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comme eux, d'avoir fait éclater les premiers une division et un combat de sentimens souvent contraire à l'honneur des juges, et toujours au bien public: ils n'ont fait que défendre leur compétence, et soutenir leur juridiction attaquée par l'ordonnance des juge et consuls.

Mais si la forme extérieure de cette dernière ordonnance paroît plus régulière que celle de la première, on est forcé néanmoins de reconnoître dans la substance même et dans la disposition de ce réglement, des défauts importans qui ne permettent pas qu'on en tolère l'exécution.

Qu'on y trouve d'abord cet exposé injurieux aux juge et consuls: « Que les marchands banqueroutiers, » pour être favorisés, et éviter la peine de mort » prononcée par les ordonnances pour le crime de » banqueroute, s'adressent à leurs confrères qui >> homologuent très-facilement les contrats faits avec » des créanciers supposés » comme s'il étoit permis à des juges, dans une ordonnance publique, d'accuser d'autres juges de connivence et presque de collusion avec des criminels, pour étouffer la connoissance d'un crime et le dérober à la vengeance publique !

Qu'on suppose ensuite dans cette ordonnance, que les juge et consuls n'ont point de sceau, et qu'ils doivent emprunter celui du châtelet; quoiqu'ils soient dans une possession immémoriale d'avoir un sceau particulier, et que même dans ces derniers temps le Roi ait érigé en titre d'office un garde-scel de la juridiction consulaire.

Qu'on y insinue que le sceau du châtelet peut lui attribuer juridiction, même en matière consulaire ; que l'homologation des contrats passés entre un débiteur et ses créanciers appartient indistinctement, et dans tous les cas, au prévôt de Paris; qu'il a droit de connoître de toutes les lettres de change entre toutes sortes de personnes, si ce n'est entre négocians: et l'on y avance plusieurs autres propositions, dont les unes paroissent directement contraires à la

disposition des ordonnances, et les autres ne peuvent être admises qu'avec distinction.

Mais ce qui leur paroît encore plus important, c'est que l'on s'éloigne dans ce réglement, de l'esprit et de la sage disposition de l'ordonnance de 1673.

Cette loi a supposé que les sergens et les autres ministres inférieurs de la justice, étant tous dans la dépendance des juges ordinaires, il étoit inutile de leur faire des défenses rigoureuses de porter par devant les consuls les causes dont la connoissance appartient à la justice ordinaire.

On a cru au contraire que, toujours attentif à soutenir la juridiction de leurs supérieurs, ils seroient plus capables de priver les consuls de ce qui leur appartient, que de leur déférer ce qui ne leur appartient pas.

C'est pour cela si l'ordonnance prononce des

que

condamnations d'amende et contre les parties et contre les officiers qui leur auront prêté leur ministère, c'est uniquement contre ceux qui auront voulu dépouiller les consuls d'une partie de leur juridiction.

Cependant, contre l'intention et les termes de l'ordonnance, le nouveau réglement du châtelet impose des peines sévères à ceux qui portent dans le tribunal des juge et consuls des causes qui sont de la juridiction ordinaire.

La crainte de ces peines réduit souvent les parties dans l'impossibilité de trouver des sergens qui veuillent se charger de leurs assignations; et le moindre inconvénient auquel cette nouveauté puisse donner lieu, est le retardement de l'expédition, qui dans ces sortes de matières encore plus que dans les autres, fait une partie si considérable de la justice.

Qu'au milieu de tant de moyens par lesquels on pourroit combattre ces deux ordonnances contraires, ils voient avec plaisir que les officiers de l'une et de l'autre juridiction n'en ont point interjeté d'appellations respectives; ils ont conservé le caractère de

juges, et n'ont point voulu prendre celui de parties; et sans quitter les fonctions importantes qu'ils remplissent avec l'approbation du public, pour venir dans ce tribunal défendre les droits de leurs siéges, ils se sont contentés de remettre leurs mémoires entre leurs mains, pour attendre ensuite avec tout le public, le réglement qu'il plaira à la cour de prononcer.

Qu'ils oseront prendre la liberté de lui dire, que le meilleur de tous les réglemens sera le plus simple; c'est-à-dire, celui qui en défendant également l'exécution des deux nouvelles ordonnances, que leur contrariété rend également inutiles et illusoires, remettra les choses dans le même état où elles étoient avant ces prétendus réglemens; et ordonnera purement et simplement l'observation de la loi commune de l'une et de l'autre juridiction, c'est-à-dire, l'ordonnance de 1673.

Mais que pour le faire d'une manière plus précise, qui prévienne et qui termine dans le principe toutes les contestations générales ou particulières qui pourroient naître à l'avenir, ils croient devoir observer ici, que les plaintes des juge et consuls contre les entreprises des officiers du châtelet, se réduisent à deux chefs principaux.

