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ce grand corps de lumière, qui, jusqu'à la consommation des siècles, fera toujours trembler l'erreur, et triompher la vérité.

Nous sommes même persuadés que jamais il n'a été moins nécessaire de rappeler ces grands principes de l'ordre hiérarchique, que sous le sage pontificat du pape qui nous gouverne.

Successeur des vertus encore plus que de la dignité du grand saint Grégoire, il croiroit, comme ce saint pape, se faire une injure à lui-même, s'il donnoit la moindre atteinte au pouvoir de ses frères les évêques: Mihi injuriam facio, si fratrum meorum jura perturbo. Il sait comme lui, que l'honneur de l'église universelle est son plus grand honneur ; que la gloire des évêques est sa véritable gloire; et que plus on rehausse l'éclat de leur grandeur, plus on relève la dignité de celui que la Providence divine a certainement placé au-dessus d'eux.

I aspire à être aussi saint, mais non pas plus puissant dans l'église, que ces fermes colonnes de la vérité, saint Innocent, saint Léon, saint Martin, et tant d'autres saints pontifes, qui, tous également assis dans la chaire du prince des apôtres, n'ont pas cru avilir la dignité du saint siége, lorsqu'ils ont jugé que le suffrage des évêques devoit affermir irrévocablement l'autorité de leur décision; et que c'étoit à ce caractère sensible d'une parfaite union des membres avec leur chef, que tous les chrétiens étoient obligés de reconnoître la voix de la vérité, et le jugement de Dieu même.

Nous pourrions donc dire avec confiance, qu'il ne seroit pas absolument nécessaire de protester ici en faveur du pouvoir et de l'autorité des évêques, si nous étions assurés d'obtenir toujours de la faveur du ciel un pape semblable à celui qu'il laisse encore à la terre.

Mais comme les temps ne seront peut-être pas toujours tranquilles, aussi éclairés, aussi heureux que ceux dans lesquels nous vivons, nous ne pouvons nous dispenser, MESSIEURS, de vous supplier ici de

prévenir par une modification salutaire, les avantages que l'ignorance ou l'ambition des siècles à venir pourroit tirer un jour de ce qui s'est passé touchant la constitution du pape que nous avons l'honneur de vous présenter.

Dispensateurs d'une portion si considérable de l'autorité du Roi, consacrez-la, comme lui, à la défense et à la gloire de l'église; conciliez par un sage tempérament, les intérêts du pape avec ceux des évêques; recevez son jugement avec une profonde vénération, mais sans affoiblir l'autorité des autres pasteurs. Que le pape soit toujours le plus auguste, mais non pas l'unique juge de notre foi; que les évêques soient toujours assis après lui, mais avec lui, pour exercer le pouvoir que J. C. leur a donné en commun d'instruire les nations, et d'être dans tous les temps et dans tous les lieux les lumières du monde.

Après avoir envisagé la constitution que nous apportons à la cour, par rapport à la forme générale de la décision, deux clauses particulières qui y sont insérées, attirent encore l'attention de notre ministère.

L'une est la clause qui porte, que la constitution est émanée du propre mouvement de sa Sainteté.

Clause qui ne s'accorde ni avec l'ancien usage de l'église, suivant lequel les décisions du pape devoient être formées dans son concile; ni avec la discipline présente, dans laquelle cet ancien concile est représenté par le collége des cardinaux.

que

Clause les docteurs ultramontains ont même regardée comme peu honorable au saint siége; puisque, selon eux, dans sa première origine, elle faisoit considérer la décision du pape, plutôt comme l'ouvrage d'un docteur particulier, que comme le jugement du chef de l'église.

Clause enfin contre laquelle nos pères se sont élevés en 1623 et en 1646, et qui, quoique beaucoup plus innocente dans la conjoncture de cette affaire ne doit jamais être approuvée parmi nous, quand

même on ne pourroit lui opposer que la crainte des conséquences.

L'autre clause est celle qui prononce une défense générale de lire le livre condamné, même à l'égard de ceux qui ont besoin d'une mention expresse.

Il seroit inutile de s'étendre ici sur la nouveauté et sur les inconvéniens de cette clause. Vous savez, MESSIEURS, de quelle importance il est de ne se relâcher jamais de l'observation exacte de ces grandes maximes que les papes eux-mêmes nous ont enseignées, lorsqu'ils ont reconnu qu'il y a des personnes qui ne sont jamais comprises ni dans les décrets du saint siége, ni dans les canons des conciles, quelque générale que soit leur disposition, si elles n'y sont nommément et expressément désignées.

Nous sommes convaincus que l'on n'abusera jamais de ce style nouveau, qui semble donner atteinte indirectement à cette maxime inviolable; et trop de raisons nous empêchent de craindre un pareil abus, pour vouloir en relever ici les conséquences.

