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célébrité à ce P......., dont le nom, depuis ses exploits littéraires, est devenu en horreur à tout ce qui pense un peu philosophiquement. Confiné depuis ce moment à Argenteuil, à trois lieues de Paris, il préférerait la honte et le mépris au malheur d'être oublié; en conséquence, il réchauffe, tous les quatre ou cinq ans, les indignités dont il a eu le débit il y a onze ans, par privilége exclusif. Cela prouve qu'il y a des gens qui aiment mieux s'attacher eux-mêmes au carcan que de se laisser oublier : il ne faut pas disputer des goûts (1).

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c'est

(1) Il faut se rappeler que le baron de Grimm était l'ami intime de Diderot, cruellement maltraité par M. P.. et que la passion qui parle ici, cette passion dont Grimm disait un peu plus haut: qu'elle ne s'allie guère plus avec la sagesse que le » jour avec la nuit. » (Note de l'Ed.)

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1

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ON

JUILLET 1771.

Paris, 1er juillet 1771.

N peut compter parmi les plus impertinentes productions de celle année, une brochure de près de 400 pages in-8°, intitulée Confidence philosophique, et publiée à Genève sous le titre de Londres. On assure qu'elle est l'ouvrage de deux ministres du saint Evangile, dont l'un appelé Vernes, est un bel esprit manqué, aussi plat que rempli de petites prétentions. L'autre, M. Claparède, m'a paru un homme d'esprit ; mais je suis fâché pour lui que, par un excès d'amour-propre forl sauvage, il se soit attelé avec un pareil roquet pour une entreprise si ridicule. Le but de leurs efforts est de montrer l'influence funeste des principes de la nouvelle philosophie sur la conduite des courtauds de boutique : en conséquence de ce beau plan, le héros de MM. Vernes et Claparède, commis chez un négociant d'Amsterdam, et ensuite de Londres, attaque le miracle du figuier maudit et celui de la noce de Cana avec les armes de l'arsenal de Ferney, pour pouvoir aller en repos de conscience faire sa cour à des filles; il explique le système de la nécessité, de l'éternité de la matière, etc., à la femme de son bourgeois, afin de la débarrasser de ses scrupules. Malheureusement, le commis cite tout ce qui a été écrit de plus

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fort par
les philosophes modernes, et n'oppose
à leurs argumens que sa mauvaise conduite; de
sorte qu'il suffit d'enfermer le maraud de commis
dans une bonne maison de correction, et les ar-
gumens restent dans toute leur force. Au lieu de
prendre ce parti, si convenable et si simple, son
père fait la sottise de mourir de chagrin de la con-
duite de son garnement de fils. Son bourgeois
meurt aussi de désespoir d'avoir été fait c...; sa
femme meurt en couches d'un petit bâtard : ce qui
prouve évidemment que la Confession du vicaire
savoyard, l'Examen important de Bolingbrocke,
le Diner du comte de Boulainvilliers, et tant
d'autres ragoûts, sont des œuvres de Satan. Quant
au commis, il continue de rester esprit fort, et en
est quitte pour quelques coups de bâton de la
main d'un vieux et honnête militaire, qui n'entend
pas raillerie sur le fait de la religion. Je ne con-
pas de livre plus impertinent ni de plus bête.

nais.

La mort de M. le comte de Clermont, prince du sang, laisse une place vacante à l'Académie française. La cabale dévote, voulant faire entrer à l'Académie feu M. de Bougainville, qui était lui-même cagot, et d'un caractère assez décrié, la cabale opposée engagea M. le comte de Clermont à se mettre sur les rangs; ce prince y consentit, et eut, comme de raison, la préférence; mais Bougainville n'entra pas moins dans l'Académie bientôt après, et devint le confrère de son altesse sérénissime. Il n'y eut point de séance

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publique pour la réception de M. le comte de Clermont; ce prince alla un jour à une assemblée particulière, y prit séance sans façon, et ne prononça point de discours; il se contenta d'appeler quelques gens de lettres ses confrères. Ainsi, le privilége de l'égalité fut enfreint dans le fait, et il n'était guère possible que cela n'arrivât point. Toute celle petite cabale manoeuvra platement; elle n'empêcha pas Bougainville d'être de l'Académie; et M. le comte de Clermont, ne voulant, ne pouvant pas décemment jouer le rôle d'académicien, eut tort de se prêter à ces petites manoeuvres; ce prince ne vint plus à l'Académie, après cette première et courte visite. Il alla, quelques années après, relever le maréchal de Richelieu dans le commandement de l'armée du Bas-Rhin ; il n'arriva à 1; l'armée que pour voir ses quartiers repliés, depuis Zell et Hanover jusqu'à Wesel, depuis l'Aller et le Weser jusque derrière le Rhin. L'armée alliée, aux ordres des deux princes de Brunswick,. passa ce fleuve avec plus de gloire et moins de jactance que jadis Louis XIV. M. le comte de Clermont fut battu à Crevelt; il vint le soir de sa défaite à Nuys, si je ne me trompe; là, il s'informe auprès du commandant s'il a vu beaucoup de fuyards; celui-ci lui répond bonnement, et d'un air contrit: Non, Monseigneur, vous êtes: le premier: après quoi, monseigneur fut rappelé, et le commandement de l'armée passa à M. de Contades. Cette campagne ternit un peu la gloire

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qua

de M. le comte de Clermont, qui, en sa double
lité d'abbé de Saint-Germain-des-Prés et d'acadé-
micien, n'eut pas à se louer du Dieu des armées ;
ce Dieu s'était rangé du parti du prince Ferdinand
de Brunswick, dignitaire de la cathédrale de
Magdebourg. M. le comte de Clermont ne lui en
garda pas rancune; au contraire, il tomba bientôt,
après son retour, dans la plus haute dévotion; il
réforma chevaux, chiens, courtisanes; il se défit
même, par scrupule de conscience, de ses béné-
fices; et le roi, en les reprenant, lui donna
l'équivalent en rentes viagères. Depuis ce temps,.
il vécut dans une assez grande retraite, au fau-
bourg Saint-Antoine, où il vient de mourir,
universellement regretté, parce qu'il était natu-
rellement bon, et qu'il avait employé les der-
nières années de sa vie à faire d'immenses charités,
et à donner aux pauvres la plus grande partie de

son revenu..

Le charmant et unique Caillot ayant besoin de quelques mois de repos, on donna sur ce dernier théâtre, le 17 juin dernier, un essai de la Buona Figliola, opéra comique de Goldoni, à qui la musique divine de Piccini a procuré une gloire immortelle. Ce qu'on vient de faire pour assurer son succès en France est l'affront le plus sanglant qu'aux yeux d'un homme de goût un ouvrage puisse recevoir; mais cet affront ayant déja été fait à la Seiva Padrona pourquoi des barbares traileraient-ils mieux

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