Page images
PDF
EPUB

a pas

triste de l'année. On dit que la Beaumelle a fourni son article et celui de Maupertuis. Ce la Beaumelle se trouve à Paris depuis l'année dernière, et il doit à la protection de madame la comtesse du Barry d'être placé au nombre des gens de let tres attachés à la bibliothèque du roi, et de jouir de la pension vacante par la mort de M. l'abbé Alary. Je crois que cette faveur obtenue fera plus de peine à M. de Voltaire que toutes les injures du Tableau philosophique. Au reste, comme il n'y de si méchant livre où l'on ne puisse apprendre quelque chose, j'ai appris dans celui-ci pourquoi le patriarche a toujours nié si obstinément que Saint-Hyacinthe soit l'auteur du Chef-d'œuvre d'un Inconnu, quoique cette plaisanterie soit certainement de lui; c'est que Saint-Hyacinthe y avait ajouté une anecdote satirique contre M. de Voltaire; mais comme il n'y avait pas mis de nom, il eût été plus sage de ne s'y pas reconnaître, et cette histoire, vraie ou fausse, serait tombée d'elle-même. Il est vrai que la passion ne s'allie guère plus avec la sagesse que le jour avec la nuit; elle ne s'allie pas davantage avec la justice et l'équité. On ne saurait nier que M. de Voltaire ne se soit permis de tout temps les assertions les plus hasardées, et, tranchons le mot, les plus fausses contre ses adversaires. Tout ce qu'on peut dire à cet égard pour sa justification, c'est qu'il n'a presque jamais été agresseur; mais le premier acte d'hostilité commis envers lui, il n'a plus mis de bornes à sa vengeance.

[merged small][ocr errors][ocr errors][ocr errors]

P....... n'ayant pu obtenir l'année dernière la permission de la police pour faire jouer son Homme dangereux, comédie en vers et en trois actes, est allé le faire imprimer à Genève, avec un petit Commentaire à l'usage de ceux qui les aiment. Dans ce petit commentaire, il rend compte des obstacles qu'il a éprouvés de la part de la police, et qui l'ont forcé de renoncer aux honneurs du théâtre; il expose ensuite le but de sa pièce, son projet de se mettre lui-même sur la scène, et de s'y traduire comme un franc maraud qui joue un rôle méprisable, afin de donner à ses ennemis les philosophes le change sur l'auteur; ils auraient sans doute fait réussir la pièce, parce que l'antagoniste de la philosophie y joue un vilain rôle; et quand la pièce aurait été aux nues, P....... s'en serait déclaré l'auteur, et ses ennemis seraient morts de confusion et de désespoir d'avoir contribué à son succès. Voilà son plan politique tel qu'il l'expose lui-même dans une lettre à M. de Sartine, imprimée à la suite de la pièce. On ne peut guère voir plus de méchanceté, plus d'envie de nuire, plus d'extravagance et plus de folie que dans ce projet et dans la manière dont l'auteur le développe; il ne manque qu'un grand talent à P...... pour être un homme véritablement dangereux. Mais quoiqu'il écrive avec facilité, il n'a point d'idées, il est ignorant, il n'a point de coloris, il n'a point de traits; et doué du plus haut degré de malignité, il trouve le secret d'être écrivain ennuyeux. Il répète toujours la même

