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nelle démeure, avec le Roi de la terre, il faut encore fervir le ORAISON Roi du Ciel. Servez donc ce Roi immortel & fi plein de miséDE LOUIS ricorde, qui vous comptera un foupir & un verre d'eau donné en DE BOUR- fon nom, plus que tous les autres ne feront jamais tout votre

FUNEBRE

BON.

1. Joan. 5. 4.

fang répandu; & commencez à compter le tems de vos utiles fervices du jour que vous vous ferez donnés à un maître fi bienfaifant. Et vous, ne viendrez-vous pas à ce trifte monument, vous, dis-je, qu'il a bien voulu mettre au rang de fes amis? Tous enfemble, en quelque dégré de fa confiance qu'il vous ait reçûs, environnez ce tombeau; verfez des larmes avec des prieres; & admirant dans un fi grand Prince une amitié fi commode & un commerce fi doux, confervez le fouvenir d'un Héros dont la bonté avoit égalé le courage. Ainfi puiffe-t-il toujours vous être un cher entretien; ainfi puiffiez-vous profiter de fes vertus : & que fa mort, que vous déplorez, vous ferve à la fois de confolation & d'exemple. Pour moi, s'il m'eft permis après tous les autres de venir rendre les derniers devoirs à ce tombeau, ô PRINCE, le digne fujet de nos louanges & de nos regrets, vous vivrez éternellement dans ma mémoire : votre image y fera tracée, non point avec cette audace qui promettoit la victoire; non, je ne veux rien voir en vous de ce que la mort y efface. Vous aurez dans cette image des traits immortels: je vous y verrai tel que vous étiez à ce dernier jour fous la main de Dieu, lorfque fa gloire fembla commencer à vous apparoître. C'est là que je vous verrai plus triomphant qu'à Fribourg & à Rocroy; & ravi d'un fi beau triomphe, je dirai en action de graces ces belles paroles du bienaimé difciple, Et hæc eft victoria quæ vincit mundum, fide's noftra: La véritable victoire, celle qui met fous nos pieds le monde entier, c'est notre Foi. Joüiffez, PRINCE, de cette victoire, joüissez-en éternellement par l'immortelle vertu de ce facrifice. Agréez ces derniers efforts d'une voix qui vous fut connue. Vous mettrez fin à tous ces difcours. Au lieu de déplorer la mort des autres, GRAND PRINCE, dorénavant je veux apprendre de vous à rendre la mienne fainte: heureux, fi averti par ces cheveux blancs du compte que je dois rendre de mon administration, je réferve au troupeau que je dois nourrir de la parole de vie, les reftes d'une voix qui tombe, & d'une ardeur qui s'éteint,

་་

SERMON
PRONONCÉ

A LA PROFESSION

DE MADA ME

DE LA VALLIERE,

DUCHESSE DE VAUJOUR.

Et dixit qui fedebat in Throno: Ecce nova facio

omnia.

Et celui qui étoit affis fur le Thrône a dit: Je renouvelle
toutes chofes. Apoc. XXI. s.

MADAME*,

Ce fera fans doute un grand spectacle, quand celui qui eft affis fur le Thrône d'où releve tout l'univers, & à qui il ne coûte pas plus à faire qu'à dire, parce qu'il fait tout ce qui lui plaît par fa parole, prononcera du haut de fon Thrône à la fin des fiécles, qu'il va renouveller toutes chofes, & qu'en même tems on verra toute

SERMON POUR MADAME

DE LA

VALLIERE.

* La Reine's

1

➖➖➖ la nature changée, faire paroître un monde nouveau pour les Elûs; SERMON mais quand pour nous préparer à ces nouveautés furprenantes du fiécle futur, il agit fécrettement dans les œuvres par fon Saint EfDE LA prit, qu'il les change, qu'il les renouvelle; & que les remuant jusVALLIERE. ques au fond, il leur infpire des défirs jusqu'alors inconnus, ce chan

POUR

MADAME

gement n'eft ni moins nouveau, ni moins admirable; & certainement il n'y a rien de plus merveilleux que ces changemens. Qu'avons-nous vû, & que voyons-nous ! quel état, & quel état ! je n'ai pas befoin de parler, les chofes parlent affez d'elles-mêmes. MADAME, voici un objet digne de la préfence & des yeux d'une fi pieuse Reine. Votre Majefté ne vient pas ici pour apporter les pompes mondaines dans la folitude, fon humilité la follicite à venir prendre part aux abaiffemens de la vie religieufe: & il eft jufte que faifant par votre état une partie fi confidérable des grandeurs du monde, vous affiftiez quelquefois aux cérémonies où on apprend à le méprifer.

