Page images
PDF
EPUB

SERMON
POUR

celui qui frappe. Si donc vous ne trouvez pas, fans doute vous ne cherchez pas : remuez jufqu'au fond de votre cœur, fes plaies ont cela qu'elles peuvent être fondées jufques au fond, pourvû qu'on MADAME ait le courage de les pénétrer. Vous trouverez dans ce fond un DE LA fecret orgueil, qui vous fait dédaigner tout ce qu'on vous dit & tous VALLIERE. les fages confeils; vous trouverez un efprit de raillerie inconfidérée qui naît parmi l'enjouement des converfations. Quiconque en eft poffédé croit que toute la vie n'eft qu'un jeu : on ne veut que fe divertir, & la face de la raison, fi je puis parler de la forte, paroît trop férieuse & trop chagrine.

[ocr errors]
[ocr errors]

Malachie,

Mais, pourquoi eft-ce que je m'étudie à chercher des causes fecrettes du dégoût que nous donne la piété? Il y en a de plus groffiéres & de plus palpables: on fçait quelles font les penfées qui arrêtent ordinairement le monde. On n'aime point la piété véritable parce que contente des biens éternels, elle ne donne point d'établiffement fur la terre, elle ne fait point la fortune de ceux qui la fuivent: c'est l'objection ordinaire que font à Dicu les hommes du monde : mais il y a répondu d'une maniere digne de lui, par la bouche du Prophéte Malachie. »> Vos paroles fe font élevées contre moi, dit le Seigneur, & vous avez répondu : Quelles paroles ch. III. » avons-nous proférées contre vous? Vous avez dit: Celui qui fert Dieu fe tourmente en vain. Quel bien nous eft-il revenu d'avoir » gardé fes commandemens, & d'avoir marché triftement devant fa face? Les hommes fuperbes & entreprenans font heureux, » car ils fe font établis en vivant dans l'impiété, & ils ont » tenté Dieu en fongeant à fe faire heureux malgré fes loix, & ils - ont fait leurs affaires. « Voilà l'objection des impies proposée dans toute fa force par le Saint Efprit? » A ces mots, pour» fuit le Prophéte, les gens de bien étonnés, fe font parlé fecrettement les uns aux autres. Perfonne fur la terre n'ofe entreprendre ce femble de répondre aux impies qui attaquent Dieu avec une audace fi infenfée; mais Dieu répondra lui-même : » Le Seigneur a » prêté l'oreille à ces chofes, dit le Prophéte, & il les a ouïes, il a » fait un livre, où il écrit les noms de ceux qui le fervent, & en ce jour où j'agis, dit le Seigneur des Armées, c'est-à-dire, en ce dernier jour, où j'achève mes ouvrages, où je déploie ma miséri,, corde & ma juftice; en ce jour, dit-il, les gens de Sion feront ,, ma poffeffion particuliere, je les traiterai comme un bon Pere traite un fils obéiflant. Alors vous retournerez, impies, vous ver

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

«

נו

SERMON

POUR MADAME

DE LA VALLIERE.

,, rez de loin leur félicité, dont vous ferez exclus pour jamais; & ,, vous verrez quelle différence il y a entre le jufte & l'impie, entre celui qui fert Dieu & celui qui méprise fes loix.

[ocr errors]
[ocr errors]

C'eft ainfi que Dieu répond aux objections des impies. Vous n'avez pas voulu croire que ceux qui me fervent puiffent être heureux : vous n'en avez crû ni à ma parole, ni à l'expérience des autres, votre expérience vous en convaincra, vous les verrez heureux, & vous vous verrez miférables, Hac dicit Dominus faciens hæc, c'eft ce que dit le Seigneur, il l'en faut croire: car lui-même qui le dit, c'est lui qui le fait, & c'est ainfi qu'il fait taire les fuperbes & les incrédules. Serez-vous affez heureux pour profiter de cet avis & pour prévenir fa colère : allez, Meffieurs, & penfez-y: ne fongez point au Prédicateur qui vous a parlé, ni s'il a bien dit, ni s'il a mal dit, qu'importe qu'ait dit un homme mortel? Il y a un Prédicateur invifible qui prêche dans le fond des cœurs, c'est celui-là que les Prédicateurs & les Auditeurs doivent écouter. C'eft lui qui parle intérieurement à celui qui parle au-dehors, & c'eft lui que doivent entendre au-dedans du cœur tous ceux qui prêtent l'oreille aux difcours facrés : le Prédicateur qui parle au-dehors ne fait qu'un feul fermon pour tout un grand Peuple, mais le Prédicateur du dedans, je veux dire le Saint-Efprit, fait autant de prédications différentes qu'il y a de perfonnes différentes dans un Auditoire; car il parle à chacun en particulier, & lui applique felon fes befoins la parole de la vie éternelle.

Ecoutons-le donc, Chrétiens, laiffez-lui renuer au fond de vos cœurs, ce fecret principe de l'amour de Dieu. Efprit Saint, Efprit pacifique, je vous ai préparé les voies en prêchant votre parole; ma voix a été femblable peut-être à ce bruit impétueux, qui a prévenu votre descente; defcendez maintenant, ô feu invifible, & que ces difcours enflammés que vous ferez au-dedans des cœurs, les rempliffent d'une ardeur célefte; faites-leur goûter la vie éternelle, qui confifte à connoître & à aimer Dieu; donnez-leur un effai de la vifion dans la Foi, un avant-goût de la poffeffion dans l'Efpérance, une goutte de ce torrent de délices qui enivre les Bienheureux dans les transports céleftes de l'amour divin.

