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F cependant il en regarde chaque molécule comme animée de tendances en tous sens, ce qui est contradictoire. Il fait naître le mouvement de ces tendances en tous sens, et cependant il croit le monde infini: deux conditions qui établiraient dans la masse un équilibre impossible à vaincre. Le vide et l'espace ne sont rien, mais rien du tout à son avis; et cependant il divise toute la matière en petites sphères, et cela sans se demander à lui - même ce que c'est que la multitude infinie de petits espaces curvilignes formés par le contact de ces petites sphères. Il n'y a point, selon lui, d'élémens essentiellement différens, quoique tous les phénomènes de la nature et du laboratoire soient fondés sur cette différence. Il prétend que l'air se convertit en eau, que l'eau se convertit en terre, et que la terre se convertit en feu; et c'est ainsi qu'il engendre des soleils, des comètes et des planètes. Une planète est un amas de matière où il y a air, eau, terre et feu; un soleil est un amas de matière où il n'y a plus ni air ni eau; une comète est un amas de matière où il n'y a plus ni air, ni eau, ni terre. Tout globe tend à parcourir ces différens états, dont le dernier est une dissolution absolue. M. Lasnière ne s'en tient pas à ces grands phénomènes généil applique ces principes à tous les effets minutieux qui se passent sous nos yeux : c'est le rêve d'un homme d'esprit qui est souvent obscur parce qu'il est impossible qu'un rêve métaphysique soit clair.

raux;

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Lettre de Brutus. Sur ce titre si ambitieux, on s'attend à voir les principes fondamentaux de la société discutés; la liberté de conscience, la propriété de ses biens et de sa personne, les questions sur l'impôt, les traités de paix, les déclarations de guerre et autres sujets importans agités; en un mot, Charles Stuart reconduit à sa prison de Westminster, interrogé, jugé, condamné et décapité : rien de tout cela. C'est une philippique pleine d'érudition et d'emphase contre les chars, tant anciens que modernes ; l'auteur les brise tous. Mais c'est aux cabriolets surtout qu'il en veut il est certain qu'il se passe peu de semaines sans quelque accident causé par les voitures; il ne l'est pas moins que s'il y avait quelque attentat commis sur la vie des citoyens, il faudrait s'en prendre à l'invasion des rues par quelques milliers de chars qui les rendent souvent impraticables et fort dangereuses pour les pauvres diables condamnés, comme moi, à marcher à pied. Mais il fallait faire une demi-page là-dessus, et non pas un gros livre, et, surtout, ne pas prendre' le nom de Brutus. Il en fallait faire une plaisanterie. Il fallait s'adresser à l'abbé M......, et à tous les ouvriers de la boutique économique, et les supplier, au nom de tous les crottés de la société, de plaider la liberté du pavé. Au lieu d'une gaieté légère et piquante, on a fait une dissertation longue, érudite, violente et fasti

dieuse. Il y a pourtant, tout au travers de ce fatras, deux ou trois belles pages; c'est une anecdole tirée, à ce que dit l'auteur, d'un des cent volumes de manuscrits orientaux conservés dans la bibliothèque royale de Berlin.

Cang-hi fut le Marc-Aurèle de la Chine par sa sagesse, et son Louis XIV par son goût pour le despotisme et la durée de son règne. Sa famille était très-nombreuse ; il y avait deux mille princes vivans, du sang de Cang-hi, et une loi ancienne condamnait à mort tout Chinois qui, même dans le cas d'une défense naturelle, oserait se mesurer avec un prince. Un événement funeste dessilla les yeux du souverain sur un privilége aussi odieux. Sunni et Idamé sortaient d'un temple consacré au Tien. Idamé était la plus belle femme de la Chine; Sunni était le disciple le plus révéré de Confucius. C'était un soir qu'ils étaient allés, selon leur usage, remercier l'Etre suprême du bien qu'ils avaient fait faire à leurs enfans. Ce jour-là, le cadet avait remporté le prix de l'agriculture, et l'aîné avait célébré par un poëme la victoire de son frère. Sunni et Idamé s'en retournaient chez eux précédés de leurs fils, qui se tenaient par la main. Ils sont arrêtés par une foule de peuple qui suivait le char du prince Yu. L'aîné des Sunni, séparé de son frère, est poussé sous une des roues du char, et brisé. Idamé, sa mère, se précipite au secours de son fils, et périt à côté de lui. Le cadet s'élance à la tête des chevaux. Le père, dans le

trouble qui l'agite, tire son poignard et leur perce les flancs. Le prince Yu est renversé de son char, et prêt à périr sous les coups do Sunni. Dans une ville moins bien policée que Pékin, quelles n'auraient pas été les suites de ce tumulte !

On soustrait le prince à la fureur de Sunni. Sunni est jeté dans un cachot. Les portes du palais impérial sont assiégées de vils esclaves qui crient vengeance contre l'audacieux Sunni.

Quelques jours après cet événement, Sunni est conduit devant l'empereur et le conseil des Colaos.. Il est interrogé ; il se défend avec cette fierté qui éclaire un souverain sans le blesser. Il proteste que s'il avait encore une femme et un fils à venger, il oublierait encore et le respect qu'il doit à ses maîtres, et celui qu'il doit à la loi. Je me condamne à la mort, ajouta-t-il ; mais, quitte envers ma patrie, je vais m'exprimer avec la liberté d'un être qui ne dépend plus que de Dieu et de la J'ai vécu soixante ans fidèle à mon » pays : pourquoi mon bonheur s'est-il passé » comme un songe? Pourquoi vais-je périr avec ignominie? Par quelle fatalité une mère et un fils » meurent-ils assassinés sans être vengés? Qui » es-tu, homme cruel, pour être l'arbitre de må » destinée? Te serais-tu flatté que je viendrais » dans ton palais baiser les pieds et embrasser les » genoux de ton fils? Le hasard t'a fait souverain; » le hasard a fait naître Yu de ton sang. Moi, je

nature. сс

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» descends de Confucius, et l'avenirjugera qui fut » le plus respectable du fils de Cang-hi qui écrase » les hommes sous les pieds de ses chevaux, ou du » neveu de Confucius qui sait mourir pour les » lois de son pays, lors même qu'elles l'outragent. » Tu prétends, cruel Yu, que je t'ai menacé de » mon poignard; sois père, sois époux, vois ton fils, vois ta femme expirant sous les roues de » mon char; mets-toi à ma place, et juge. Tu me » cites des lois, je t'oppose celles de la nature. Malheur à toi, si à la vue du sang de ta femme » et de ton fils tu te possèdes assez pour te rappeler une ordonnance de police et distin» guer un homme d'un autre! On dit que tu n'as point l'âme petite et barbare des courtisans; >> tant mieux pour toi. Tu peux me dérober au supplice; mais le meurtrier d'Idamé ne sera point mon bienfaiteur; je préfère la mort au » tourment de la reconnaissance. Te dirai-je plus? >> Absous au tribunal des Colaos, l'acte qui me >> conserverait la vie me blesserait. Si la loi qui » me condamne est juste, pourquoi le législateur >oserait-il l'enfreindre? Si elle ne l'est pas, pourquoi suis-je ici? Qu'on abroge cette loi, et qu'on » me conduise au supplice ; à ce prix, je meurs » satisfait, et je bénis le destructeur de ma fa» mille. » J'ai dit.

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On abandonna le sort de Sunni au jugement d'Yu; et voici sa réponse :

Je m'étais déjà jugé avant de t'avoir entendu; ta hardiesse ne change rien à mon projet. J'ai

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