Admirez donc avec nous ces grands changemens de la main de Dieu; il n'y a plus rien ici de l'ancienne forme, tout eft changé au-dehors, ce qui fe fait au-dedans eft encore plus nouveau: & moi, pour célébrer ces nouveautés faintes, je romps un filence de tant d'années, je fais entendre une voix que les Chaires ne connoiffent plus. Afin donc que tout foit nouveau dans cette pieuse céréC'étois la monie, ô Dieu, donnez-moi encore ce ftyle nouveau du Saint Ef roifiéme Fête prit, qui commence à faire fentir fa force toute puiffante dans la boude la Peniche des Apôtres : Que je prêche, comme un faint Pierre, la gloire

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de Jefus-Chrift crucifié; que je faffe voir au monde ingrat avec quelle impiété il le crucifie encore tous les jours. Que je crucifie le monde à fon tour; que j'en efface tous les traits & toute la gloire; que je l'enfeveliffe ; que je l'enterre avec Jefus-Chrift; enfin, que je faffe voir que tout eft mort, & qu'il n'y a que Jefus-Chrift qui vit. Mes Sœurs, demandez cette grace pour moi : fouvent ce font les auditeurs qui font les prédicateurs, & Dieu donne par fes Miniftres des enfeignemens convenables aux faintes difpofitions de ceux qui écoutent. Faites donc, par vos prieres, le difcours qui vous doit instruire, & obtenez-moi les lumieres du faint Efprit, par l'interceffion de la fainte Vierge. Ave, Maria,

Nous ne devons pas être curieux de connoître diftin&tement ces nouveautés merveilleufes du fiécle futur, comme Dieu les fera fans nous, nous devons nous en repofer fur fa puiflance, & fur la fagesse;

mais

SERMON
POUR
MADAME

DE LA
VALLIERE.

31.

Ezechiel

mais il n'en eft pas de même des nouveautés faintes qu'il opere au fond de nos coeurs. Il eft écrit: Je vous donnerai un cœur nouveau, & il est écrit: Faites-vous un cœur nouveau ; de forte que ce cœur nouveau qui nous eft donné, c'eft nous auffi qui le devons faire, & comme nous devons y concourir par le mouvement de nos volontés, Valliere. il faut que ce mouvement foit prévenu par la connoiffance. Confidérez donc, Chrétiens, quelle eft cette nouveauté des coeurs, & XXXVI. 26. quel eft l'état ancien d'où le Saint Efprit nous tire. Qu'y a-t-il de plus 1bid. XVIII. ancien que de s'aimer foi-même ; & qu'y a-t-il de plus nouveau que d'être foi-même fon perfécuteur? Mais celui qui fe perfécute foimême, doit avoir vu quelque chofe qu'il aime plus que foi-même. Ce font deux fortes d'amour qui font ici toutes choses. Saint Auguftin les définit par ces paroles: Amor fuiufque adcontemptum Dei, Amor Dei ufque ad contemptum fui. L'un, eft l'amour de foi-même pouffé jufqu'au mépris de Dieu; c'est ce qui fait la vie ancienne, & la vie du monde : l'autre, c'eft l'amour de Dieu pouffé jufqu'au mépris de foi-même, c'est ce qui fait la vie nouvelle du Chriftianif me; & c'est ce qui étant porté à la perfection, fait la vie Religieufe. Ces deux amours oppofés feront tout le fujet de ce Discours.

