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unguiculis, primim timorem Dei quo vita humana nititur, quoque ipfis regibus fua majeftas & auctoritas conf tat: tum egregias omnes difciplinas artefque, quæ tantum decerent Principem, accuratè perdifceret; maximè quidem eas, quæ regendo ac firmando imperio effent; verùm & eas quæ quomodocumque animum perpolire, ornare vitam, homines litteratos conciliare Principi pof fent: ut ipfe Delphinus, & morum exemplar ac flos juventutis,& præclarus ingeniorum fautor, & tanto demùm Parente dignus habere

tur.

Eam itaque legem ftudiis Principis fixit, ut nulla dies vacua efflueret: aliud enim ceffare omninò, aliud oblecta re ac relaxare animum: ac

que

puerilem ætatem ludis jocifexcitandam, non tamen penitùs permittendam, fed ad graviora ftudia quotidie revacandam, ne intermiffa Languefcerent negotiofiffimam Principum vitam nullo die vacare ab ingentibus curis; pueritiam quoque ità exercendam, ut è fingulis diebus aliquot hora decerperentur rebus feriis addicenda:fic, ipfis jam ftudiis ad gravitatem inflexum, atque affuefac

INNOCENT

former de bonne heure au travail, & à la vertu. Il voulut que dès fa plus LETTRE tendre jeuneffe, &, pour ainfi dire, AU PAPE dès le berceau, il apprît premiére- XI. ment la crainte de Dieu, qui eft l'appui de la vie humaine, & qui affûre aux Rois mêmes leur Puiffance & leur Majefté: & enfuite toutes les fciences convenables à un fi grand Prince, c'est-à-dire, celles qui peuvent fervir au Gouvernement, & à maintenir un Royaume; & même celles qui peuvent, de quelque maniere que ce foit, perfectionner l'efprit, donner de la politeffe, attirer à un Prince l'eftime des hommes fçavans : enforte que Monfeigneur le Dauphin pût fervir d'exemple pour les moeurs, de modéle à la jeuneffe, de protecteur aux gens d'efprit: & en un mot, fe montrer digne fils d'un fi grand Roi.

I.

La Régle donnée par

fur les études

La Loi qu'il impofa aux études de ce Prince, fut de ne lui laiffer paffer aucun jour fans étudier. Il jugea qu'il y a bien de la différence entre de- le Roi. meurer tout le jour fans travailler, & prendre quelque divertiffement pour relâcher l'efprit. Il faut qu'un enfant joue, & qu'il fe réjouiffe, cela l'excite mais il ne faut pas l'abandonner de forte au jeu & au plaifir, qu'on ne le rappelle chaque jour à des chofes plus férieufes, dont l'étude feroit languiffante, fi elle étoit interrompue. Comme toute la vie des Princes eft occupée, & qu'aucun de leurs jours n'eft exempt de grands foins, il est bon de les exercer' dès l'enfance à ce qu'il y a de plus férieux, & de les y faire appliquer chaque jour pendant

AU PAPE

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quelques heures: afin que leur efprit LETTRE foit déja rompu au travail, & tout acINNOCENT coutumé aux chofes graves, lorsqu'on X I. les met dans les affaires. Cela même fait une partie de cette douceur, qui fert tant à former les jeunes efprits: car la force de la coutume eft douce, & l'on n'a plus befoin d'être averti de fon devoir, depuis qu'elle commence à nous en avertit d'elle-même.

Ces raifons porterent le Roi à deftiner chaque jour certaines heures à l'étude, qu'il crut pourtant devoir être entremêlées de chofes divertiffantes: afin de tenir l'efprit de ce Prince dans une agréable difpofition, & de ne lui point faire paroître l'étude fous un vifage hideux & trifte qui le rebutât. En quoi certes il ne s'eft pas trompé: car en fuivant cette méthode, il eft arrivé que le Prince averti par la feule coutume, retournoit gaiement & comme en fe jouant à fes exercices ordinaires, qui ne lui étoient en effet qu'un nouveau divertiffement, pour peu qu'il y voulût appliquer fon efprit.

Mais le principal de cette inftitution fut fans doute d'avoir donné pour Gouverneur à ce jeune Prince M. le Duc de Montaufier, illuftre dans la Guerre & dans les Lettres, mais plus illuftre encore par fa piété ; & tel, en un mot, qu'il fembloit né pour élever le fils d'un Héros. Depuis ce tems, le Prince a toujours été fous fes yeux, & comme dans fes mains: il n'a ceffé de travailler à le former, toujours veillant à l'entour de lui, pour éloigner ceux qui euffent pû corrom

quoque pertinere ad eam lenitatem, que formandis ingeniis adhibenda effet; lenem enim effe vim confuetudinis, neque importuno monitore opus, ubi ultrò ipfa monitoris opus,ubi officio fungeretur.

