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aux droits et prééminences de la couronne, et aux libertés de l'église gallicane, elle eût à faire lire, publier et enregistrer lesdites lettres, ensemble ladite constitution, et le contenu en icelles garder, et faire observer dans l'étendue du ressort de ladite cour, et en ce qui dépendoit de l'autorité que ledit seigneur roi lui donnoit; ensemble de ladite constitution 'attachée sous le contre-scel desdites lettres et des conclusions par écrit du procureur général du roi. La matière mise en délibération :

LA COUR a arrêté et ordonné que lesdites lettres et ladite constitution en forme de bref seront registrées au greffe de ladite cour, pour être exécutées selon leur forme et teneur, et copies collationnées envoyées aux bailliages et sénéchaussées du ressort, pour y être lues, publiées et registrées; enjoint aux substituts et procureur général du roi d'y tenir la main, et d'en certifier la cour dans un mois. Sans que ce qui s'est passé au sujet de ladite constitution puisse préjudicier à l'ordre établi pour les jugemens ecclésiastiques, ni à la juridiction ordinaire des évêques; comme aussi sans approbation de la clause portant que ladite constitution est donnée du propre mouvement du pape, et de la défense qu'elle contient de lire le livre qui y est condamné, même à l'égard des personnes qui ont besoin d'une mention expresse, et sans que lesdites clauses puissent être tirées à conséquence en d'autres occasions. FAIT en parlement, le quatorzième août mil six cent quatrevingt-dix-neuf. Signé, DONGOIS.

RÉCIT FAIT AU PARLEMENT

AU MOIS D'AOUT 1699,

En conséquence d'une délibération par laquelle les gens du roi avoient été chargés de porter à Sa Majesté l'arrêt du 14 août 1699, qui avoit ordonné l'enregistrement des lettres patentes sur la bulle contre le livre des Maximes des Saints, avec plusieurs clauses pour la conservation des libertés de l'église gallicane.

NOUS AVONS exécuté les ordres que la Cour nous avoit donnés vendredi dernier. Le Roi en ayant été informé, nous avoit fait dire de nous trouver dimanche à Versailles, à l'issue de son dîner.

Nous nous y sommes rendus à l'heure qui nous avoit été marquée, et, ayant été introduits dans son cabinet, nous eûmes l'honneur de lui dire:

Que la compagnie nous avoit chargé de lui rendre de très-humbles actions de grâces de la bonté qu'il avoit eue de lui confier l'examen de la constitution du pape sur le livre de M. l'archevêque de Cambrai, et de mettre son parlement en état de lui donner de nouvelles preuves du zèle ardent qu'il auroit toujours pour la défense des droits sacrés de sa couronne et des libertés de l'église gallicane.

Que la cour avoit cru en même temps qu'il étoit de son devoir, de son respect et de sa reconnoissance de lui rendre un compte exact de l'usage qu'elle avoit fait du pouvoir qu'il avoit bien voulu lui conserver, et que, dans cette vue, elle nous avoit ordonné d'avoir l'honneur de lui présenter une copie de l'arrêt d'enregistrement, par lequel il connoîtroit beaucoup mieux que par nos paroles, les sages tempéramens que le parlement avoit cru devoir prendre

pour

le bien de son service dans une affaire de cette importance.

Nous ajoutâmes enfin que la compagnie osoit l'assurer qu'elle tâcheroit toujours de mériter, par son attachement et son application infatigable à servir un si bon maître, la continuation des marques d'estime et de confiance dont il avoit bien voulu l'honorer en cette occasion.

Le Roi nous fit l'honneur de nous répondre : Qu'il avoit cru ne pouvoir mieux faire, que de remettre entre les mains de son parlement de Paris l'examen d'une affaire qui regardoit le bien de l'église et l'ordre public de son royaume; qu'il savoit qu'il n'y a point de compagnie où il puisse trouver ni plus de lumière et de capacité pour connoître ses véritables droits, ni tant de fermeté, et en même temps de prudence pour les soutenir; que tout ce qu'il désiroit n'étoit pas tant d'être servi avec ardeur, que de l'être dans les règles les plus exactes; et que, comme il avoit toujours été beaucoup plus jaloux de la justice que de son autorité, il n'avoit jamais exigé, et qu'il n'exigeroit jamais de ses officiers que ce que leur honneur et leur conscience demanderoient d'eux avant lui; qu'il voyoit avec plaisir combien son parlement étoit entré dans ses sentimens ; qu'il étoit persuadé qu'il en useroit toujours de la même manière, et que, de son côté, il seroit très-aise de lui donner toujours de nouveaux témoignages de son approbation et de la satisfaction qu'il avoit de ses services.

