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Richolde et la même Constance paroissent encore dans la fondation de la chapelle de Notre-Dame, l'une en qualité de sœur, l'autre en qualité de belle-sœur des fondateurs. Enfin, en même temps que l'on nous a remis entre les mains les titres originaux de ces fondations, l'on nous a fait voir un acte de l'année 1224, par lequel Barthélemi, évêque de Paris, confirme un traité fait à l'occasion de la chapelle de Saint-Jacques, où l'on dit expressément que le fondateur de cette chapelle est Petrus, succentor ecclesiæ parisiensis, et ce Petrus succentor est aussi fondateur de la chapelle de Notre-Dame. Toutes ces circonstances forment, s'il est permis de parler ainsi, une espèce de démonstration morale à laquelle on ne peut rien opposer. Dans l'une et dans l'autre chapelle, c'est Petrus succentor qui est le fondateur; Jean son frère, Richolde sa soeur, et Constance sa belle-sœur, approuvent la donation qu'il fait, dans l'un et dans l'autre de ces actes. Seroit-il possible que l'on trouvât dans deux titres les mêmes noms de Pierre, de Jean, de Richolde, de Constance, les mêmes qualités de prêtres, de sous-chantre, de frère et de sœur, de beau-frère et de belle-sœur, et que ce ne fussent pas les mêmes personnes? Nous croyons qu'il suffit d'expliquer cette proposition pour en faire voir l'absurdité; et si ce sont les mêmes personnes qui ont fondé les deux chapelles, la date du titre dont il s'agit devient entièrement certaine; l'évêque de Paris qui a confirmé la donation, ne peut être que Pierre de Nemours, qui a succédé à Odon en l'année 1208; et parce qu'il est mort vers l'année 1220, il faut que ce soit dans l'espace de ces douze années d'épiscopat que l'acte dont il s'agit ait été fait; et s'il a été fait dans ce temps-là, il est certain encore que le défaut de date ne peut lui donner atteinte. Tous les auteurs qui ont examiné avec attention la forme des anciens titres, et entre autres le savant religieux (1) que sa modestie nous (1) Dom Mabillon.

défend de nommer, qui en a fait un traité exprés, nous apprennent que dans le dix, le onze, le douze et le treizième siècle, on n'observoit pas exactement la formalité de la date; que souvent l'on se contentoit de marquer le nom du roi qui régnoit pour lors, quelquefois le nom de l'évêque, d'autre fois le jour du mois, sans marquer l'année, et d'autre fois aussi qu'on ne marquoit aucune date. Il en rapporte les exemples, et cet usage pourroit suffire pour répondre à tout ce que l'on vous a dit touchant la nécessité de la date.

Les autres nullités que l'on a observées ne nous paroissent pas plus considérables. Il est certain que pendant long-temps en France on ne signoit point les actes; on se contentoit de les sceller ; ce seroit détruire la foi et l'autorité de tous les anciens titres, que de vouloir établir la maxime contraire.

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A l'égard du sceau, on ne doute point encore qu'il ne fût essentiel dans ce temps-là; et si l'acte de fondation ne se trouvoit point scellé, nous ne croyons pas qu'il pût avoir aucun effet. Mais il paroît qu'il l'a été, on trouve encore les cordons qui ont servi à le soutenir autrefois s'il ne paroît plus aujourd'hui, il faut en accuser l'injure du temps, et le grand nombre d'années qui se sont écoulées depuis la passation de cet acte Il suffit qu'il en reste aujourd'hui des vestiges, et qu'il soit dit expressément dans le corps de l'acte, qu'il a été scellé: Et sigilli nostri fecimus impressione muniri. Tant que l'on ne s'inscrira point en faux contre cet acte, la présomption sera toujours en sa faveur.

Après toutes ces réflexions différentes, nous croyons qu'il est inutile d'observer que ce titre a toujours été conservé dans un dépôt public, dans les archives de Saint-Martin-des-Champs; qu'il est imprimé depuis plus de trente ans dans l'histoire de ce prieuré : toutes ces circonstances suffiroient pour l'exempter de toute sorte de suspicion. Mais ce que nous avons dit, en établit évidemment l'antiquité et la certitude.

Il ne nous reste plus qu'à examiner si l'inexécution de ce titre, et la possession contraire, peuvent rendre la cause du titulaire favorable.

Quoique l'acte nous paroisse dans une forme authentique, quoique la prescription même ne puisse lui donner atteinte, nous croyons néanmoins que la longue possession rend cette cause fort douteuse et très-difficile à décider.