Mais quelque assurance que nous ayons sur ce sujet, nous manquerions à ce que nous devons au Roi, au public, à nous-mêmes, si nous ne déclarions au moins que nous ne pouvons approuver une clause qu'il nous suffit de regarder comme nouvelle, pour ne la pas recevoir.

Telles sont, MESSIEURS, toutes les observations que notre devoir nous oblige de faire, et sur la forme générale, et sur les clauses particulières de la constitution. Nous n'avons eu qu'un seul but en vous les expliquant ; et tout ce que notre ministère exige de nous, après l'acceptation solennelle des églises de France, se réduit à vous proposer aujourd'hui d'imiter cette simple, mais utile protestation que nous trouvons dans les souscriptions d'un ancien concile d'Espagne salvá priscorum Canonum auctoritate.

C'est sur ce modèle que nous avons cru devoir former les conclusions que nous avons prises par écrit en la manière accoutumée; nous les déposons

entre vos mains, et nous les soumettons avec respect à la supériorité de vos lumières.

C'est par vos yeux que le Roi veut examiner l'extérieur et la forme du bref que nous vous apportons; c'est à vous qu'il confie la défense des droits sacrés de sa couronne, et ce qui ne lui est pas moins cher, la conservation des saintes libertés de l'église gallicane, persuadé que, bien loin d'altérer cette heureuse concorde que nous voyons régner entre l'empire et le sacerdoce, vous l'affermirez par la sagesse de vos délibérations, afin que les vœux communs de l'église et de l'état soient également exaucés; et que, ne séparant plus les ouvrages de deux puissances qui procèdent du même principe, et qui tendent à la même fin, nous respections en même temps, selon la pensée d'un ancien auteur ecclésiastique, et la majesté du Roi dans les décrets du souverain pontife, et la sainteté du souverain pontife dans les ordonnances du Roi Ità sublimes ista persona tantá unanimitate jungantur, ut Rex in romano pontifice, et romanus pontifex inveniatur in Rege.

C'est dans cette vue que NOUS REQUÉRONS qu'il plaise à la cour ordonner que les lettres patentes du Roi en forme de déclaration, et la constitution du pape, seront enregistrées, lues et publiées en la manière ordinaire, aux charges portées par les conclusions que nous remettons entre ses mains avec les lettres patentes et la constitution.

APRÈS ce discours, les gens du roi ont laissé sur le bureau lesdites lettres patentes, avec ladite constitution en forme de bref, la lettre de cachet du roi et les conclusions prises par écrit par le procureur général du roi, et ils se sont retirés.

Et ensuite toutes les chambres ayant été assemblées, lecture a été faite de la lettre de cachet desdites lettres patentes en forme de déclaration, données à Versailles le quatrième du présent mois d'août, signées, LOUIS; et plus bas, par le Roi, PHELYPEAUX, et scellées du grand sceau de cire jaune;

par lesquelles pour les causes y contenues, ledit seigneur roi auroit dit, déclaré et donné, veut et lui plaît que la constitution de notre saint père le pape en forme de bref, du 12 mars dernier, attachée sous le contre-scel desdites lettres, portant condamnation du livre intitulé, Explication des maximes des saints sur la vie intérieure, composé par le sieur de Salignac de Fénélon, archevêque de Cambrai, acceptée par les archevêques et évêques du royaume, y soit reçue et publiée, pour y être exécutée, gardée et observée selon sa forme et teneur, et auroit ledit seigneur Roi exhorté, et néanmoins enjoint à tous lesdits archevêques et évêques, conformément aux résolutions qu'ils en avoient prises eux-mêmes, de la faire lire et publier incessamment dans toutes les églises de leurs diocèses, enregistrer dans les greffes de leurs officialités, et de donner tous les ordres qu'ils estimeroient les plus efficaces pour la faire exécuter ponctuellement. Ordonné en outre que ledit livre, ensemble tous les écrits qui ont été faits, imprimés et publiés pour la défense des propositions qui y sont contenues, et qui ont été condamnées, seroient supprimés, avec défenses à toutes personnes, à peine de punition exemplaire, de les débiter, imprimer et retenir enjoint à ceux qui en ont, de les rapporter aux greffes des justices de leur ressort, ou en ceux des officialités pour y être supprimés; et à tous les officiers du roi et autres de police, de faire toutes les diligences et perquisitions nécessaires pour l'exécution desdites lettres. Défenses pareillement de composer, imprimer et débiter à l'avenir aucuns écrits, lettres ou autres ouvrages, sous quelque prétexte et forme que ce puisse être, pour sou tenir, favoriser, et renouveler lesdites propositions condamnées, à peine d'être procédé contr'eux, comme perturbateurs du repos public, ainsi que le contiennent plus au long lesdites lettres à la cour adressantes, avec ordre que s'il lui apparoissoit qu'il n'y eût rien dans ladite constitution de contraire aux saints décrets, constitutions canoniques,

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