Nous l'assurâmes du profond respect et de la parfaite reconnoissance avec laquelle la compagnie recevroit ce qu'il nous auroit ordonné de lui dire de sa part; et, après lui avoir fait aussi nos très-humbles remercîmens, nous nous retirâmes.

VI.

DISCOURS

Sur la présentation des lettres de M. le chancelier de Pontchartrain.

LE 18 JUIN 1700.

La cérémonie de ce jour, profanée souvent par la flatterie, et presque toujours consacrée à la vanité, devient aujourd'hui véritablement auguste par le culte religieux que l'éloquence rend à la sévère modestie de M. le chancelier.

Aussi constant à refuser les louanges qu'attentif à les mériter, il ne cherche dans la vertu que la vertu même. Élevé à la suprême magistrature, il veut que la modestie et la simplicité montent avec lui sur le trône de la justice; et, bien loin de se laisser éblouir par une flatterie ingénieuse, la vérité même lui devient suspecte dès le moment qu'elle ose le louer. Mais c'est en vain qu'il étouffe aujourd'hui la voix de l'éloquence, et qu'il veut faire céder un usage aussi ancien que solennel, à la loi nouvelle d'une inflexible modestie. Il ne paroît jamais plus digne de louanges que lorsqu'il les évite; sa modestie même le trahit; elle excite les éloges qu'elle condamne, et le mépris de la gloire l'élève, malgré lui, jusqu'au comble de la gloire même.

Que les orateurs ne se plaignent donc plus de la violence qu'il fait à leur zèle; leur silence l'honore encore plus que leurs paroles. Entrons nous-mêmes avec respect dans les sentimens de M. le chancelier; écoutons, s'il se peut, jusqu'à la loi secrète de ses désirs. Que le serviteur fidèle ne prenne devant son

maître que la qualité de serviteur inutile; que, plein de la grandeur des services qu'il espère de lui rendre, il compte pour rien tous ceux qu'il lui a rendus; que le soin même qu'il prend de taire le passé fasse croître notre attente pour l'avenir; et qu'il ajoute à nos espérances tout ce qu'il retranche à nos éloges.

Mais si la modération de M. le chancelier ne nous permet pas de parler ici de tout ce qu'il a fait pour le Roi, son devoir et le nôtre nous ordonnent également de publier avec joie ce que le Roi a fait pour lui.

Joignons donc notre reconnoissance à celle de M. le chancelier. Son élévation est un bien qui nous est encore plus propre qu'à M. le chancelier même. Que la pompe de ce jour ne soit pas seulement consacrée au culte de la modestie; qu'elle devienne encore le triomphe de la reconnoissance. Cherchons-en les justes motifs dans les lettres mêmes que l'on vient de publier : c'est au Roi qu'il est réservé d'égaler par ses paroles la sagesse de son choix; et l'auteur du bienfait est seul capable de nous en faire sentir toute l'étendue.

Quelle joie pour ceux qui ont la gloire de servir un si grand prince, de voir que dans sa bouche les morts ne sont pas moins honorés que les vivans ; qu'ils vivent dans son cœur par leurs services, et dans son esprit par leur réputation; que le Roi se charge même d'acquitter les dettes de ses prédécesseurs, et veuille achever de récompenser la vertu des ancêtres de M. le chancelier, en leur accordant après leur mort la plus glorieuse et la plus rare de toutes les récompenses, le souvenir et la reconnoissance d'un roi qu'ils n'ont pas eu le bonheur de

servir.

C'est donc à nous, pour entrer dignement dans les intentions du Roi, de lui rendre aujourd'hui de publiques actions de grâces d'avoir choisi le chef de Ja justice entre les descendans de ces hommes illustres, dont les services ont mérité la gloire de renfermer successivement dans une seule famille ce qui D'Aguesseau. Tome I.

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