Non que nous puissions jamais croire que la possession puisse être opposée à de semblables titres; mais parce qu'un si long usage peut faire naître une forte présomption en faveur du titulaire. En effet, quand on voit que les revenus d'une chapelle sont fort médiocres; qu'ils ne sont pas suffisans pour exécuter les charges de la fondation; que, dés l'année 1534, celui qui en étoit pourvu ne résidoit point à Champigny; qu'il croyoit s'acquitter de toutes ses obligations quand il avoit fait dire douze messes dans sa chapelle; qu'il énonce même dans un bail des revenus de son bénéfice, qu'il le faisoit selon qu'il étoit porté plus au long dans la fondation; quand on réunit toutes ces circonstances, et que l'on considère ce nombre de douze messes que les chapelains ont toujours fait dire depuis très-longtemps, n'est-il pas naturel de croire que la fondation a été réduite par l'évêque, et qu'ainsi la possession n'est point contraire au titre? Quand même on n'admettroit pas tout à fait cette présomption, ne faudroit-il pas convenir du moins qu'une si longue possession excuse et justifie suffisamment le titulaire; que si elle ne peut lui donner un titre parfait, elle lui donne toujours un titre coloré; et que le dernier possesseur du bénéfice se trouvant prêtre, et réparant par-là les défauts qui peuvent se trouver dans son titre, il doit être préféré à la personne odieuse d'un dévolutaire. Ajoutons que tout semble concourir en sa faveur; il a non-seulement la possession et la bonne foi, il a encore le droit commun pour lui, puisque c'est une maxime constante parmi

tous les canonistes, qu'un bénéfice n'est point réputé sacerdotal, s'il n'y en a une condition expresse dans la fondation. Il ignoroit cette fondation; il a cru être dans les termes du droit commun; et cette présomption se trouvant jointe avec la longue possession, n'est-elle pas suffisante pour donner une couleur favorable à son titre ?

Voilà tous les moyens qui peuvent nous faire balancer entre l'appelant et l'intimé. Mais dans le doute, nous croyons qu'il faut s'attacher aux principes, et décider cette contestation par l'utilité publique.

Quelque longue que soit la possession, nous aurions peine à croire qu'elle pût faire présumer la réduction de la fondation. Quand le titre est authentique, qu'il s'explique clairement, qu'on ne peut le révoquer en doute, sera-t-il permis de lui donner atteinte par un acte qui ne paroît pas, par une simple présomption, par une foible conjecture?

Parce que les chapelains auront trahi leur devoir, parce que les héritiers des fondateurs auront négligé de faire exécuter les fondations, et qu'insensiblement le nombre des messes, qui devoient être célébrées tous les jours, aura été réduit à douze, on voudra croire qu'un abus aussi visible aura été introduit par l'ordinaire? L'évêque, qui devoit s'opposer à un tel désordre, l'aura autorisé le premier? Mais comment pourroit-on le prouver? C'est ce qui seroit absolument impossible.

Nous ne croyons pas non plus que la longue possession puisse donner un titre coloré à l'appelant.

Il est vrai que lorsque dans la fondation d'une chapelle, il ne paroît point de clause expresse par laquelle le fondateur déclare que le bénéfice ne pourra être conféré qu'à un prêtre, il n'est point présumé sacerdotal,

Dans l'acte de fondation, il est dit expressément que la chapelle de Notre-Dame ne pourra être conférée nemini nisi sacerdoti. Quand cette clause

expresse n'y seroit pas comprise, il suffiroit d'observer quelles sont les obligations du ministre que l'on institue, pour juger qu'il doit être prêtre, afin de pouvoir desservir cette chapelle. On l'engage non-seulement à dire des messes, non-seulement à la résidence, mais encore à assister au service divin avec le curé, à faire ses fonctions, à remplir sa place quand il sera absent pour quelque cause légitime. Quand il n'y auroit que cette seule clause, l'intention du fondateur pourroit-elle être douteuse? Tous les auteurs, et Garcias entr'autres, n'enseignent-ils pas que cette condition suffit pour faire connoître que le bénéfice est sacerdotal? La seule induction que l'on pourroit tirer de cette opinion, c'est que l'appelant a été dans la bonne foi, qu'il a été trompé par le droit commun et par la longue possession.

Mais ne peut-on pas dire que cette raison seroit trop générale, qu'elle autoriseroit tous les abus que l'on peut commettre, en négligeant d'acquitter les fondations? Il n'y a point de titulaire qui ne pût alléguer ce prétexte en sa faveur, et ce seroit établir indirectement la prescription de fondations, que d'admettre nne telle maxime.

D'ailleurs, la bonne foi ne peut jamais réparer le défaut et les nullités du titre ; c'est un vice qui ne se couvre jamais. Nous supposerons, pour un moment, que Thomassin a ignoré le véritable état du bénéfice dans le temps qu'il en a été pourvu; mais quand il n'en auroit jamais eu aucune connoissance, cette ignorance le rendroit, à la vérité, plus excusable mais elle ne donneroit pas à son titre les qualités qui lui manquent. Avant qu'un titre soit coloré, il faut qu'il soit valable; aucune couleur ne peut jamais faire valoir un titre nul.

c'est

Quand les canonistes veulent définir ce que qu'un titre coloré, ils disent que c'est celui qui est donné ab habente potestatem. Voyons si, dans cette occasion, le collateur a eu le pouvoir de conférer la chapelle de Notre-Dame, l'intention et la volonté nécessaires avant le pouvoir. Nulle intention ni de

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