Mais prenez bien garde, Meffieurs, qu'il faut ici obferver plus que jamais le précepte que nous donne l'Eccléfiaftique. Le Sage qui entend, dit-il, une parole fenfée, la loue, & fe l'applique à foimême; il ne regarde pas à droite ni à gauche à qui elle peut convenir; il fe l'applique, & en fait fon profit. Ma Soeur, parmi les choses que j'ai à dire, vous fçaurez bien démêler ce qui vous eft propre : faites-en de même, Chrétiens, fuivez avec moi l'amour de foi-même dans tous fes excès, & voyez jufqu'à quel point il vous a gagnés par ses douceurs dangereuses. Confidérez enfuite une ame, qui, après s'être ainfi égarée par cet amour pernicieux, commence à revenir fur fes pas, qui abandonne peu à peu tout ce qu'elle aimoit, & enfin qui laiffant tout au-deffous d'elle, ne fe réferve plus que Dieu feul. Suivez-la dans tous les pas qu'elle fait pour retourner à lui, & penfez en même tems fi vous avez fait quelque progrès dans cette voie, voilà ce que vous avez à confidérer. Entrons d'abord en matiere, & pour ne pas vous tenir longtems en fufpens: l'homme que vous voyez fi attaché à lui-même par fon amour-propre, n'a pas été créé avec ce défaut. Dans fon origine Dieu l'avoit fait à fon image, & ce nom d'image lui doit faire entendre qu'il n'étoit pas fait pour lui-même; une image eft toute faite pour fon original. Si un Portrait pouvoit tout d'un coup devenir animé, comme il ne verroit en foiTome VIII.

Xxx

même aucun trait qui ne fe rapportât à la perfonne qu'il repréfente, SERMON il ne vivroit que pour elle feule, & ne refpireroit que pour fa gloiPOUR re. Et toutefois ces Portraits que nous animons fe trouveroient obliDE LA gés à partager leur amour entre les originaux qu'ils repréfentent, & VALLIERE. le Peintre qui les a faits. Mais pour nous, nous ne fommes point

MADAME

dans cette peine; celui qui nous a fait, eft celui qui nous a fait à sa reffemblance, nous fommes tout ensemble & les œuvres de fes mains, & fes images; ainfi, en toute maniere nous nous devons à lui feul, & c'eft à lui feul que notre ame doit être attachée.

En effet, quoique cette ame foit défigurée, quoique cette image de Dieu foit comme effacée par le péché, fi nous en cherchons tous les anciens traits, nous reconnoîtrons, malgré la corruption, qu'elle reffemble encore à Dieu, & que c'étoit pour Dieu qu'elle étoit faite. O ame, vous connoiffez & vous aimez; c'est là ce que vous avez de plus effentiel, & c'eft par-là que vous reffemblez à votre Auteur qui n'eft que connoiffance & qu'amour. Mais la connoiffance eft donnée pour entendre ce qu'il y a de plus vrai, comme l'amour eft donné pour aimer ce qu'il y a de meilleur. Qu'est-ce qu'il y a de plus vrai, que celui qui eft la vérité même, & qu'y a-t-il de meilleur que celui qui eft la bonté même? L'ame eft donc faite pour Dieu, & c'eft à lui qu'elle devoit fe tenir attachée, & comme fufpendue par fa connoiffance & par fon amour : il fe connoît foi-mêmê, il s'aime foi-même, & c'eft là fa vie : & l'ame raisonnable devoit vivre auffi en le connoiffant & en l'aimant. Ainsi, par fa naturelle conftitution, elle étoit unie à son Auteur, & devoit faire fa félicité d'un être fi parfait & fi bienfaifant; c'eft en cela que confiftoit fa droiture & fa force. Enfin, c'est par-là qu'elle étoit riche, parce qu'encore qu'elle n'eut rien de fon propre fonds, elle poffédoit un bien infini par la libéralité de fon Auteur, c'eft-à-dire, qu'elle le pof fédoit lui-même, & le poffédoit d'une maniere fi affûrée, qu'elle n'avoit qu'à l'aimer perfévéramment pour le pofféder toujours; puifqu'aimer un fi grand bien, c'eft ce qui en affûre la poffeffion, ou plûtôt c'eft ce qui la fait. Mais elle n'eft pas demeurée longtems en cet état; cette ame qui étoit heureuse, parce que Dieu l'avoit faite à son image, n'a pas voulu être fon image; elle a voulu, non pas lui reffembler, mais être abfolument comme lui: heureuse qu'elle étoit de connoître & d'aimer celui qui fe connoît & s'aime éternellement, elle a voulu, comme lui, faire elle-même fa félicité. Hélas qu'elle s'eft trompée, & que fa chûte a été funefte! Elle est tombée de Dieu fur foi-même : que fera Dieu pour la punir de fa défection? Il lui don

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