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proche que je ferais à M. Goldoni est qu'on remarque dans son ouvrage l'homme plus habiS tué à faire des canevas qu'à détailler des pièces; et voilà la cause de ce que j'ai dit au commencement de cet extrait; car enfin, c'est le détail des scènes qui donne la couleur aux personnages, et c'est la partie faible du Bourru bienfaisant. Depuis la première représentation, on a fait quelques coupures et quelques légers changemens dans le détail des scènes. Cette pièce a eu un égal succès à la cour et à la ville; il est à désirer que M. Goldoni ne s'en tienne pas à cet essai, 1 et son séjour en France n'aura pas nui à son génie.

Le 19 octobre dernier, nous avons encore eu un début à la Comédie française, qui n'a pas été plus heureux que le précédent. Mademoiselle Pitrot de Verteuil, actrice du théâtre de Bordeaux, arrivant de Bruxelles et retournant à Bordeaux, a joué dans les rôles de Rodogune, Zaïre et Aménaïde. Elle a eu peu de succès. Sa voix est désagréable, sa prononciation et son jeu sont maniérés, et son visage est immuable. Elle a joué aussi quelques rôles de haut comique, et quoiqu'on y ait également remarqué les mêmes défauts qui lui sont naturels, elle a eu des momens d'un jeu plus vrai et assez heureux pour lui attirer de grands applaudissemens. Son intention était de se fixer à Paris si elle y avait réussi; mais on la laissera remplir paisiblement ses engagemens

tant à Bordeaux qu'à Bruxelles, où elle retourné le printemps prochain.

Vie du cardinal d'Ossat.

Le cardinal d'Ossat était Gascon; il naquit le 23 août 1536, à Larrogue en Magnoac, diocèse d'Auch, parlement de Toulouse. Son père était maréchal - ferrant. A mesure que les nations se civilisent, les grands talens s'élèvent plus difficilement aux grandes places, surtout lorsqu'ils sortent des basses conditions de la société. Il nous reste des lettres du cardinal d'Ossat où cet homme se montre, ainsi qu'on l'a vu dans sa vie, simple, franc, plein d'attachement à ses maîtres, sachant allier les devoirs d'un ecclésiastique avec la probité et l'habileté dans les négociations. Ces lettres doivent entrer dans la valise d'un envoyé à la cour de Rome.

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1

Les deux volumes qu'on vient de publier renferment un discours préliminaire de l'auteur de cet ouvrage sur la manière dont il a écrit la vie dù cardinal d'Ossat, et plus généralement sur la manière dont il croit que les vies particulières doivent être écrites; un discours du cardinal même sur les effets de la ligue en France; la vie du cardinal avec des notes.

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L'auteur prétend que l'historien d'un règne', d'un peuple, doit s'en tenir aux sommités, marcher avec rapidité; esquisser les faits et les personnages à grandes touches; qu'au contraire le biographe fait un portrait où il doit rendre jusqu'aux rides.

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Je suis de son avis. Le ton de ce discours, sans être saillant, sans offrir une couleur forte, des vues profondés, le caractère du génie, marque de la raison, de la sagesse, du bon sens, et donnerait assez passable opinion du reste de l'ouvrage.

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Le discours traduit de l'italien du cardinal d'Ossat, sur les effets de la ligue en France est excellent. Le ton en est måle; on reconnaît partout un homme présent aux affaires dont il vous entretient. Le tableau des malheurs qui déchirèrent la France au temps de la ligue est effrayant, sans qu'on se soit écarté de la sévérité rigoureuse de l'histoire; nul essor de l'imagination, rien qui -sente la verve, point de passion. Je conseille à -tous souverains de méditer ce discours. S'ils ne -comprennent pas en le lisant, que toute guerre de religion, soit qu'elle naisse de l'antipathie réelle des sectaires, soit que l'ambition fomente cette antipathie, sera suivie des mêmes calamités, ils ne le comprendront jamais : et il est inutile de leur prêcher l'esprit de tolérance, le seul moyén d'ôter tout crédit aux opinions religieuses, on ne les convertira pas. Le cardinal d'Ossat montre le Guise auteur et chef de la ligue comme un grand politique et un des grands capitaines de son temps, le sujet le plus dangereux qu'un monarque pût avoir, et peut-être l'homme le plus propre à faire un grand roi. On ne conçoit pas comment il ne fit pas raser son souverain, après s'être vanté qu'il lui tiendrait la tête, tandis que madame de Montpensier ferait la cérémonie avec les ciseaux qui

pendaient à sa ceinture. Il faut qu'à l'approche de ces grands attentats les âmes les plus fermes ne soient pas exemptes de je ne sais quelle terreur panique qui les arrête et qui leur inspire de la méfiance sur les précautions qu'elles ont prises; ils ne les croient jamais assez sûres, ils balancent, ils temporisent, et l'occasion leur échappe : tout manque parce qu'on a voulu tout prévenir. Il y a un point de maturité qu'il faut discerner, et jeter son bonnet par-dessus les moulins. César ne s'arrêta qu'un instant sur la rive du Rubicon, et fit fort bien; le lendemain il eût été trop tard pour le franchir. Celui qui dans ces circonstances, si compliquées, si au-dessus de toute prudence hu maine, ne veut rien laisser au hasard, ne s'y entend pas; il y a des occasions où le coup et la menace doivent partir en même temps, la menace est même de trop.

J'ai commencé la lecture du troisième morceau, la Vie du cardinal d'Ossat: point de génie, point de vues, nul art d'intéresser par les réflexions, lorsque le sujet ne prête pas. J'aime mieux aller voir le Cardinal chez lui, et le connaître dans ses lettres. J'avertis pourtant, pour l'acquit de ma conscience, que je n'ai pas lu la vie en entier: mais le moyen qu'un auteur qui est un peu plat dans les cent premières pages de son ouvrage, n'en a pas pris l'habitude.

J'apprends que cet ouvrage est de madame la présidente d'Arcouville, dont madame de Blot disait que le style avait de la barbe.

ARTICLE envoyé de Londres par

feuilles.

l'auteur de ces

Il est bon quelquefois d'écrire des sottises; elles peuvent donner lieu à mettre dans leur jour des faits que la vérité et la sagesse n'auraient pas. éclaircis sans être provoquées par la sottise. On peut se rappeler le conte impertinent de madame d'Auban, consigné dans ces feuilles il y a quelque temps; une main auguste n'a pas dédaigné de faire les remarques suivantes sur ce conte, à qui il arrive, par cette réfutation, plus d'honneur qu'il ne mérite.

OBSERVATIONS Sur le conte de madame d'Auban, morte à Vitry, au mois de février 1771.

« 1° L'épouse du Czarowitz, fils de Pierrele-Grand, n'était point du tout belle, mais bonne et honnête; elle était extrêmement marquée de la petite vérole, grande et fort maigre. Quoique son époux fût d'un caractère très-bizarre, cependant il ne poussa jamais ses emportemens jusqu'à des brutalités et atrocités pareilles à celles dont le conte l'accuse.

» 2o De ce mariage naquit Pierre II, empereur de Russie, qui régna après l'impératrice Catherine I, et une princesse nommée Natalie, morte à l'âge de dix-sept ans, pendant le règne de son frère.

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3o L'épouse du Czarowitz, après ses secondes couches, mourut d'une maladie de poitrine à S. Pétersbourg, en présence de l'empereur Pierre

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