His rationibus adductus Rex prudentiffimus, certas quotidie horas litterarum ftudiis affignavit : has quidem interdum afperfis jocis ad hilariorem habitum

componendas, ne triftis & horrida doctrinæ facies puerum deterreret. Neque falfus animi fuit: fic nempe factum eft, ut ipfâ confuetudine admonitus, latus & alacer, ac ludibundo fimilis, Puer Regius folita repeteret ftudia, aliud ludi genus, fi promptum animum adhiberet.

Sed caput inftitutionis fuit, Ducem Montauferium præfeciffe, virum militari gloriâ

nec non litterariâ clarum

pietatis verò laude clariffi

mum: unum omnium & na

turâ & ftudio ad id factum, ut tanti Heroïs filium viriliter educaret. Is igitur Principem numquam ab oculis manibufque dimittere; affiduè fingere, à licentioribus quoque puras aures tueri, pravisque

dictis

ingeniis præftare inacceffas; ad omnem virtutem, maximè ad Dei cultum, monitis accendere, exemplo praire,invicta conftantiâ opus urgere, iifdemque veftigiis femper infiftere: nihil denique prætermittere, quo Regius Juvenis quàm valentiffimo & corpore & animo effet. Quem nos virum ubique conjunctiffimum habuiffe gloriamur: atque optimis quibufque artibus præcellentem, in re quoque litteraria & adjutorem nacti, & auctorem fecuti fumus.

Quotidiana ftudia, matutinis æquè ac pomeridianis horis, ab rerum divinarum doctrinâ femper incæpta:quæ ad eam pertinerent, Princeps detecto capite fummâ cum reverentiâ audiebat.

Cum Catechifmi doctrinam quam memoria teneret exponeremus,iterùm atque iterùm monebamus præter communes chriftianæ vitæ leges, multa effe qua fingulis pro variá rerum perfonarumque ratione incumberent: hinc fua Principibus propria & præcipua munera, quæ prætermittere fine gravi noxa non poffent. Horum fumma capita tum delibavimus, alia graviora reconditiora maturiori a

AU PAPE INNOCENT

X I.

pre fon innocence, ou par de mauvais exemples, ou même par des difcours LETTRE licencieux. Il l'exhortoit fans relâche à toutes les vertus, principalement à la piété : il lui en donnoit en lui-même un parfait modéle, preffant & pourfuivant fon ouvrage avec une attention & une conftance invincible; & en un mot, il n'oublioit rien de ce qui pou

voit fervir à donner au Prince toute la force de corps & d'efprit dont il a befoin. Nous tenons à gloire d'avoir toujours été parfaitement d'accord avec un homme fi excellent en toute chofe, que même en ce qui regarde les Lettres, il nous a non-feulement aidés à exécuter nos deffeins, mais il nous en a infpirés que nous avons fuivis avec fuccès.

II.

L'étude de chaque jour commençoit foir & matin par les chofes fain- La Religion. tes, & le Prince qui demeuroit découvert pendant que duroit cette leçon, les écoutoit avec beaucoup de refpect.

Lorfque nous expliquions le Catéchifme qu'il fçavoit par cœur, nous l'avertiffions fouvent , qu'outre les obligations communes de la vie Chrétienne, il y en avoit de particulieres pour chaque profeffion ; & que les Princes, comme les autres, avoient de certains devoirs propres, aufquels ils ne pouvoient manquer fans commettre de grandes fautes. Nous nous contentions alors de lui en montrer les plus effentiels felon sa portée, & nous réservions à un âge plus mûr, ce qui nous fembloit ou trop

mus.

profond, ou trop difficile pour un tati confideranda, docebaLETTRE enfant. AU PAPE INNOCENT

XI.

Mais dès-lors à force de répéter,
nous fimes que ces trois mots, Pié-
té, Bonté, Justice, demeurerent dans
fa mémoire avec toute la liaison qui
eft entr'eux. Et pour lui faire voir que
toute la vie Chrétienne, & tous les
devoirs des Rois étoient contenus
dans ces trois mots : nous difions,
que celui qui étoit pieux envers Dieu,
étoit bon auffi envers les hommes que
Dieu a créés à son image, & qu'il re-
garde comme fes enfans: enfuite nous
remarquions, que qui vouloit du bien
à tout le monde, rendoit à chacun ce
qui lui appartenoit, empêchoit les mé-
chans d'opprimer les gens de bien,
puniffoit les mauvaises actions, répri-
moit les violences, pour entretenir
la tranquillité publique. D'où nous ti-
rions cette conféquence, qu'un bon
Prince étoit pieux, bienfaisant envers
tous par fon inclination, & jamais
fâcheux à perfonne, s'il n'y étoit con-
traint par le crime & par la rébel-
lion. C'est à ces principes que nous
avons rapporté tous les préceptes, que
nous lui avons donnés depuis plus am-
plement: il a vû que tout venoit de
cette fource, que tout aboutiffoit là;
& que
ses études n'avoient point d'au-
tre objet, que de le rendre capable de
s'acquitter aisément de tous ces devoirs.
Il fçavoit dès-lors toutes les His-
toires de l'Ancien & du Nouveau
Teftament: il les récitoit souvent :
nous lui faisions remarquer les graces
que Dieu avoit faites aux Princes
pieux, & combien fes jugemens a-

