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de l'état, et ramène la patrie à ses véritables principes; telle est non-seulement la gloire, mais l'obligation d'une compagnie qui est comme la dépositaire des intérêts publics, et dont le caractère glorieux a toujours été de servir dignement son roi, en servant sa patrie.

Loin de la noblesse de ses sentimens tout mélange d'intérêt particulier, toute jalousie même de crédit et d'autorité : foiblesse indigne des grandes compagnies aussi bien que des grands hommes ! Content du pouvoir que la patrie remet entre ses mains, l'homme de bien ne fait croître l'autorité de sa charge que par celle de son mérite. Le respect a encore plus de part que le devoir à la déférence qu'on a pour lui. On lui rend le même culte qu'à la vertu, et on lui obéit, pour ainsi dire, par admiration.

Si la patrie reconnoît ses services, il rougit presque de la récompense, et il lui semble qu'elle lui dérobe une partie du témoignage de sa vertu.

S'il n'éprouve que l'ingratitude des maîtres de la fortune, il jouira d'autant plus de sa réputation, que ce sera le seul bien qu'il aura acquis au service de l'état heureux d'avoir plus fait pour la patrie, que la patrie n'aura fait pour lui, et de pouvoir mettre tous ses citoyens au nombre de ses débiteurs!

Avouons-le néanmoins; un cœur magnanime s'affranchit aisément de la servitude de son intérêt particulier. Mais il faut au moins qu'une douce et vertueuse espérance de procurer ce bien public, qui lui tient lieu de tout, l'anime, le soutienne, le fortifie dans l'honorable, mais pénible service de la patrie.

Quelle est donc sa consolation, lorsque, par un bonheur singulier, ou plutôt par une sagesse supérieure, il voit se former sous ses yeux un nouvel ordre du gouvernement, et comme une nouvelle patrie, qui semble porter sur son front le présage certain de la félicité publique! C'est alors que l'amour

de la patrie se rallume dans tous les cœurs : les liens de la société se resserrent; les citoyens trouvent une patrie et la patrie trouve des citoyens. Chacun commence à sentir que sa fortune particulière dépend de la fortune publique et ce qui est encore plus consolant, l'intelligence qui nous gouverne n'est pas moins convaincue que le salut du souverain dépend du salut de ses peuples.

Vous conserverez à jamais dans vos annales, la mémoire de ce jour glorieux au sénat, précieux à la France, heureux même pour toute l'Europe, où un prince (1) que sa naissance avoit destiné à être l'appui de la jeunesse du roi, et le génie tutélaire du royaume, vint recevoir par vos suffrages la ratification du choix de la nature. Vaincre les ennemis de l'état par la force des armes, ç'a été le premier essai de son courage. S'attacher tout l'état par les charmes du gouvernement, c'est le chef-d'œuvre de sa sagesse. Par lui cet accord si désirable, mais si difficile, de la liberté et de l'autorité, se trouve heureusement accompli. Une autorité nécessaire tempère l'usage de la liberté, et la liberté tempérée devient le plus digne instrument de l'autorité. Que les génies médiocres redoutent les conseils les grandes ames sont celles qui les désirent le plus sûres d'elles-mêmes, elles ne craignent point de paroître gouvernées par ceux qu'elles gouvernent en effet ; et, dédaignant le faux honneur de dominer par l'élévation de leur dignité, elles règnent plus glorieusement par la supériorité de leur esprit.

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Que de si heureux commencemens aient des suites encore plus heureuses! Que tous les ordres de l'état, si sagement intéressés au succès du gouvernement, y contribuent également ou par un concert parfait, ou par une émulation encore plus désirable. Et pour renfermer tous nos souhaits dans un seul, fasse le ciel que la France respectée au dehors, paisible au

(1) M. le duc d'Orléans, régent.

dedans, puisse se consoler de ses pertes passées, rếparer ses forces épuisées par de longues et sanglantes guerres; puissaute sans inquiétude, heureuse sans envie, plus jalouse de la réputation de sa justice que de celle de sa grandeur, passer d'une régence tranquille à un règne pacifique, qui conservant toute l'harmonie d'un si sage gouvernement, nous assure la durée des biens dont la seule espérance fait déjà notre bonheur !

ET DISCOURS.

I.

RÉQUISITOIRE

SUR UN RÉGLEMENT ENTRE LE CHATELET ET LES JUGE ET CONSULS.

LE 7 AOUT 1698.

Ce jour, les gens du roi......M. HENRI-FRANÇOIS D'AGUESSEAU, avocat dudit seigneur roi, portant la parole, ont dit : Que les obligations de leur ministère ne leur permettoient pas de demeurer plus longtemps dans le silence sur les contestations trop publiques, que l'intérêt de la juridiction a fait naître depuis quelque temps entre les officiers du châtelet, et les juge et consuls.

Que quelque soin que l'ordonnance de 1673 ait pris de marquer des bornes justes et certaines entre la juridiction des juges ordinaires et celle des juge et consuls, il faut avouer néanmoins que l'affectation des plaideurs a excité depuis long-temps une infinité de conflits, dans lesquels on s'est efforcé de confondre ce que l'ordonnance et les arrêts de réglement de la cour avoient si sagement et si exactement distingué.

Que jusqu'à présent ces conflits se passoient entre les parties; les juges ne paroissoient y prendre aucune part; et quelques inconvéniens particuliers ne sembloient pas demander un remède général. Mais qu'aujourd'hui les choses ne sont plus en cet état. On a vu afficher dans Paris, d'un côté une ordonnance des juge et consuls, de l'autre, une ordonnance du prévôt de Paris, pour soutenir les intérêts opposés de leur juridiction. Les parties menacées de condamnation d'amende, incertaines sur le choix du tribunal où elles doivent porter leurs contestations, attendent avec impatience que la cour, supérieure en lumières, comme en autorité, leur donne des juges certains, et rende l'accès des tribunaux inférieurs aussi facile et aussi sûr qu'il paroît à pré.sent difficile et douteux.

Que s'il s'agissoit de prononcer définitivement sur l'appel de ces prétendus réglemens, il ne seroit peutêtre que trop aisé de faire voir que l'un et l'autre renferment des nullités essentielles, et des défauts presque également importans.

Que d'un côté, quelque favorable que soit la juridiction consulaire, elle ne peut pourtant s'attribuer l'autorité de faire des réglemens; on n'y trouve ni un office et un ministère public qui puisse les requérir, ni des juges revêtus d'un caractère assez élevé pour pouvoir les ordonner, ni un territoire dans lequel ils puissent les faire exécuter.

Que d'ailleurs, l'ordonnance que les juge et consuls ont fait publier, n'est qu'une simple et inutile répétition de l'ordonnance de 1673, qui n'en contient que les termes sans en avoir l'autorité.

Que d'un autre côté, le réglement contraire qui a été affiché en vertu d'une ordonnance du prévôt de Paris, paroît d'abord plus favorable, non-seulement par les prérogatives éminentes qui distinguent sa juridiction de celle des juge et consuls, mais encore parce que les officiers du châtelet trouvent leur excuse dans la conduite des juges qu'ils regardent comme leurs parties. Ils n'ont point à se reprocher

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