Et vous, ma foeur, qui avez commencé à goûter ces chaftes délices, defcendez, allez à l'Autel; victime de la pénitence, allez achever votre facrifice, le feu eft allumé, l'encens eft prêt, le glaive eft tiré; le glaive eft la parole qui fépare l'ame d'avec elle-même,

SERMON

POUR MADAME

pour l'attacher uniquement à fon Dieu.*Le facré Pontife vous attend avec ce voile mystérieux que vous demandez. Enveloppez-vous dans ce voile; vivez cachée à vous-même, auffi-bien qu'à tout le monde; & connue de Dieu, échappez-vous à vous-même, fortez de vous-même, & prenez un fi noble effor que vous ne trouviez de VALLIERE. repos que dans l'effence éternelle du Pere, du Fils & du Saint- *Monseigneur

Elprit.

DE LA

PArchevêque de Paris.

REMERCI

MENT A L'ACA

DEMIE.

DISCOURS

DE M. BOSSUET, EVESQUE DE CONDOM, & depuis Evêque de Meaux, lorsqu'il fut reçu à la place de Monfieur du Châtelet. Prononcé le huit Juin mil fix cent foixante & onze.

MESSIEURS,

JE fens plus que jamais la difficulté de parler, aujourd'hui que dois parler devant les Maîtres de l'Art du bien dire, & dans une Compagnie où l'on voit paroître avec un égal avantage l'érudition & la politeffe. Ce qui augmente ma peine, c'eft qu'ayant abrégé en ma faveur vos formes & vos délais ordinaires, vous me preffez d'autant plus à vous témoigner ma reconnoiffance, que vous vous êtes vous-mêmes preffés de me faire fentir les effets de vos bontés particulieres; fi bien que m'ayant ôté, par la grandeur de vos graces, le moyen d'en parler dignement, la facilité de les accorder me prive encore du fecours que je pouvois espérer de la méditation & du tems. A la vérité, MESSIEURS, s'il s'agiffoit feulement de vous exprimer les fentimens de mon cœur, il ne faudroit ni étude, ni application pour s'acquitter de ce devoir. Mais fi je me contentois de vous donner ces marques de reconnoiffance, que la nature apprend à tous les hommes, fans expofer les raifons qui me font paroître ma réception dans cette illuftre Compagnie fi avantageufe & fi honorable, ne feroit-ce pas me rendre indigne d'entrer dans un Corps fi célébre, & démentir en quelque forte l'honneur que vous m'avez fait par votre choix? Il faut donc vous dire, MESSIEURS, que je ne regarde pas feulement cette Académie comme une Affemblée d'Hommes Sçavans, que

l'amour

MENT A L'ACA

DEMIE.

T'amour & la connoiffance des Belles-Lettres uniffent ensemble. Quand je remonte jufqu'à la fource de votre inftitution, un fi bel REMERCIétabliffement éléve plus haut mes penfées. Oui, MESSIEURS, c'eft cette ardeur infatigable qui animoit le grand Cardinal de Richelieu à porter au plus haut degré la gloire de la France; c'est, disje, cette même ardeur qui lui infpira le deffein de former cette Compagnie. En effet, s'il eft véritable, comme difoit l'Orateur Romain, que la gloire confifte, ou bien à faire des actions qui foient dignes d'être écrites, ou bien à compofer des écrits qui méritent d'être lûs, ne falloit-il pas, MESSIEURS, que ce Génie incomparable joignit ces deux chofes, pour accomplir fon ouvrage? C'eft auffi ce qu'il a exécuté heureufement. Pendant que les François animés de fes confeils vigoureux, méritoient par des exploits inoüis, que les plumes les plus éloquentes publiaffent leurs loüanges, il prenoit foin d'affembler dans la ville Capitale du Royaume Télite des plus illuftres Ecrivains de France, pour en composer votre Corps. Il entreprit de faire en forte que la France fournit tout ensemble, & la matiere & la forme des plus excellens difcours; qu'elle fût en même tems docte & conquérante, qu'elle ajoutât l'empire des Lettres à l'avantage glorieux qu'elle avoit toujours confervé de commander par les armes. Et certainement, MESSIEURS, ces deux chofes fe fortifient & fe foutiennent mutuellement. Comme les actions héroïques animent ceux qui écrivent, ceux-ci réciproquement vont remuer, par le défir de la gloire, ce qu'il y a de plus vif dans les grands courages, qui ne font jamais plus capables de ces généreux efforts, par lefquels l'homme eft élevé au-deffus de fes propres forces, que lorfqu'ils font touchés de cette belle efpérance de laiffer à leurs defcendans, à leur Maison, à l'Etat, des exemples toujours vivans de leur vertu, & des monumens éternels de leurs mémorables entreprises. Hé quelles mains peuvent dreffer ces monumens éternels, fi ce n'eft ces fçavantes mains qui impriment à leurs ouvrages ce caractère de perfection que le tems & la postérité refpectent? C'eft le plus grand effet de l'éloquence. Mais, MESSIEURS, l'éloquence eft morte; toutes fes couleurs s'effacent, toutes fes graces s'évanoüiffent, fi l'on ne s'applique avec foin à fixer en quelque forte les Langues & à les rendre durables. Car comment peut-on confier des actions immortelles à des Langues toujours incertaines & toujours changeantes; & la nôtre en particulier pouvoit - elle promettre l'immortalité, elle dont nous voyons tous les jours Tome VII.

Zzz

« PreviousContinue »