Sanè repetendo effecimus, ut hæc tria vocabula aptissimè inter fe connexa hærerent memoria, Pietas, Bonitas Juftitia: his vitam chriftianam, his regii imperii officia contineri. Hæc verò ita colli

gebamus, ut qui pius in Deum effet, idem erga homines ad Dei imaginem conditos, Deique filios effet optimus; tum qui bene omnibus vellet, eum & fua cuique tribuere, & à bonis arcere fceleratorum injurias, & propter publicam pacem malefacta coërcere, perverfofque homines ac turbulentos in ordinem cogere. Principem ergo pium atque ideò bonum, omnibus benefacere, per se se nemini gravem, nifi fcelere & contumacia provocatum. Ad ea capita, quæ deinde copiofé tradidimus, præcepta retulimus: ab eo fonte manare, eò redire omnia: ideò Principem optimis difciplinis imbuendum, ut hæc promptè & facipræftare poffit.

Sacram Hiftoriam quæ Utroque Teftamento continetur, jam indè ab initio, & memoriter tenebat & fæpè memorabat: in eâ maximè quæ in pios Principes Deus

voient été terribles contre les impies,
ou contre ceux qui avoient été rebel- LETTRE
les à fes ordres.

ultrò contulerit ; quàm tremenda judicia de impiis,& contumacibus tulerit.

Paulò jam adultior_legit Evangelium, Actufque Apoftolorum, atque Ecclefia nafcentis exordia. His Jefum Chriftum amare docebatur: puerum amplexari: cum ipfo adolefcere, parentibus obedientem, Deo hominibufque gratum, novaque in dies Japientia argumenta proferentem. Hinc audire prædicantem: admirari figna flupenda facientem: colere beneficum: hærere morienti, ut & refurgentem, & ad cælos afcendentem fequi daretur. Tum Ecclefiam amore pariter & honore complecti: humilem, patientem, jam indè à primordio curis exercitam, probatam fuppliciis, ubique victricem. In eâ intueri, ex Chrifti placitis regentes Apoftolos, ac verbo pariter & exemplo præeuntes: in omnibus auctorem ac præfidentem Petrum: plebem dicto audientem, nec poft Apoftolica de creta quidquam inquirentem. Catera denique, quæ & fundare Fidem,& Spem erigere, Caritatem inflammare queant: Mariam quoque colere, & impensè venerari, piam apud Chriftum hominum advocatam; que tamen doceat non nifi Chrifto obe

Etant un peu plus avancé en âge, il a lû l'Evangile, les Actes des Apôtrès, & les commencemens de l'Eglife. Il y apprenoit à aimer JesusChrift; à l'embraffer dans fon enfance; à croître, pour ainfi dire, avec lui, en obéiffant à fes parens, en se rendant agréable à Dieu & aux hommes, & en donnant chaque jour de nouveaux témoignages de fageffe. Après il écoutoit fes prédications, il étoit ravi de fes miracles, il admiroit la bonté, qui le portoit à faire du bien à tout le monde; il ne le quittoit pas mourant, afin d'obtenir la grace de le fuivre reffufcitant, & montant aux Cieux. Dans les Actes, il apprenoit à aimer & à honorer l'Eglife, humble, patiente, que le monde n'a jamais laiffée en repos, éprouvée par les fupplices, toujours victorieuse. Il voyoit les Apôtres la gouvernant felon les ordres de Jefus-Chrift; & la formant par leurs exemples plus encore que par leur parole; faint Pierre y exerçant l'autorité principale, & y tenant par-tout la premiere place: les Chrétiens foumis aux décrets des Apôtres, fans fe mettre en peine de rien, dès qu'ils étoient rendus. Enfin nous lui faifions remarquer tout ce qui peut établir la Foi, exciter l'Efpérance, & enflammer la Charité. La lecture de l'Evangile nous fervoit auffi à lui infpirer une dévotion particuliere pour la fainte Vierge qu'il voyoit s'intéreffer pour les hom

AU PAPE
INNOCENT

X I.

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