Le premier regarde les révocations des assignations données par-devant les juge et consuls.

Le second concerne l'élargissement des prisonniers arrêtés en vertu de jugemens rendus en la juridiction consulaire.

L'ordonnance de 1673 sembloit avoir suffisamment pourvu à l'un et à l'autre de ces chefs, en défendant à tous juges ordinaires de révoquer les assignations données par-devant les consuls, et de suspendre ou d'empêcher l'exécution de leurs ordonnances.

Qu'on a éludé la première partie de cette disposition, par la facilité que l'on a trouvée au châtelet, de révoquer les assignations données par-devant les juge et consuls, non pas à la vérité sous le nom des parties (ce seroit une contravention grossière à D'Aguesseau. Tome I.

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Fordonnance), mais sous le nom de la partie publique, et à la réquisition des gens du roi et comme ces sortes de réquisitions ne se refusent jamais, la sage disposition de l'ordonnance est devenue inutile, et les conflits se sont multipliés par l'assurance de l'impunité.

Qu'à l'égard de l'autre partie de l'ordonnance, il paroît qu'elle n'a pas toujours été régulièrement observée au châtelet, et que l'on y a quelquefois surpris des sentences portant permission d'élargir les prisonniers arrêtés pour des condamnations prononcées par les consuls.

Que pour opposer un remède aussi prompt qu'efficace à ces deux inconvéniens, ils ne proposeront à la cour que ce qu'ils trouvent écrit dans quelquesuns de ses arrêts de réglement; et entr'autres en des arrêts rendus en 1611, 1615, 1648 et 1650 pour les consuls de Paris, et dans un arrêt de 1665 donné en faveur des consuls d'Orléans.

Qu'il a été défendu par ces arrêts, tant aux parties qu'aux substituts de monsieur le procureur général, de faire révoquer, casser et annuller les assignations données par-devant les juge et consuls, et de requérir aucune condamnation d'amende contre ceux qui se seroient pourvus en ce tribunal.

Que les mêmes réglemens défendent à tous juges de surseoir, arrêter ou empêcher l'exécution des sentences rendues par les juge et consuls, sauf aux parties à avoir recours à l'autorité de la cour, pour leur être pourvu.

Qu'ainsi la raison et l'autorité, le bien public et le particulier, l'intérêt des juges et celui des parties, tout concourt à les déterminer à demander à la cour qu'il lui plaise de suivre ici ses propres exemples (ils ne peuvent lui en proposer de plus grands), de prévenir par des défenses respectives les inconvéniens dans lesquels deux réglemens contraires peuvent jeter les parties; d'ordonner ensuite l'exécution pure et simple de l'ordonnance; de condamner les voies indirectes par lesquelles l'artifice des parties

atrouvé depuis quelque temps les moyens de l'éluder, et de faire ensorte que l'attention des juges qui sont soumis à l'autorité de la cour, n'étant plus partagée par des conflits de juridiction si peu dignes de les occuper, se réunisse désormais, et se consacre toute entière au service du public dans la portion de juridiction que la bonté du Roi veut bien leur confier.

C'EST par toutes ces raisons qu'ils requièrent qu'il plaise à la cour recevoir monsieur le procureur général appelant desdites sentences en forme de réglement, rendues, l'une par les juge et consuls le 17 mars 1698, l'autre par le prévôt de Paris ou son lieutenant, le 23 avril suivant; faire défenses de les exécuter, jusqu'à ce que par la cour en ait été autrement ordonné. Cependant, que les édits, déclarations et arrêts de réglemens concernant la juridiction consulaire, notamment l'article XV du titre XII de l'ordonnance de 1673, seront exécutés selon leur forme et teneur : ce faisant, faire défenses au prévôt de Paris et à tous autres juges de révoquer, même sur la réquisition du substitut de monsieur le procureur général, les assignations données par-devant les juge et consuls, de casser et annuller les sentences pár eux rendues, et de prononcer aucunes condamnations d'amendes pour distraction de juridiction, contre les parties qui auront fait donner, ou contre les sergens qui auront donné des assignations par-devant les juge et consuls, sauf aux parties à se pourvoir en la cour pour leur être fait droit, et au substitut de monsieur le procureur général à intervenir, si bon lui semble, même à interjeter appel, en cas de collusion ou de négligence des parties, pour l'intérêt de la juridiction du prévôt de Paris.

Faire pareilles inhibitions et défenses au prévôt de Paris, et à tous autres juges de surseoir, arrêter ou empêcher, en quelque manière que ce puisse être, l'exécution des sentences émanées de la juridiction consulaire, et de faire élargir les prison

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