chose, savoir que le drame et la comédie larmoyante sont des monstres qu'il faudrait étouffer sur le théâtre; qu'il faudrait faire des pièces comme Molière ; que le genre de la satire est utile, et même indispensablement nécessaire; qu'en ce siècle il est, lui, le digne et le seul successeur de Molière et de Despréaux ; qu'il est un honnête homme, quoiqu'on ait osé imprimer quelquefois le contraire; qu'il est le digne fils d'un avocat, qu'il traite d'illustre, malgré ses aventures avec ses confrères, et à qui il donne la qualification de. chevalier, d'où il résulte que lui, P......., est un homme de qualité. Il se plaint aussi amèrement de toutes les persécutions que ses ennemis lui ont suscitées, deslibelles sans nombre dont il a été la victime; parce que dans le temps de la comédie des Philosophes, d'Alembert et l'abbé Morellet lui ont donné les étrivières dans une certaine vision de Charles P....... et dans des Quand. A ce sujet, il répète tout ce qui s'est passé à l'occasion de la comédie des Philosophes, qui n'a jamais causé de confusion qu'à ceux qui l'avaient protégée. Si M. le duc de Choiseul était encore en place, il ferait punir l'auteur des éloges qu'il lui donne à cet égard; personne n'a autant à se plaindre de ses injures que ce ministre de ses éloges. Quoique tout le monde soit déchiré dans cette belle brochure, cela est trop fastidieusement rebattu pour que la malignité même la plus décidée s'en amuse. La comédie elle-même est écrite avec facilité; on y rencontre par-ci par-là des vers assez bien

[merged small][ocr errors]

tournés; mais cela est si vide, si faible d'intrigue, si dépourvu de force comique et si plat, que l'Homme dangereux ne l'aurait été à coup sûr pour personne. Si la police avait jugé à propos de le laisser jouer, il serait mort de sa belle mort, au milieu des bâillemens du parterre, ainsi que les autres pièces de P......; car le Molière de notre siècle n'a pas encore trouvé le secret de faire réussir un seul de ses chefs-d'œuvre : il assure, il est vrai, que c'est le crédit de ses ennemis qui a empêché jusqu'à présent que ses pièces ne fussent reprises. Comme les belles âmes se contentent difficilement quand il s'agit de déchirer et de nuire, P...... a profité de l'occasion de son voyage à Genève et de l'impression de son Homme dangereux pour faire réimprimer un autre de ses ouvrages, où il se propose, dit-il, de travailler pour l'immortalité et de peindre les sots. Et quels sots? Diderot, Marmontel, Duclos, Saurin, Sedaine, et beaucoup d'autres qu'il confond avec Fréron et toute la plus vile canaille de la littérature. Cet ouvrage, que personne n'a pu lire à sa première apparition,paraît ici en deux volumes, et augmenté de quatre chants. Cela est si plat et si ennuyeux,que je défie le plus grand amateur de méchancetés d'aller jusqu'au bout sans le plus grand dégoût. MM. Diderot et Marmontel sont les héros de ce poëme et les prototypes de la sottise; M. Sedaine y est accouplé avec Poinsinet le noyé, et traité comme le dernier des hommes: si l'entendement pouvait jamais venir à P.,

[ocr errors]

il serait bien étonné de voir qu'il y a plus d'esprit et plus de génie dans la plus mauvaise scène du Philosophe sans le savoir,que dans toutes les rapsodies qu'il fera de sa vie. Comme successeur de Molière, il n'a jamais manqué les sifflets du parterre; il peut se vanter d'être encore cent fois plus mauvais comme successeur de Despréaux; être satirique et ennuyeux, c'est l'omne tulit punctum en sens contraire. On lit à la suite de son beau poëme un catalogue raisonné des auteurs français morts et vivans. Il résulte de cette liste que les grands hommes de la nation, dans le moment présent, sont M. de Voltaire, M. de Buffon, M. d'Alembert que P...... insultait il y a dix ans, M. Poinsinet de Sivri, M. le Brun qui a fait une ode, et M. Clément qui a déchiré le poëme de M. de Saint-Lambert et les Géorgiques de l'abbé Delille. Il a inséré de ce Clément une satire en vers qui fait espérer qu'il pourra mériter le nom de Clément maraud, que M. de Voltaire avait donné à feu Clément de Genève, qui est mort fou à Charenton. P......., par un excès de modestie, ne s'est pas compté parmi les grands. hommes du siècle; mais vous voyez bien qu'il y manque un septième. Il a fait aussi son propre article, où il s'efforce d'imiter le ton de plaisanterie de M. de Voltaire; mais vous savez comme les singeries réussissent; il y assure que beaucoup de gens le regardent comme un maraud. Il y a onze ans que M. le duc de Choiseul, en protégeant la comédie des Philosophes, donna de la

« PreviousContinue »