses prétentions que celui qu'il tire de la disposition de l'ordonnance, nous aurious peine à croire que son opposition pût être reçue. Il seroit difficile de le considérer comme un tiers opposant qui n'a point été entendu, puisque l'arrêt dont il se plaint a été rendu avec ses créanciers qui le représentoient, que l'on peut regarder comme une seule et même personne avec leur débiteur. Quand l'ordonnance a permis de revenir par opposition contre les arrêts dans lesquels on n'avoit point été partie, son esprit a été de n'accorder cette voie de droit qu'à ceux qui auroient un intérêt différent de celui des parties envers lequel l'arrêt auroit été rendu. Mais, lorsque la partie qui veut se servir de cette disposition de l'ordonnance a non-seulement le même intérêt, mais encore, qu'elle est, à proprement parler, la même personne avec laquelle l'arrêt a été rendu, on ne pourroit admettre une telle opposition, sans ouvrir une voie assurée pour éluder l'antorité des choses jugées, et pour perpétuer la durée des procès. Et si les créanciers de M. le duc de Brissac avoient été parties capables de contester la rente prétendue par les cordeliers, jusqu'à la fin du procès, nous ne croirions pas que M. le duc de Brissac fût recevable dans sa demande; mais il prétend que, dans le temps que l'arrêt a été rendu, les créanciers n'étoient plus propriétaires de la terre de Thouarcé; qu'ils l'avoient rendue à leur débiteur dès le mois de janvier 1687; qu'ils étoient par conséquent sans intérêt, incapables de pouvoir contester, et d'être partie dans cette cause. Nous nous trouvons donc obligés d'entrer dans l'examen du fond, et d'expliquer ici ces trois questions qui renferment toute la décision de cette cause |